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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Invité par l’UL à participer à un colloque Philippe Claudel: au plus profond de l’âme

Il écrit comme il respire, Philippe Claudel. Une écriture rapide, incisive, parfois. Et lente, méditée, d’autres fois. Sa spécialité ? Se pencher (et s’épancher) sur les blessures de l’âme. Voire les faiblesses humaines avec compassion et empathie, c’est sa marque de fabrique. Lorrain d’origine et de cœur (qu’il a gros comme ça), l’écrivain a largement marqué l’actualité littéraire avec son livre « Les âmes grises » couronné du prix Renaudot en 2003. Rencontre avec un auteur humble et humaniste, à Beyrouth pour quelques jours à l’occasion d’un colloque à l’UL. Philippe Claudel est un humaniste. «Voilà probablement l’un des plus beaux compliments qu’on pourrait me donner», dit le concerné en guise de remerciement. «Ce serait difficile d’être contre l’humanisme, reprend-il. C’est une belle raison de vivre. Si mes livres, très modestement, pouvaient aider les gens à regarder leurs semblables avec compassion, je serais très heureux.» L’homme est souriant, décontracté, convivial. Contrairement à quelques-uns de ses livres qui, franchement, ne sont pas à laisser entre les mains d’un déprimé. L’auteur est amusé par la remarque. Il est de ces écrivains atypiques qui «portent leur plume dans la plaie», comme Albert Londres. Il ne s’affaire pas à se construire une œuvre pour se payer un avenir; il est juste traversé par le courage et le besoin de décrire son époque et ses contemporains, sans haine, sans hargne et sans violence, dénonçant les travers d’une civilisation, saluant ses exploits, ne soignant ni les faux-semblants ni les fausses valeurs. Sa lucidité est féroce, cinglante, sa plume acérée et nerveuse. Un électron libre dans un paysage littéraire parfois trop lisse et consensuel. Philippe Claudel nous invite à boxer son temps, faire vaciller les fausses idoles, mettre à jour les vraies valeurs. Quel beau programme! Une écriture stylée. Une écriture simple d’apparence pour aller au plus profond de l’âme et des lieux, des faits et histoires, de l’Histoire et des histoires, des drames publics et intimes. «J’aime écrire, dit-il en toute simplicité. Cela ne représente pas un exercice d’ordre intellectuel. C’est plutôt une façon d’être dans le monde, de vivre, de respirer. Une façon de communiquer avec les autres. Comme lorsqu’on a la chance d’être traduit dans une vingtaine de langues.» Son inspiration? «Le roman est une école du regard, déclare-t-il. Tout passe par là. Je regarde les hommes, les femmes, les arbres, les rues, les paysages. Tout cela forme une matière qui s’entrepose dans une cave intérieure et quand j’écris, je puise dans cette cave.» Une écriture qui ne se laisse pas corrompre, qui prend la bêtise à rebrousse-poil, qui ne s’adresse ni aux ignorants, ni aux mondains, ni aux gâteux, ni aux populistes, ni aux politiciens véreux, ni aux éditeurs piteux, ni aux universitaires scabreux, ni aux journalistes fumeux. Et c’est la marque d’un écrivain d’une trempe rare de ne pas céder aux règles du «politiquement correct». De ne pas pactiser avec les mondanités littéraires. Il peint les caractères. Il fouille les âmes. Il dissèque ses contemporains. Met un point d’honneur à souligner leurs faiblesses, leurs insuffisances. Pas question de se tenir dans sa tour d’ivoire et de dresser un roman du monde, comme autrefois, Descartes dressait un roman de la nature, selon les mots mêmes de Blaise Pascal, son grand modèle. Il s’agit de descendre dans l’arène, de se confronter à ses contemporains. De se promener auprès d’eux. «La seule et unique méthode», affirme-t-il. Vivre avec eux, la joie et le désarroi, le courage et la couardise ; la ville, le monde, les spectacles, les transports en commun, la danse, le théâtre, la fête, les colères, la foule… L’écrivain se veut le témoin actif de son temps. C’est ainsi que Claudel ne comprend pas la logique de la guerre qui côtoie les débuts de l’humanité. «Tous mes livres parlent un peu ou beaucoup de la guerre. Pourquoi l’homme a en lui ce besoin, ce penchant irrépressible de se détruire, de détruire l’autre? Pourquoi personne ne dit stop et pourquoi personne n’entend ce stop?» Ces interrogations naïves sont en toile de fond de ses œuvres. Philippe Claudel s’attache, en décrivant des univers bien réels, à mieux faire percevoir les destins humains. «Pour quelqu’un comme moi, explique-t-il, la vie s’identifie au récit. Se taire, c’est cesser de vivre. Ce que je pourrais résumer en disant: “Vivre c’est raconter, raconter c’est vivre”». Une superbe leçon de lettres. Maya GHANDOUR HERT
Il écrit comme il respire, Philippe Claudel. Une écriture rapide, incisive, parfois. Et lente, méditée, d’autres fois. Sa spécialité ? Se pencher (et s’épancher) sur les blessures de l’âme. Voire les faiblesses humaines avec compassion et empathie, c’est sa marque de fabrique. Lorrain d’origine et de cœur (qu’il a gros comme ça), l’écrivain a largement marqué...