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L’Université Saint-Joseph a célébré hier sa fête patronale Chamussy : « Notre mission est de réconcilier dans la paix des visions du monde différentes »

Comme chaque année, l’Université Saint-Joseph a célébré sa fête patronale au campus des sciences et technologies à Mar Roukoz. Pour la deuxième année consécutive, les recteurs d’un certain nombre d’universités au Liban ont accepté de s’associer à cette manifestation universitaire et familiale. On notait aussi, parmi les présents, MM. Michel Eddé et Bahige Tabbarah, anciens ministres, et M. Antoine Khair président du Conseil supérieur de la magistrature. La journée a été marquée par une messe, un discours du recteur de l’USJ, le P. René Chamussy, sur le thème « Communauté universitaire et société », la projection d’un documentaire sur l’« Opération 7e Jour » d’assistance multiformes lancée par l’USJ après la guerre de juillet, et un repas convivial. Le recteur avait tenu à adresser une invitation personnelle aux journalistes, parce qu’ils sont de ceux, a-t-il dit, qui contribuent au rayonnement de l’université. Sous le titre « Communauté universitaire et société », le P. Chamussy s’est livré à une réflexion sur les rapports entre la communauté universitaire, au sens large du terme, et la société libanaise où elle s’insère et s’épanouit. Cette réflexion est partie d’une interrogation soulevée par la guerre de juillet 2006, qui a servi au recteur de « révélateur » de la réalité d’un Liban formé de « communautés séparées ». « Peut-on vivre encore en ce pays, haut-lieu de tant de tempêtes ? Y a-t-il encore place pour nos enfants en ce chaos ? » s’est-il interrogé, à la suite de nombreux Libanais. « La réponse à ces questions n’existe pas », a-t-il répondu. C’est d’un changement de perspective, d’une autre « vision du Liban » qu’il faut partir, d’un Liban qui ne serait pas d’abord communautés séparées, mais « ensemble réparti en groupes multiples plus ou moins marqués confessionnellement ». Et de s’interroger sur les outils qui permettront à une « population riche et foisonnante en sa diversité » de « se laisser saisir par de multiples synergies qui pourraient enfin souder un ensemble si souvent désajusté ». À côté d’autres acteurs sociaux, civils et institutionnels, à côté aussi de certaines puissances arabes et étrangères, le P. René Chamussy pense que la communauté universitaire a non seulement la capacité, mais « le devoir » de réaliser ces synergies. Communauté universitaire Pour le recteur Chamussy, le terme « communauté universitaire » comprend, outre les enseignants et les étudiants, « tous ceux appartenant à la mouvance USJ, les membres du personnel aussi bien que les Anciens ». C’est à cette prise de conscience qu’il est nécessaire d’abord de travailler, souligne-t-il, « pour faire comprendre au plus grand nombre l’importance de cette appartenance ». C’est aussi à une espèce de chaîne de solidarité entre les générations, ou à travers elles, que pense le recteur, qui cherche à créer et perpétuer un certain esprit de corps entre les Anciens d’abord, les Anciens et les générations nouvelles d’étudiants ensuite. Aux responsables de l’université, dit-il, il sera donc demandé « un intérêt plus marqué pour l’immense diaspora d’Anciens-USJ », objectif de la création d’une Fédération des anciens, et à ces Anciens, davantage d’engagement « dans une prise en charge sociale et professionnelle des étudiants » dans le but ultime de « voir comment exister comme tels sur la scène socio-politique et culturelle ». Les outils Pour construire la communauté universitaire, le recteur de l’USJ se propose d’utiliser comme outils des « dispositifs » et des « valeurs », dans la fidélité à la Charte de l’USJ, qui lui fait un devoir de se mettre au service d’une « promotion humaine totale ». Sous le chapitre « dispositifs », le P. Chamussy place le système européen de crédits récemment mis en place, qui « redessine le type de relations qui doit exister entre les étudiants, les enseignants et les responsables ». Il envisage aussi des formations continues, des conseils professionnels, l’affermissement des stages et des premiers emplois, ainsi qu’un « système de communication inclusif qui permette à chacun de savoir ce qui se passe dans l’ensemble communautaire ». Mais pour que ces dispositifs portent tous leurs fruits, « une prise de conscience commune » des valeurs défendues et promues par l’USJ est essentielle. Rappelant que la fonction originelle de l’université, au Moyen Âge, était de se poser comme « unité d’une multiplicité », le recteur Chamussy affirme que cette vérité de base, qui semble battue en brèche par « l’éclatement du savoir en secteurs fort cloisonnés », rejoint l’intuition initiale de Léopold Sédar Senghor qui accorde à la Francophonie naissante d’effectuer « la symbiose des énergies dormantes de tous les continents ». « C’est cette conscience qui doit nous habiter, que nous sommes porteurs de valeurs essentielles pour l’ensemble qui nous entoure », dit-il. Un triple message Implantée au Liban, l’Université Saint-Joseph doit donc avoir un triple message, dit le P. Chamussy : « L’université est d’abord francophone ; elle est aussi enracinée dans le monde arabe ; elle est enfin depuis longtemps tournée vers l’Europe. » Le message culturel francophone, c’est « la francophonie, cet humanisme intégral qui se tisse autour de la terre », pour reprendre les mots de Senghor ; c’est aussi la « civilité démocratique » dont parle l’écrivain franco-haïtien René Depestre. L’appartenance au monde arabe, qui a poussé l’USJ à créer ou songer à des partenariats en Égypte et aux Émirats arabes unis, incite l’université à tout faire pour que les paroles échangées soient « créatrices de liens toujours plus solides » et de « convivialité ». Enfin, l’appartenance à l’Europe, « haut-lieu des droits de l’homme et des libertés », ne peut que marquer l’USJ du sceau de ces valeurs. À la recherche d’un second souffle Créatrice de solidarité professionnelle entre les générations, l’appartenance à la communauté universitaire doit aussi permettre à l’université de se défendre s’il était porté atteinte à sa liberté ou à ses compétences. Mais ces formes de solidarité étant acquises, il faut aller plus loin. Il lui revient « d’être présente dans les structures étatiques en telle sorte qu’elle soit partie prenante à ses décisions ». Le P. Chamussy pense qu’il faut ainsi « retrouver le dynamisme » de l’époque ou « le Liban a été façonné par des hommes et des femmes issus de l’USJ ». Il s’agirait « comme d’un second souffle ». Il faut le faire dans la conscience que l’USJ « peut apporter beaucoup à la société toute entière », malgré « les effets pervers » des pressions confessionnelles. Par ailleurs, « l’USJ doit prendre en considération sans réserves aucunes tout ce qui concerne la société civile, l’ouverture aux actions bénévoles et les mouvements associatifs qui se constituent à son entour », comme elle l’a fait sous diverses formes lors de la guerre de juillet. En conclusion, le P. René Chamussy a pris l’engagement, dans la fidélité à la Charte de l’USJ, « de travailler toujours au développement et à la croissance dans la paix de tous ceux que leur propre histoire a dotés de visions du monde toujours différentes, mais que nous ne pourrons jamais qualifier d’irréconciliables ». De larges extraits Voici de larges extraits de l’allocution du recteur de l’USJ : « Qu’est-ce qui fait vivre cette communauté ? Ce qui devrait faire vivre et faire exister notre communauté universitaire, ce devrait être, bien sûr, les exigences très claires de notre Charte. On nous parle là de la “mission culturelle de l’université” ; on nous parle de “promotion humaine totale”, de recherche, de liberté, de service des sociétés qui nous entourent, de participation… Autant de valeurs dont on ne peut faire fi. « (...) Dans un exposé magistral en septembre 2006 sur “le rôle des institutions universitaires dans le développement d’une culture démocratique européenne”, le philosophe Alain Renaud évoque l’histoire de l’université, cette réalité qui devrait toujours être “unité d’une multiplicité” (...) Mais voici qu’aujourd’hui, pour des raisons qui tiennent tant à la massification du public étudiant qu’à l’éclatement du savoir en secteurs fort cloisonnés, ce modèle vacille. Paradoxalement, alors même que les universités se multiplient, l’université en tant qu’unité d’une multiplicité disparaît. D’aucuns annoncent déjà la fin de cette réalité que l’on croyait essentielle à notre monde. « Alain Renaud cependant se refuse à une telle apocalypse et, emboîtant le pas à Léopold Sédar Senghor, il relève que “l’Universitas” renvoie en fait à l’Universum entendu au sens de l’universel et des valeurs capables d’universalité. Il en conclut dès lors que ce qui doit habiter l’université d’aujourd’hui c’est cette conscience de valeurs qui vont en fait aider à l’unité des multiplicités culturelles au cœur desquelles nous naviguons (...) Quant à nous, ici même, au Liban, il nous faudra dire, en fonction de nos traditions et du contexte dans lequel nous vivons, que notre message ne peut être que triple. L’Université Saint-Joseph est en effet d’abord francophone ; elle est aussi enracinée dans le monde arabe ; elle est enfin depuis longtemps tournée vers l’Europe. Le message francophone « C’est donc le message culturel francophone qui doit d’abord nous importer. Et ce message, c’est bien évidemment encore une fois Léopold Sédar Senghor qui l’a le plus parfaitement défini : “La francophonie, dit-il, c’est cet humanisme intégral qui se tisse autour de la terre : c’est cette symbiose des « énergies dormantes » de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire”(...) » Quant à l’appartenance au monde arabe elle « nous pousse à tout faire pour que les paroles échangées soient créatrices de liens toujours plus solides entre tant d’appartenances multiples, pour que la convivialité spécifique de ce monde devienne source d’innovation. C’est dans cette perspective d’ailleurs que l’université en tant que telle fait tout pour renforcer ses liens avec les universités arabes et pour inventorier les possibilités de se créer des partenariats plus solides tant en Égypte qu’aux Émirats arabes unis pour commencer ». Pourquoi l’Europe ? « Reste ce dernier ensemble qui doit pour notre communauté universitaire informer notre conscience, j’ai parlé de l’Europe. Pourquoi l’Europe ? Parce que la France est à la source de notre tradition et de notre engagement académique et qu’elle reste très présente et participe même à nos projets. Parce que l’Europe est l’espace dans lequel ce dernier pays se situe, parce que c’est là l’instance qui nous guide dans nos tentatives de réforme, parce que c’est aussi, pour nous tous, le haut-lieu des droits de l’homme, le temple des libertés toujours à réaffirmer. «Il va de soi pour nous tous, j’en suis convaincu, que si cette communauté universitaire a une signification sur le plan interne, elle se doit d’en avoir tout aussi bien sur le plan du rayonnement extérieur. Ad intra, elle est ce qui fait exister l’université dans ses relations multiples et variées avec l’État, le monde si vaste de l’enseignement supérieur, celui encore plus important des entreprises et sociétés où cette communauté se déploie. « Dans cette perspective, on ne peut qu’insister sur la nécessaire solidarité qui doit relier tous les membres de notre communauté et qui pourrait permettre aux étudiants de se dire qu’ils sont soutenus par leurs Anciens dans la perspective d’un emploi à acquérir et aux enseignants qu’ils sont susceptibles de découvrir des fonds pour leur recherche dans des sociétés prêtes à aider l’université. De même, à supposer que des décisions graves et portant atteinte à notre université, à sa liberté et à ses compétences, soient prises par les autorités nationales, il va de soi qu’alors, toujours solidaire, la communauté universitaire pourrait se mobiliser. S’investir sans réserve « Mais cette solidarité ne doit pas être l’affaire d’un temps, d’un moment. C’est toute la formation en notre université qui doit nous porter à agir, à travailler en professionnel pour le bien de notre société. Le Liban a, dans les temps de sa formation, été largement façonné par des hommes et des femmes issus de notre communauté universitaire. Les changements politiques et sociaux que nous avons vécus n’ont pas permis qu’un tel processus se poursuive avec la même intensité. Il nous faut retrouver ce dynamisme (...) « Cette implication nécessaire, et qui serait donc le signe que notre communauté universitaire dans son ensemble – anciens, enseignants, étudiants, personnels – est parvenue à trouver comme un second souffle, cette implication nécessaire au niveau de l’État et des instances professionnelles qui l’entourent devrait enfin être complétée par la prise en considération sans réserves aucunes de tout ce qui concerne la société civile et les mouvements associatifs qui se constituent à son entour. Certes tout ce nouvel ensemble n’est pas sans poser problème au Liban aujourd’hui dans la mesure où les pressions confessionnelles ne manquent pas de jouer en ce domaine et d’avoir en conséquence bien des effets pervers. « Dans la mesure cependant où notre université a su se poser sans devenir le jouet de quelque communauté que ce soit, et en cherchant toujours à travailler à unifier ses diversités, peut-être peut-elle apporter beaucoup à la société toute entière. Elle a su le montrer, nous le disions plus haut, en s’investissant sans réserves dans la reconstruction du Liban meurtri de l’été 2006. Elle pourrait sans aucun doute faire encore beaucoup en de tels domaines. » L’affaire de tous (...) En conclusion le recteur de l’USJ a déclaré : « Notre Charte, nous venons de le redire à notre façon, nous dit que l’Université Saint-Joseph, c’est cette multiplicité unifiée, ce sont ces synergies mises en œuvre. Notre communauté universitaire, ce doit être tout cela qui voudrait être vécu sur les campus, mais poursuivi au-delà de nos murailles, en symbiose et synergie avec tant d’autres partenaires. On nous parle souvent du rayonnement de l’université ; ce ne doit pas être l’affaire de quelques chercheurs et étudiants brillants ; ce ne doit pas être l’affaire de multiples conventions accumulées. Ce doit être l’œuvre de toute une communauté animée d’une conscience forte de ce qu’elle peut faire, de ce qu’elle doit faire pour, au cœur d’un pays et au-delà des frontières, travailler toujours au développement et à la croissance dans la paix de tous ceux que leur propre histoire a dotés de visions du monde toujours différentes, mais que nous ne pourrons jamais qualifier d’irréconciliables. »
Comme chaque année, l’Université Saint-Joseph a célébré sa fête patronale au campus des sciences et technologies à Mar Roukoz.
Pour la deuxième année consécutive, les recteurs d’un certain nombre d’universités au Liban ont accepté de s’associer à cette manifestation universitaire et familiale. On notait aussi, parmi les présents, MM. Michel Eddé et Bahige...