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FESTIVAL BEYROUTH XXIe SIÈCLE Trois artistes évoquent en France «leur Liban» meurtri

Dima, Hala et Nadine auraient pu quitter un Liban meurtri et divisé par une nouvelle guerre, mais ces artistes de passage à Marseille pour le festival Beyrouth XXIe siècle restent dans leur pays ou y reviennent pour écrire, filmer et «susciter une réaction même minime». Au fil des rencontres, organisées tout le mois de mars en Provence-Alpes-Côte d’Azur, puis à Paris et Beyrouth par les associations Libraires du Sud, Diffusion des cinémas arabes (Aflam) et la revue littéraire La Pensée de midi, Dima al-Joundi, la documentariste, Hala Moughanie et Nadine Chéhadé, jeunes écrivains, évoquent leur idéal d’un Liban uni. Et la réalité «d’un pays où les boutiques mettent des écriteaux interdisant de parler politique pour ne pas que les échanges dégénèrent» entre partisans de l’opposition emmenée par le Hezbollah et de la majorité gouvernementale. En janvier, des combats de rue entre partisans des deux camps ont fait craindre un retour de la guerre civile. «Je sais que je vais rester. Je n’attends rien du pays sur un plan matériel ou pour ma carrière, mais je veux faire partie de l’histoire humaine du Liban, même dans les périodes difficiles, comme lors des bombardements israéliens», confie Hala Moughanie. Pour «prendre de la distance», cette Beyrouthine de 27 ans qui a vécu deux guerres écrit nouvelles et pièces de théâtre. Tais-toi et creuse, qui sera joué au Canada puis à Paris cette année, raconte la quête de mémoire d’un fils, la quête d’amour d’une mère et d’argent d’un père dans le Liban d’aujourd’hui. Une de ses nouvelles, dans un recueil à publier cette année, évoque le destin d’une femme qui «couche le dernier soir de la guerre avec un homme parce qu’elle est persuadée qu’elle va mourir le lendemain. Mais le lendemain la guerre s’arrête...». «J’ai envie de parler aux gens de la guerre, de la manipulation des individus par les politiques, de tout ce qui ne les caresse pas dans le sens du poil.» «Nous avons tous connu la guerre, ressenti la souffrance et cela nous donne une base commune purement humaine sur laquelle nous pouvons construire, même si nous ne sommes pas de la même région, du même parti, de la même confession», dit-elle. Nadine Chéhadé, 29 ans, auteur de Beyrouth, été 2006, inspiré de son blog de guerre, se réinstallera au Liban au printemps: «Cela a encore un sens d’écrire et de faire des films car ça génère de la réaction, même minime.» Elle veut croire à une troisième voie entre la majorité progouvernementale et l’opposition. «Les deux côtés ont à la fois raison et tort, mais je ne peux pas croire qu’on veuille refaire la guerre civile, on a déjà essayé.» Dima al-Joundi, 40 ans, documentariste et distributrice de films, sourit tristement: «Tu es optimiste, c’est bien... moi je ne sais plus.» Après la guerre civile puis un exil, elle est revenue en 1998, «avec tellement d’énergie que j’aurais pu en donner à profusion aux autres qui n’en avaient plus». Elle présente à Marseille un documentaire poignant, Bonnes à vendre, sur des Sri Lankaises qui servent, souvent dans des conditions proches de l’esclavage, les riches familles libanaises. Elle, qui a «filmé, filmé et beaucoup écrit pendant la guerre de l’été», pense de nouveau à l’exil parce que la survie matérielle des artistes devient de plus en plus difficile. Surtout, elle ne supporte pas que les «Libanais recommencent à se recroqueviller sur leur identité religieuse ou leur appartenance politique» avec la «violence latente» qui s’ensuit. Isabelle WESSELINGH (AFP)
Dima, Hala et Nadine auraient pu quitter un Liban meurtri et divisé par une nouvelle guerre, mais ces artistes de passage à Marseille pour le festival Beyrouth XXIe siècle restent dans leur pays ou y reviennent pour écrire, filmer et «susciter une réaction même minime».
Au fil des rencontres, organisées tout le mois de mars en Provence-Alpes-Côte d’Azur, puis à Paris et Beyrouth...