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Actualités - OPINION

La pause semble être synonyme d’impasse

Le tour du monde en 88 jours ? En 82 jours, l’opposition n’a encore franchi aucune étape. Ce surplace s’accorde peut-être avec un sit-in, une « squatterisation » des squares, statique par définition. Mais politiquement, aucune avancée, ni grâce aux tentes du centre-ville ni via les expériences de grève générale, de routes coupées et de violences tentées en janvier. Le seul résultat obtenu est nettement négatif par rapport au pays tout entier, soumis à la tension, et à son économie. Des établissements commerciaux, des restaurants ont dû fermer leurs portes et licencier leur personnel. D’où l’augmentation d’un chômage déjà bien préoccupant. De plus, est-il besoin de le rappeler, l’État, sans être totalement paralysé, ne parvient pas à contrer toutes les obstructions ni à reprendre des forces suffisantes. Ainsi, la majorité n’a pas encore pu décrocher cet indispensable tribunal à caractère international. Et, face à la revendication du tiers de blocage, le président du Conseil se trouve forcé de garder, sinon la Chambre (fermée par les deux autres présidents), du moins le Sérail où il s’est installé à demeure, en attendant une solution à la crise. Mais c’est surtout l’opposition qui paraît, jusqu’à présent, perdante. Car elle a usé de l’arme fatale, de l’arme finale, à savoir le recours à la rue, sans opérer aucune percée. Elle s’obstine cependant à exiger l’impossible, ce tiers de blocage qu’elle baptise de tiers de garantie. Il n’est pas étonnant dès lors d’entendre ce député opposant souhaiter une issue qui sauve la face à tous. Il estime qu’on devrait mettre à profit la pause actuelle (toute relative d’ailleurs, car les vitupérations se poursuivent) pour négocier un arrangement. Sinon en vue d’une solution définitive, dit-il, du moins pour limiter les dégâts de part et d’autre. Mais cette approche n’est partagée ni à gauche ni à droite. Pour les protagonistes, il s’agit en effet d’exploiter le répit non pas pour traiter, mais pour marquer des points, améliorer son tableau de score, afin d’être en position de force quand sonnera l’heure des pourparlers. En d’autres termes, l’opposition veut accentuer ses pressions, et la majorité ses contre-pressions. La version de la minorité Ainsi, les opposants privilégient aujourd’hui un argument dont ils n’usaient auparavant que d’une manière accessoire. Dans leur escalade verbale, ils accusent certains pôles de la majorité d’obéir au doigt et à l’œil à Washington ou à Paris. Qui, d’après ces opposants, torpillent systématiquement les efforts conciliatoires déployés par l’Arabie saoudite et l’Iran. À en croire ces cadres contestataires, ces deux puissances seraient parvenues à s’accorder sur la formule suivante : lever les obstacles à la mise en place d’un tribunal international, et former, au Liban, un cabinet d’union nationale au sein duquel la minorité disposerait effectivement du tiers de blocage. Toujours d’après ces opposants, Saad Hariri, informé alors qu’il se trouvait à Ryad, se serait montré compréhensif. Mais Walid Joumblatt et Samir Geagea, tenus à leur tour au courant par l’ambassadeur saoudien Abdel Aziz Khoja, auraient dit non. Ils font valoir qu’accorder le tiers de blocage reviendrait à prendre le risque de torpiller quand même le tribunal et de faire sauter le gouvernement à tout moment. Ce qui déboucherait sur une crise ministérielle insoluble. Et, peut-être, au maintien du président Lahoud après expiration de son mandat, suite à l’impossibilité d’élire un successeur. Quoi qu’il en soit, l’opposition soutient qu’elle ne peut attendre indéfiniment les résultats des médiations extérieures et des efforts irano-saoudiens. Elle fixe le « dead line » à samedi prochain, en précisant que si le pouvoir persistait dans son attitude de refus, elle lancerait un ordre de désobéissance civile. La réponse Du côté de la majorité, on dément qu’il y ait une proposition saoudo-iranienne bien finalisée en faisant valoir que la phase de prospection et de premières suggestions n’est pas encore terminée. D’autant que les résultats du récent sommet syro-iranien, tout à fait négatifs, sont venus remettre en cause certains points déjà acquis, notamment en ce qui concerne le dossier crucial (pour Damas) du tribunal international. Partant de là, ces sources nient donc qu’une formule déterminée ait été proposée aux chefs de la majorité. Elles ajoutent qu’en tout état de cause, il n’est pas question d’accepter le tiers de blocage. Elles précisent que le camp du 14 Mars soutient la démarche que l’Arabie saoudite effectue pour régler la crise libanaise. Ce qui sous-entend, indirectement, une mise en doute de l’action diplomatique, changeante à leurs yeux, menée par l’Iran qui semble s’être laissé convaincre par Assad, au lieu de le convaincre, comme cela aurait été promis aux Saoudiens. Pour ce qui est de l’escalade opposante, les majoritaires soulignent que le camp d’en face ne peut, en pratique, aller plus loin qu’il n’a déjà été et que la désobéissance civile ne sera sûrement pas plus suivie que la grève générale de janvier. Sans compter qu’en fait, la désobéissance civile se pratique depuis des années dans des régions entières qui ne payent pas les quittances d’eau, d’électricité ou de téléphone. Sans compter aussi les biens d’autrui spoliés et les constructions illégales construites dans ces zones. Il ne resterait aux opposants, d’après ces sources, qu’à continuer de tenir des discours aussi enflammés qu’en l’air. À leur sens, il est grand temps que l’opposition réalise qu’elle n’arrivera pas à passer en force. Et qu’elle admette la nécessité de reprendre le dialogue. Philippe ABI-AKL
Le tour du monde en 88 jours ? En 82 jours, l’opposition n’a encore franchi aucune étape. Ce surplace s’accorde peut-être avec un sit-in, une « squatterisation » des squares, statique par définition. Mais politiquement, aucune avancée, ni grâce aux tentes du centre-ville ni via les expériences de grève générale, de routes coupées et de violences tentées en janvier....