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OPÉRA - « La Juive » d’Halévy à la Bastille par un Libano-Britannique Le plaidoyer pour la tolérance de Pierre Audi

Pierre Audi, metteur en scène libano-britannique, signe un des spectacles les plus attendus de la saison à l’Opéra Bastille (Paris). Le directeur artistique de l’Opéra d’Amsterdam (depuis 1988) reprend en effet un vieux succès du répertoire français tombé en désuétude, La Juive, d’Eugène Scribe et de Jacques Fromental Halévy. Pierre Audi, qui a quitté son Liban natal à l’âge de 17 ans pour l’Angleterre, où il a suivi des études d’histoire à Oxford, a ensuite fondé le théâtre Almeida où il a mis en scène Botho Strauss, Koltès, Rihm, Bussoti… À l’Opéra Bastille où il fait ses débuts, il monte donc cet opéra en cinq actes d’Halévy, compositeur juif français admiré de Wagner, et qui est l’un des piliers du répertoire historique de la maison. Créée triomphalement en février 1835 à l’Académie royale de musique – ancêtre de l’Opéra –, La Juive avait inauguré en janvier 1875 les soirées publiques du Palais Garnier et a disparu de l’affiche après une 562e et dernière représentation, le 9 avril 1934. Depuis, l’ouvrage n’a plus jamais été monté dans la capitale, seul l’air Rachel, quand du Seigneur, qui a inspiré Proust dans À la recherche du temps perdu, demeurant vraiment connu du mélomane. Les raisons expliquant cette désaffection seraient multiples. La Juive relève du «grand opéra à la française», genre spectaculaire coûteux et passé de mode. L’ouvrage a par ailleurs sûrement souffert d’une certaine décadence du chant français. Enfin, le fait que cette histoire d’amour impossible entre une juive (Rachel) et un chrétien (Léopold) ait quitté le répertoire de l’opéra quelques mois après l’accession au pouvoir de Hitler en Allemagne n’est sûrement pas dû au hasard. «La Juive est un opéra politique, dont l’actualité – la dénonciation de l’antisémitisme – n’a pas, hélas, cessé», indique Pierre Audi dans une interview accordée au quotidien Le Monde dans son édition datée du 17 février 2007. Justement, concernant les passages antisémites, il précise qu’il a privilégié les histoires personnelles plutôt que les positions emblématiques, donc déshumanisantes. Et d’ajouter: «Il n’y a ni gagnant ni perdant dans La Juive. Ou, plutôt, tout le monde perd. C’est un opéra très noir. La scène finale est sans doute la plus extraordinaire, qui mène Eléazar et Rachel au bûcher sous les yeux du cardinal de Brogni. Les deux hommes savent que Rachel n’est pas juive, qu’elle n’est pas la fille d’Eléazar mais de Brogni. Mais les deux garderont le silence. La Juive, c’est la victime absolue de deux fanatismes. Tout tourne autour d’elle, mais elle est musicalement transparente et n’a pas d’air.» Audi note par ailleurs que Neil Shicoff, le chanteur juif américain avec lequel il a travaillé, s’est montré très ouvert, lui proposant de faire d’Eléazar un Palestinien. «Mais l’islam n’a rien à voir là-dedans, car l’opéra repose sur l’opposition entre l’Église catholique et le judaïsme, a rétorqué Audi qui trouve intéressant de montrer la tragédie du fanatisme. Les gens ne sont pas programmés, mais deviennent peu à peu la proie d’une force créée de l’extérieur.» « Je viens d’un petit pays en butte aux divisions, où l’on dénombre pas moins de seize religions, conclut Pierre Audi. Il y a seulement trois ans que je suis rentré au Liban après trente ans d’absence. J’ai toujours choisi des pièces sur le déracinement. Le thème du fanatisme religieux, j’y avais déjà réfléchi lorsque j’ai monté Jérusalem, de Verdi, qui traite de la lutte entre islam et chrétienté.» Le directeur de l’Opéra Bastille, Gérard Mortier, explique lui à l’AFP avoir voulu «voir ce que cette pièce sur la tolérance contre le fanatisme avait à nous dire aujourd’hui». «Par certains côtés, ça reste un peu caricatural», admet Gérard Mortier, qui a fait réécrire des passages du livret, l’ordre du cardinal de Brogni «Amenez-moi ce juif» devenant ainsi «Amenez-moi Eléazar». La mise en scène de Pierre Audi joue, elle, la carte de la lisibilité dans un décor unifié – une sorte de grande cathédrale en acier – dû au scénographe russe George Tsypin. Lors des dix représentations programmées à l’Opéra Bastille jusqu’au 20 mars, le chef israélien Daniel Oren dirigera une équipe vocale dominée par la soprano italienne Anna Caterina Antonacci (Rachel) et le ténor américain Neil Shicoff (Eléazar, en alternance avec son compatriote Chris Merritt). Enfin, l’Amphithéâtre Bastille accueillera le 25 février un « colloque autour de La Juive » avec des universitaires et un rabbin soucieux de lever tout malentendu sur cette production et conscients du «danger d’une “image” du juif» sur scène. Quant à La Juive, dont les décors sont construits d’après le quartier de l’ancien ghetto d’Amsterdam, elle sera reprise à l’opéra de cette ville en septembre 2009.
Pierre Audi, metteur en scène libano-britannique, signe un des spectacles les plus attendus de la saison à l’Opéra Bastille (Paris).
Le directeur artistique de l’Opéra d’Amsterdam (depuis 1988) reprend en effet un vieux succès du répertoire français tombé en désuétude, La Juive, d’Eugène Scribe et de Jacques Fromental Halévy. Pierre Audi, qui a quitté son Liban natal à...