Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

La seconde guerre civile libanaise

Déclenchée par l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, la première phase de la seconde guerre civile libanaise (si tant est que celle entre 1975 et 1990 constitue la première) a entamé sa genèse avec la mise à feu des mobilisations populaires concurrentes de mars 2005. Entrecoupée par le compromis typique « à la libanaise » ayant abouti aux élections législatives ainsi que la formation du gouvernement Siniora, fixée quant à l’agencement de ses protagonistes par le très logique accord Nasrallah-Aoun (phase 2), intervertie partiellement par le conflit de juillet-août 2006 entre le Hezbollah – en tant que force armée du mouvement du 8 Mars, de la Syrie, de l’Iran et par extension de l’islamisme radical antioccidental et antisioniste – et l’armée israélienne – en tant que force armée de l’État hébreu, de l’Occident américain, des régimes régionaux liés par un accord de paix avec Israël, et d’une certaine manière celle du mouvement du 14 Mars (phase 3), constamment sous-tendue par les attentats politico-terroristes depuis plus de deux ans, la seconde guerre civile libanaise a atteint, le mardi 23 janvier 2007, le seuil critique de la confrontation urbaine directe, par mesures et contre-mesures neutralisantes, paralysantes et chaotiques organisées, en un mot par la création d’un état de fait auquel manque le caractère armé des belligérants ainsi que la désintégration de l’armée nationale. Autant dire que la seconde guerre civile libanaise s’est hissée au niveau du « modèle palestinien » (pneus brûlés, jets de pierres, altercations et tout le kit), en tant que préalable au « modèle libanais » de la précédente, qui n’est rien d’autre qu’un mélange du modèle africain (guérilla citadine à armes légères) et de l’actuel modèle irakien (terrorisme contre la population civile). Réponse explosive aux différentes revendications et problématiques non résolues qui se succédèrent en cascade, se nourrissant l’une l’autre depuis bientôt deux ans, la seconde guerre civile libanaise ne consiste pas seulement en une guerre, mais bien en un conflit double, dual, schizoïde, entrecoupé par deux interfaces : elle constitue à la fois, de par la configuration de ses deux « camps », une guerre d’une part entre chiites et sunnites, de l’autre entre chrétiens : elle constitue une manifestation locale de la scission islamo-musulmane propre à l’ensemble du Moyen-Orient et radicalisée par les attentats du 11 septembre 2001, ainsi que la réactivation du double schisme de la communauté maronite (entre la soumission à la contingence géographique et continentale de Frangié et Aoun, et celle à la contingence historique, atlantico-méditerranéenne des Forces libanaises) : en une matinée, la seconde guerre civile libanaise n’a été rien d’autre que la reprise, la reproduction, la représentification synthétique des principaux conflits, oppositions et lignes de front dont l’ensemble a formé ce qu’il est convenu de dénommer la guerre du Liban. À la fois unique et binaire, la seconde guerre civile libanaise est non seulement triple, mais doublement double : par le jeu des alliances croisées, chaque conflit se représente, mais incarne tout aussi son double qui oppose son allié avec l’alliée de son ennemi. Plus précisément, tout indique que la thermodynamique propre à cette guerre la rendra métalocale : advenant en même temps partout et nulle part, centrale et décentrée, directe et indirecte, immanente et extérieure, elle sera mue par une dynamique protéiforme, à la fois politique, légale, médiatique, sociale, (anti)économique, (anti)culturelle et bien entendu militaire ; à la fois internationale, régionale, interne, urbaine et intraurbaine. Le mardi 23 janvier 2007 prouve encore une fois la propension typiquement arabe à la transformation de toute « résistance contre l’occupation », qu’elle soit endogène (palestinienne, syrienne, islamique…) ou exogène (française, américaine, sioniste…), en une guerre civile particulièrement létale, au point de ne pouvoir être évitée – et encore – que par une dictature négationniste tiers-mondiste, un nihilisme de type stalino-hitlérien encore plus abject (Saddam Hussein, Yasser Arafat, le « mandat syrien » de 1990-2005), enfonçant encore plus les peuples de la région dans une inculture crasse et une servitude volontaire qui ferait rougir un La Boétie, empêchant toute souveraineté politique propre, qui, comme le savait Carl Schmitt, commence par la libre détermination de l’ami et de l’ennemi. La seconde guerre civile libanaise est d’autant plus dangereuse qu’elle reste entachée du syndrome de la première ; elle est d’autant plus périlleuse qu’elle contient en son sein les éléments qui empêchent sa pleine et entière réalisation ; elle est d’autant plus radicale qu’elle représente, en tant que dimension globale, le frottement hautement inflammable entre les plaques civilisationnelles de la quatrième guerre mondiale – cette première guerre civile planétaire – entre la souveraineté occidentale chrétienne (rechristianisée) conduite par la République américaine et le Grand Jihad désormais mondialisé autant, sinon plus que ladite mondialisation. Rudolf DAHER Juriste
Déclenchée par l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, la première phase de la seconde guerre civile libanaise (si tant est que celle entre 1975 et 1990 constitue la première) a entamé sa genèse avec la mise à feu des mobilisations populaires concurrentes de mars 2005. Entrecoupée par le compromis typique « à la libanaise » ayant abouti aux élections législatives...