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EXPOSITION - Hommage à une femme de lettres, prix Nobel de la paix 1905 Bertha von Suttner: les leçons d’une grande pacifiste

«Chaque guerre sème la graine d’une autre guerre.» Cette phrase est de Bertha von Suttner, née Kinski, figure emblématique et incontournable, moteur infatigable et fédérateur obstiné du mouvement pacifiste international. Son roman le plus célèbre, À bas les armes!, illustre bien ses actions. La première femme à recevoir le prix Nobel de la paix (en 1905), c’était également elle qui a incité son ami et bienfaiteur Alfred Nobel à créer le prix qui porte son nom. Contrairement aux tendances de son temps (1843-1914), elle s’est opposée sans fléchir à ceux qui prêchaient le nationalisme fanatique, le militarisme agressif, la haine et l’antisémitisme. Une exposition hommage à l’AUB lui est dédiée à l’initiative du programme Anis Makdessi de littérature, de l’ambassade d’Autriche, de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté et de l’Association des femmes arabes pour la solidarité. Une excellente occasion de se souvenir de son œuvre et, surtout, d’y réfléchir. Au West Hall de l’AUB, des panneaux géants bilingues retracent, en images et en textes, les grands moments de la vie de cette combattante pour la paix. Un parcours qui nous apprend d’abord comment, cette jeune fille issue d’une famille de la grande aristocratie d’Autriche-Hongrie, la comtesse Bertha von Kinsky, s’est trouvée très vite en marge de son milieu qui, du reste, l’a snobée durant toute sa vie. Alors que sa famille n’avait produit que des généraux (y compris son père, qu’elle ne connut pas), elle s’est orientée, la quarantaine venue, vers un militantisme de grande dimension. On peut même dire qu’elle a inventé le militantisme moderne, lequel suppose une vision assez globale des problèmes ; d’abord au sens où les valeurs qu’elle défendait avaient une portée universelle, donc planétaire, ensuite parce qu’elle a reconnu très vite que toutes les causes sont liées. C’est ainsi qu’elle a été non seulement une grande pacifiste (elle a, du reste, inventé le concept), mais aussi une anticolonialiste, une militante des droits de l’homme et, plus spécifiquement, des droits de la femme (elle avait sur l’éducation des jeunes filles des idées révolutionnaires, dont la modernité peut étonner) et une antiraciste (elle a lutté, notamment, sans relâche contre l’antisémitisme). Il apparaît ainsi que la comtesse a reçu une éducation plutôt libérale (c’est-à-dire empreinte des valeurs de liberté, de la connaissance et même de laïcité). D’une intelligence vive et critique, elle a montré assez vite un esprit rebelle. Elle-même était d’avis que sa culture encyclopédique (elle se qualifiait de «Bas Bleu»), son indépendance d’esprit la rendaient «inépuisable», d’autant qu’elle n’avait aucune espèce de fortune personnelle et, qu’un beau jour, elle a dépassé les 30 ans. Entre-temps, elle avait séjourné à Paris, où elle avait fait la connaissance d’Alfred Nobel, pacifiste convaincu, bien qu’inventeur de la dynamite (ce qui, du reste, l’a rendu fort riche). Une rencontre qui s’est avérée décisive pour le reste de son existence. Une amitié profonde, riche en échanges idéologiques et en discussions, les a liés jusqu’à la mort de ce dernier en 1896. C’est Bertha von Suttner, au demeurant, qui l’a incité à mettre sa fortune au service d’une fondation humaniste, laquelle sera à l’origine des prix Nobel. Celui de la paix, justement, lui a été attribué en 1905. C’est à son initiative que les organisations nationales (qu’elle avait souvent elle-même suscitées) se sont fédérées en une Union internationale de la paix dont le siège était situé à Berne. Elle en est devenue tout de suite la vice-présidente, position remarquable si on songe que les femmes étaient, à l’époque, totalement exclues de tout débat public et organisations politiques. Ses discours et analyses qu’elle multipliait désormais dans le monde entier (de l’époque, bien entendu, c’est-à-dire de la Russie aux États-Unis) étaient écoutés, estimés, commentés et, cela va de soi, également raillés, méprisés, attaqués. On n’imagine plus son prestige: avec une très grande lucidité, elle avait reconnu qu’on ne pouvait lutter efficacement contre la guerre qu’en s’attaquant à ses causes profondes, l’exploitation économique, l’oppression politique et toutes les formes d’injustice. Au centre de ses propositions qu’elle répétait inlassablement: le désarmement et la création d’une cour d’arbitrage internationale pour régler tous les litiges entre les nations par le droit. Ses bêtes noires: l’empereur d’Allemagne, le très belliciste Guillaume II, le militarisme austro-hongrois, les nationalismes de toutes sortes, la course insensée aux armements… et les fabricants et marchands de canons. Une belle leçon à retenir, aujourd’hui plus que jamais. M.G.H.

«Chaque guerre sème la graine d’une autre guerre.» Cette phrase est de Bertha von Suttner, née Kinski, figure emblématique et incontournable, moteur infatigable et fédérateur obstiné du mouvement pacifiste international. Son roman le plus célèbre, À bas les armes!, illustre bien ses actions. La première femme à recevoir le prix Nobel de la paix (en 1905), c’était...