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Aphorismes Empire du Milieu, ou des Extrêmes?

Durant la première moitié du XVe siècle, Yang Leu, un empereur chinois visionnaire mais en mal de légitimité, envoya son favori Cheng Ho à la tête d’une immense flotte avec ordre pour lui d’amener les souverains des nations étrangères à reconnaître la suzeraineté des Ming en échange de l’octroi de privilèges commerciaux. Entre 1405 et 1433, Cheng Ho explora donc la côte des Indes, la mer Rouge, l’Afrique orientale, Java, le continent austral, Madagascar et la pointe sud de l’Afrique. Lorsque Yang Leu, qui avait usurpé le trône, fut renversé, son successeur, conscient de l’effet néfaste qu’une telle expansion avait sur l’ordre établi, interdit la navigation hauturière et dès la fin du XVe siècle on punissait de mort la construction de jonques géantes de plus de deux mâts. Ce «Grand Repli» chinois n’a certes pas manqué d’intriguer les historiens occidentaux. D’autant qu’avec des moyens nettement inférieurs (la flotte chinoise de Cheng Ho était à l’époque sept fois plus puissante que toutes les flottes européennes réunies), l’Europe allait réussir un siècle plus tard à coloniser plus de la moitié des terres habitées et à asservir la majorité des peuples de la planète. Or, si la Chine de la fin du XVe siècle avait su résister à la tentation de l’asservissement d’autrui, c’est parce que ses dirigeants préféraient l’ordre établi à l’appropriation de nouvelles richesses, l’harmonie sociale à l’efficacité et la tempérance à la démesure. Toutes choses que les conquistadors, et autres navigateurs et explorateurs européens mus par l’avidité, la soif de gloire et l’appât du gain ne pouvaient bien sûr pas comprendre. Mais ne voilà-t-il pas que l’empire du Milieu tourne aujourd’hui le dos à cette tradition séculaire d’autosuffisance et se lance dans un vaste mouvement d’expansion, multipliant les offensives diplomatiques, signant des protocoles commerciaux, concluant des accords pétroliers et gaziers, effectuant d’importants investissements à l’étranger et canalisant ses puissants flux migratoires dans l’intérêt national. Ce désir d’expansion a, bien entendu, son corollaire interne. Les classes moyennes chinoises sont en effet prises d’une véritable frénésie d’enrichissement et de consommation qui entraîne des comportements relevant de la pure démesure : le patriotisme se confond avec la croissance, la spéculation boursière bat son plein, les paysans sont expropriés, la compétitivité remplace la solidarité, l’environnement est massacré. Or, pour maintenir la croissance à son niveau actuel phénoménal, la Chine a besoin, et de marchés extérieurs et surtout de sources d’énergie qu’il faut aller trouver à l’étranger. C’est dire que l’expansion chinoise n’est pas tant un désir qu’une nécessité. Les dirigeants chinois auront eux-mêmes créé les conditions de la dépendance de leur pays à l’égard de ces marchés extérieurs et de ces sources externes d’énergie dont la Chine n’aurait pas eu besoin si, à la démesure, on avait préféré la tempérance. Or, avec la démesure, l’empire du Milieu cède vite la place à un empire des Extrêmes, et les extrêmes n’ont jamais réussi à la Chine. Percy Kemp

Durant la première moitié du XVe siècle, Yang Leu, un empereur chinois visionnaire mais en mal de légitimité, envoya son favori Cheng Ho à la tête d’une immense flotte avec ordre pour lui d’amener les souverains des nations étrangères à reconnaître la suzeraineté des Ming en échange de l’octroi de privilèges commerciaux. Entre 1405 et 1433, Cheng Ho explora donc la côte des...