Rechercher
Rechercher

Actualités

Au chevet du Liban

Quand un homme aperçoit une personne en danger ou dans le besoin, il doit lui porter assistance. C’est à la fois un devoir, une exigence morale et un impératif religieux. Si un homme faillit, il se rend complice du sort réservé à cette personne. S’il ne peut la sauver lui-même, il se doit de tout accomplir pour que d’autres (la police, les pompiers, une ONG, etc.) remplissent à sa place ce devoir. La justice condamne l’homme qui ne porte pas assistance à son prochain et le déclare complice de son triste destin. Ceux qui sont toujours prêts à tendre la joue gauche feignent d’oublier que la parabole du Sermon sur la montagne s’applique aux relations entre individus. Le transporter sur le plan collectif équivaudrait, surtout en cas de guerre, à un véritable suicide. Les communautés chrétiennes ont pour devoir de se défendre, quand elles en ont la possibilité. Jésus lui-même, le doux, le désarmé, y a pensé, au moment de la trahison de Judas et avant de se retirer avec ses disciples au mont des Oliviers: «que celui qui n’a point d’épée vende son vêtement et achète une épée » (Évangile selon saint Luc, XXII, 37.). Or aujourd’hui, le Liban est au bord du précipice et son peuple ne vient pas à son secours. Et pourtant! Les Libanais oublient que l’effondrement de leur pays les précipitera eux aussi dans le ravin. Quelle image veulent-ils? Celle d’un peuple qui ne mérite pas d’avoir un pays? Les Palestiniens et les Kurdes ont le mérite de lutter pour avoir un pays. Mais les Libanais ont-ils, eux, renoncé au Liban? Veulent-ils devenir apatrides? Être libanais était autrefois une carte de visite dans le monde entier. Veulent-ils que leur nationalité, leur origine, leur sang deviennent une honte? Certes, certains ont dû fuir, mais beaucoup ont choisi de fuir, prendre un visa pour émigrer, travailler et vivre ailleurs. Ils trouvent peut-être leur situation moins humiliante. Pourtant, l’écroulement du Liban les concerne bien plus qu’ils ne semblent comprendre. Ils doivent prendre conscience que la perte du Liban ôterait toute dignité à leur culture, leur langue, leurs traditions, leur origine, leur sang, etc. Peut-être ont-ils obtenu une autre nationalité, mais ils n’en demeurent pas moins «originaires» du Liban par la famille, la culture, la langue, la tradition, ou même le faciès. Quelle serait la force d’un grand chef d’entreprise occidental d’origine libanaise si le Liban finissait par disparaître? Il perdrait face à ses interlocuteurs respect et crédit, malgré toutes ses compétences. Le Liban a une raison d’être: la liberté. Si cette liberté n’est pas préservée, défendue et réelle, alors le Liban n’a plus aucune raison d’exister. Il n’y a certainement pas de plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, de plus aveugle que celui qui ne veut pas voir et de plus muet que celui qui ne veut pas parler. C’est à n’en pas douter la solution la plus facile, mais elle est désastreuse car elle ignore toutes les conséquences d’une telle attitude. Certains voient en elle un moyen de se protéger ou de protéger leurs familles, mais ils s’égarent. C’est une fausse solution. La seule et unique solution consiste à agir pour changer le cours des choses. C’est en sauvant le Liban que chaque Libanais sera sauvé. La logique du «chacun pour soi et Dieu pour tous» ne peut pas prévaloir sous peine de provoquer la disparition du pays et de son peuple avec lui… Il n’est pas demandé de prendre les armes, il est demandé à chacun d’agir comme il le peut et là où il le peut. L’action et le mérite doivent être replacés au centre de la société. Une société qui n’agit pas est condamnée. De même qu’une société qui ne repose pas sur le travail, donc sur le mérite. Ceux qui refusent d’agir sont complices d’un statu quo qui ne peut plus durer. Le régime de la «millet» aurait dû laisser place à la démocratie, la ferme à l’État et le sujet au citoyen, mais les Libanais n’ont pas montré leur attachement à la liberté malgré le sacrifice de milliers d’entre eux pour que naisse une nation et que soit édifié sur elle un État. Le Libanais croit être le spectateur d’une pièce qui se joue sur son sol, mais son inaction, pour ne pas dire son indifférence, l’a transformé en marionnette d’une dernière représentation avant qu’elle ne soit brûlée. Le pire est qu’il ne cherche même pas à se libérer des mains et des fils qui le tiennent. Les chefs sont persuadés de leur infaillibilité et la majorité de leurs partisans l’est aussi. Pourtant, l’histoire a montré qu’aucun n’a pu améliorer une situation qui n’a fait que s’empirer. En fait, le Liban a besoin d’organisateurs et non de prophètes. À quelque catégorie, à quelque parti, région ou confession qu’on appartienne, la seule chose qui importe c’est la liberté, seule condition de l’égalité, la sécurité et la dignité. Il est temps qu’émergent un pays de liberté et un peuple responsable de cette si chère liberté acquise avec le sang et sans laquelle le Liban n’aurait pas de sens. Cet attachement à la liberté est une exigence à la fois de morale sociale et de morale individuelle. Il y a au Liban bien plus difficile à faire qu’une guerre et beaucoup plus prestigieux: arracher l’homme au sous-développement, au régime de la « millet », à la ferme, au rang de sujet auquel il a été réduit implique beaucoup plus d’audace qu’il n’en faut pour jouer au «zaïm». La solution consiste à établir un État fort de ses institutions et de sa diversité, un État de droit et de compétences où l’articulation des composantes de son corps (le peuple) ne serait l’affaire que de juristes et où l’unification de celles-ci se ferait en conciliant la modernité et la tradition, car une nation aurait enfin émergé des épreuves que le Liban a supportées: la guerre, l’occupation, etc. L’éducation civique serait la principale préoccupation de cet État, prolongement de l’action des personnes appelées à participer à sa démocratie par leurs esprits savants, critiques, cultivés, jeunes et ouverts. Il faudra alors agir, produire, réussir, créer avec une logique rationnelle, scientifique ou juridique afin de conserver un certain équilibre entre le savoir-faire et le vouloir-faire. Un contrat social sera alors réalisé entre des citoyens libérés du joug de l’esprit ottoman. Le citoyen sera engagé et actif. Nul ne pourra déstabiliser un pays dans lequel la liberté n’est non seulement une raison d’être, mais aussi un combat et un plébiscite de tous les jours, pour tous. Le peuple libanais réalisera enfin l’étendue de sa mission: celle d’étendre aux autres peuples de la région ce qu’il aura réalisé au Liban. Car comment imaginer le Moyen-Orient sans le Liban? Pour les peuples persécutés de la région, le Liban c’est le bout du tunnel, la lumière de la liberté, l’espoir… Certains jugeront illusoire ce rêve, cette espérance. Certes, il n’est ni simple ni facile, et sa réalisation paraît lointaine, sinon improbable pour beaucoup. Mais si on cultive un pommier, on ne mange pas des pommes le lendemain. Il est sûr et certain que si on en prend soin quotidiennement, il arrivera un jour où on mangera de ses pommes. Lara SAADÉ 3e année de droit (USJ)

Quand un homme aperçoit une personne en danger ou dans le besoin, il doit lui porter assistance.
C’est à la fois un devoir, une exigence morale et un impératif religieux. Si un homme faillit, il se rend complice du sort réservé à cette personne. S’il ne peut la sauver lui-même, il se doit de tout accomplir pour que d’autres (la police, les pompiers, une ONG, etc.)...