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CONCERT - Wissam Boustany et Marcus Andrews sous le signe de « Children of Lebanon » à l’Assembly Hall Une flûte enchantée pour un message de solidarité et de paix

Du courage et de la volonté pour circuler dans la nuit noire d’un Beyrouth presque désert avec les folles rumeurs qui accompagnent les feux rougeoyants de quelques brasiers de pneus brûlés sur les routes… Et pourtant l’Assembly Hall (AUB) affichait complet et les artistes, Wissam Boustany et Marcus Andrews, répondaient présent, sans hésitation aucune, au concert organisé par New Horizon et Towards humanity. Un concert d’une excellente teneur musicale, pour un message de solidarité et de paix sous le signe de « Children of Lebanon » (Les enfants du Liban). Au menu, éclectique et raffiné, attestant d’une culture musicale certaine, des partitions peu connues du grand public, avec une première mondiale d’un compositeur libanais, Houtaf Khoury. Des pages de Philippe Gaubert, Yevhen Stankoviych, Jules Mouquet et Charles Marie Widor ont retenti dans une salle religieusement à l’écoute du dialogue de la flûte et du clavier, en grande et complice harmonie… Vêtu d’un costume et d’une chemise noirs, sans cravate, le sourire toujours chaleureux, les cheveux légèrement plus dégarnis, avec une petite barbe comme le dieu Pan, le geste simple, les propos spontanés, la prunelle toujours attentive aux drames des humains, Wissam Boustany, notre flûtiste national, était accompagné au clavier par Marcus Andrews, pour une prestation conjuguant avec bonheur émotion, tendresse, élan du cœur, générosité de l’entraide sociale et un vibrant témoignage pour les souffrances humaines. Tout cela dominé par ce touchant aveu de « l’incompréhension d’une victoire là où les enfants, violentés et meurtris, meurent »… Ouverture avec la Deuxième sonate de Philippe Gaubert, chef d’orchestre français qui s’illustra aussi dans la composition. Narration à trois mouvements qui débute par un appel à la nature avec une douce Pastorale aux tons d’aquarelle… Modulations colorées pour un paysage aimable et frileux à la fois, perçu à travers des phrases teintées parfois de mélancolies et échappant, comme des embellies attendues, vers des chromatismes lumineux. Plus stridente et agressive dans son esprit contemporain est la Sonate des sérénades de l’Ukrainien Yevhen Stankovych. Lutte contre l’oppression dans une Russie marquée par un régime autoritaire, telle est cette œuvre qui s’inscrit dans le sillage de l’écriture musicale d’un Chostakovitch ou d’un Khatchadourian. Si la flûte a un chant fluide et mélodieux dans ses insaisissables sinuosités, le clavier, lui, a des martèlements singulièrement véhéments… Trois mouvements qui ont du caractère, notamment cette Elégie où un petit solo du clavier emporte l’auditeur vers un rêve ouaté. Un vrai moment de bonheur avec Jules Mouquet dont l’opus s’intitule fort à propos La flûte de Pan. Trois mouvements aussi où bergers, oiseaux et nymphes batifolent dans des espaces qui ont toute l’allure d’un paradis caché… Sonorités suaves d’un univers habité par l’harmonie, la luxuriance, les couleurs, la lumière, une certaine volupté d’être et de vivre. Une pièce aux ramages multiples, aux rythmes divers, aux couleurs chatoyantes et chaudes. Les notes, libres et aériennes, volent comme des papillons exotiques aux ailes déployées et légères… Un charmant tableau sonore qui ne manque pas d’un certain brio et qui a laissé l’auditoire totalement sous son charme ! Car charme il y a, cela est certain. La flûte enchantée de Wissam Boustany y est pour beaucoup dans ce petit tour de délicieuse prestidigitation. Première mondiale Intervalle de quelques moments et voilà en première mondiale la composition Après un rêve de Houtaf Khoury. Titre un peu léger et sans doute ironique pour cet opus évoquant les plus lourds cauchemars de la guerre… D’une pesante Marche funèbre au Chant d’amour pour un enfant mort en passant par la Terreur, la narration de Houtaf Khoury est un sombre tableau sonore de la douleur humaine. Tout commence par le contre-emploi des touches du clavier. Martèlement, comme pour un sinistre roulement de tambour annonçant une exécution, avec une main gantée, des cordes intérieures du piano… Et s’élance la flûte dans des notes arrachées au cri du vent et à son délire mugissant… Sonorités volontairement incontrôlées comme les dérapages de toute tempête. Atmosphère de gravité, d’inquiétude et de tourmente. Musique intense, dans un ton très moderne, pour traduire un malaise insupportable. L’accalmie a peu de place dans cette narration tendue où percent aussi quelques accents d’une certaine « orientalité ». Atmosphère de tension et carnage de la guerre que les auditeurs libanais ne connaissent et perçoivent que trop, dans une œuvre jaillie des entrailles du pays du Cèdre... Applaudissements du public lorsque se terminent les dernières mesures d’un opus qui les renvoient, comme un miroir sans concession, à toutes les déchirures de la vie, à des images sonores tristement familières. Le compositeur Houtaf Khoury rejoint les deux interprètes sur scène et c’est sous une ovation de tonnerre que le trio salue le public. Pour conclure, une Suite de Charles Marie Widor qui, loin du ronflement des orgues, offre ici une œuvre presque intimiste. Ni grandiloquence, ni solennité, ni virtuosité flamboyante pour cette suite égrenant, en toute sage fluidité, quatre mouvements (moderato, scherzo, romance et final) d’une narration aux contours sobrement nuancés. Lyrisme élégant, teinté aussi d’un certain postromantisme où la flûte et le piano ont des dialogues subtils mais aussi des écarts de petite solitude où chacun exerce, mine de rien, son pouvoir de séduction… La flûte et le clavier, avec leurs sortilèges et leur féerie, pour chasser les coins d’ombre, l’oppression et les malheurs de la guerre. La musique pour conjurer le sort, panser les blessures et rapprocher l’humanité, c’est de cela qu’il s’agissait dans ce concert. Applaudissements d’un public ravi tandis que les artistes tirent la révérence. Pas de rappel, l’heure est déjà si tardive… Edgar DAVIDIAN
Du courage et de la volonté pour circuler dans la nuit noire d’un Beyrouth presque désert avec les folles rumeurs qui accompagnent les feux rougeoyants de quelques brasiers de pneus brûlés sur les routes… Et pourtant l’Assembly Hall (AUB) affichait complet et les artistes, Wissam Boustany et Marcus Andrews, répondaient présent, sans hésitation aucune, au concert organisé par New...