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Éclairage Privatiser ou ne pas privatiser, telle n’est plus la question ! Magali GHOSN

La privatisation est depuis une vingtaine d’années la star de la libéralisation des économies, surtout en transition, ses promoteurs voyant en cet outil un catalyseur de la croissance et notamment un moyen d’augmenter la compétitivité des sociétés et de leurs services. Le Liban n’a pas été épargné par ce phénomène très controversé, pas nécessairement en raison de sa portée économique mais plutôt par son aspect politique. Pourtant une chose est incontestable : l’inefficacité des institutions publiques rongées jusqu’à l’os par la bureaucratie, les dettes, la corruption et évidemment une qualité médiocre de leurs services. Le programme de réformes proposé récemment par le gouvernement, qui sera présenté lors de Paris III, inclut dans ses principales recommandations la privatisation graduelle des institutions étatiques. Les principes législatifs de la privatisation ont été établis en 2000 par le biais de la loi 228. En 2001, le Haut Conseil pour la privatisation a été créé, et en 2002, deux lois ont été promulguées. Celles-ci avaient pour but de corporatiser le secteur de la téléphonie fixe avant de le privatiser, et de réorganiser, démanteler et privatiser le secteur de l’électricité. Selon ce programme, les étapes pour les télécoms seront les suivantes : création au premier trimestre de 2007 d’une autorité de régulation et nomination de son conseil d’administration ; création d’une loi qui permettra la vente des actifs du secteur de la téléphonie mobile et celle des permis d’exploitation ; vente totale ou de la majorité des actions des deux compagnies au second trimestre de 2007 ; création de Liban Télécom à la mi-2007 en incorporant le comité Ogero (institution qui gère la téléphonie fixe) à deux autres départements du ministère des Télécommunications et privatisation de Liban Télécom en 2008. Concernant le secteur de l’électricité qui engloutit presque 3,5 % du PIB par an, sa privatisation n’est pas prévue à court terme. Les besoins en investissements dans ce secteur pour les cinq ans à venir ont été estimés à près de 1,5 milliard de dollars. Selon la loi adoptée en 2002, une autorité de régulation sera également créée, et une séparation sera établie entre les activités de production, de distribution et de transmission, cette dernière activité restant aux mains du gouvernement. Pour le moment, l’action de l’État se résumera à renforcer la capacité du secteur et à réduire les pertes. Mais est-ce que la privatisation est la solution miracle des maux de ces institutions dans un pays où la dichotomie entre la politique et l’économie est quasi inexistante ? Selon une récente étude de la société de consultation Connexus sur la libéralisation des télécommunications au Liban, notre pays s’est avéré être très loin dans ce processus comparativement aux pays arabes qui ont effectué des changements radicaux dans ce secteur à l’image de la Jordanie. Ainsi, le Liban présente un des plus faibles taux de pénétration par rapport au PIB/habitant dans la téléphonie fixe, mobile et dans l’Internet qui n’a toujours pas vu l’introduction de l’ADSL. Parallèlement, les tarifs sont des plus élevés, le prix d’une minute de communication au Liban coûte au moins le double par rapport au tarif le plus élevé enregistré dans la région. L’exemple de la réforme de ce secteur en Jordanie est un des plus révélateurs. Ce pays a commencé à accorder des licences d’opérations en 2005 pour la téléphonie mobile et, depuis, le taux de pénétration a connu une hausse remarquable. À chaque introduction d’un nouvel opérateur, les prix ont notablement baissé en raison de la compétition. Selon une étude sur les effets de l’introduction d’un troisième opérateur mobile en Europe, une hausse de près de 32 % du taux de pénétration a été remarquée. Appliquant cette observation sur le contexte libanais, cela devrait s’accompagner d’une hausse du taux de pénétration de 60 % sur deux ans. La Banque mondiale avait montré dans une étude que la libéralisation entraîne une hausse de la productivité, de la vente, du taux d’investissement et de réinvestissement et évidemment des profits. La phobie de la privatisation a souvent été la crainte d’une réduction du nombre d’employés, pour des raisons de qualification ou de restructuration du budget. Pourtant, selon une étude comparative entre 26 pays d’Amérique latine et d’Asie, la privatisation a montré que le taux d’emploi a augmenté en moyenne de 23 % dans les pays libéralisés et de 3 % dans les pays non libéralisés. Les réformes ont déjà fait leurs preuves au Liban à l’image de la fameuse restructuration de la MEA qui a consisté à réduire les effectifs, le nombre de destinations, rénover les équipements, etc. Cet assainissement lui a permis en 2003 de réaliser enfin des profits. La mondialisation financière est certes une arme à double tranchant. Les conditions de son succès seraient de bien mener les opérations de libéralisation de sorte à choisir des modèles de privatisation adéquats au pays ; de diminuer le montant des royalties afin de ne pas dissuader les investisseurs ; d’être capable de contrôler le taux de change pour éviter à la monnaie nationale de prendre de la valeur aussitôt qu’il y a un afflux de capitaux, etc. Récemment, le syndrome du patriotisme économique a refait surface dans le monde, notamment au niveau du blocage de certaines OPA, mais également au niveau du phénomène de nationalisation des institutions étatiques à l’image de la politique prônée par Chavez au Venezuela à l’égard des compagnies pétrolières. Toutefois, il est nécessaire de comprendre que ce genre de pays peut se permettre d’être hostile aux privatisations et à la libéralisation financière puisqu’il possède des ressources naturelles importantes et est relativement autosuffisant économiquement. En attendant que l’on découvre des quantités surprenantes de pétrole au Liban, il serait temps d’envisager des réformes et de privatiser certaines de nos institutions publiques qui ne servent plus à rien.
La privatisation est depuis une vingtaine d’années la star de la libéralisation des économies, surtout en transition, ses promoteurs voyant en cet outil un catalyseur de la croissance et notamment un moyen d’augmenter la compétitivité des sociétés et de leurs services.
Le Liban n’a pas été épargné par ce phénomène très controversé, pas nécessairement en raison de...