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Actualités - CHRONOLOGIE

WEB CULTURE - L’œuvre du compositeur américain visible sur Internet Dans le silence, John Cage fait entendre le son de la vie

Le maestro arrive sous les applaudissements. Il monte à son pupitre, ouvre son livret, esquisse un mouvement de baguette et… se fige. Devant lui, aucun des musiciens de l’orchestre n’a fait mine d’empoigner son instrument. Grève musicale? Catalepsie générale? Déchirure temporo-spatiale? Non, simplement, en ce soir de janvier 2004, le programme de l’orchestre de la BBC comporte une pièce silencieuse! Intitulée 4’33’’, la partition de l’Américain John Cage (1912-1992) prévoit effectivement qu’aucune note ne doit être jouée pendant les quatre minutes et demie de sa durée. Élève de Schoenberg, Cage s’est illustré comme compositeur de musique contemporaine expérimentale, philosophe, inspirateur, entre autres, du mouvement Fluxus. En 1951, notre compositeur d’avant-garde visite une chambre «anéchoïque», une pièce utilisée à des fins scientifiques, dont les murs et le plafond absorbent les ondes sonores. Alors qu’il pense ne rien entendre du tout, Cage se rend compte qu’il perçoit tout de même quelques sons, produits par son propre système nerveux et le sang battant dans ses veines. De ce constat naît, l’année suivante, 4’33’’. Une œuvre constituée, en fait, de l’environnement sonore et des réactions du public. Car, comme l’écrit l’universitaire Michel Remy dans la revue Cycnos, «4’33’’ n’est pas du silence, ce n’est pas le silence, mais l’ouverture de conditions parfaites pour que puisse intervenir l’Autre.» (1) Elle est souvent interprétée par le pianiste David Tudor, posant simplement les mains sur le clavier pour entendre les bruits venant du public et laissant ainsi les spectateurs face à la vraie liberté musicale. Cette œuvre souligne plus que n’importe quelle autre l’importance qu’accordait John Cage au silence. Comme le dit Yoko Ono, l’artiste «considérait le silence comme une vraie note». En regardant la vidéo de la BBC,sur http://www.youtube.com/watch?v=_RwwiobNsOA on guette donc les bruits de toux, de feuilles froissées, de chaises déplacées, engendrés par les spectateurs de la performance. En oubliant parfois, puisque Cage jouait sur la perception du son, que celui produit de notre côté de l’écran est aussi partie prenante d’une œuvre définitivement unique. À signaler également que Cage est l’inventeur du piano préparé, en 1940, dans une œuvre destinée à accompagner une chorégraphie à thèmes africains. Pour des raisons techniques et faute de pouvoir utiliser des percussions, il a ainsi mis à jour le piano préparé. Il a également composé des morceaux pour piano préparé en insérant entre les cordes de son piano des objets divers, comme des boulons ou des gommes, qui servaient à altérer le son de l’instrument. L’étrangeté de ses compositions laisse transparaître l’influence du compositeur Erik Satie, qui fut l’auteur de ce qui à l’époque était des bizarreries musicales, comme les ésotériques Gnossiennes, ou encore les très épurées et célèbres Gymnopédies. Cherchant à épurer sa musique, Cage avait la particularité d’écrire ses œuvres sans ponctuation musicale, laissant au pianiste comme seules indications des descriptions d’atmosphère au lieu des traditionnels PP. John Cage, dont le travail est à l’évidence basé sur la recherche, l’expérimentation de la musique, a été l’heureux lauréat du prix de Kyoto en 1989. Maya GHANDOUR HERT
Le maestro arrive sous les applaudissements. Il monte à son pupitre, ouvre son livret, esquisse un mouvement de baguette et… se fige. Devant lui, aucun des musiciens de l’orchestre n’a fait mine d’empoigner son instrument. Grève musicale? Catalepsie générale? Déchirure temporo-spatiale? Non, simplement, en ce soir de janvier 2004, le programme de l’orchestre de la BBC...