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Actualités - REPORTAGE

HISTOIRE DE PARTI Au faîte de sa puissance, le PSNS a tenté deux fois de prendre le pouvoir Dossier préparé par Jean ISSA

Communisme, trotskysme, maoïsme, titisme, socialisme, fascisme, nazisme, libéralisme, tiers-mondisme, démocratie chrétienne et tutti quanti: le XXe a été le grand siècle des idéologies, de leurs luttes, de leurs guerres. Au Proche-Orient, l’unionisme arabe, le nassérisme, le baassisme, l’islamisme sont en fin de parcours. Et, très singulier, le Parti syrien national social (PSNS). D’abord connu sous le nom donné par la France de Parti populaire syrien (PPS) ou de Saadiste, il se trouve aujourd’hui en vedette, à son corps défendant. À cause de la découverte d’armes au Koura, comme à cause des doutes émis à son encontre par le président Gemayel au sujet de l’assassinat de son fils, le ministre-député Pierre Gemayel. C’est un parti laïque créé en 1932 à Beyrouth, qui préconise une grande nation syrienne. Territorialement, cette vision de la Syrie comprend le Liban, la Syrie, la Palestine, la Jordanie, l’Irak, le Koweït, Chypre, en plus du Sinaï en Égypte, la Cilicie en Turquie et Chatt el-Arab en Iran. Elle considère qu’il n’existe que quatre nations arabes, dont la Syrie, les autres étant l’Arabie, l’Égypte et le Maghreb. Le PSNS est responsable de deux tentatives de coup d’État: en juin 1949 et le 31 décembre 1961. À l’instar d’autres partis, il aura sa milice et prendra part aux combats durant la guerre civile libanaise. En 1919, Antoun Saadé, un Libanais grec-orthodoxe né d’un père journaliste, commence à s’intéresser, dès l’âge de 15 ans, au nationalisme syrien, suite à la Première Guerre mondiale et au morcellement de l’Empire ottoman avec l’accord Sykes-Picot. Dix ans plus tard, il retourne au Liban et suit des études à l’Université américaine de Beyrouth. Ligne En novembre 1932, il fonde le PSNS. Parti purement laïque, allant jusqu’à défendre l’égalité des sexes. La formation connaît trois ans de clandestinité. Son premier objectif est la lutte contre le mandat français au Liban et en Syrie. Saadé va lui-même se faire arrêter plusieurs fois, et en 1938, il est contraint de quitter le Liban pour l’Argentine. À ses débuts, le parti refuse d’entendre parler du nationalisme arabe. Le parti réclame la séparation totale de la religion et de la politique, sans toutefois rejeter la spiritualité dans la vie personnelle. Il réclame donc la laïcité publique. Il considère qu’une nation ne se crée pas à partir de la religion, de la langue ou de l’origine ethnique, mais de l’emplacement géographique. Ses détracteurs ont accusé le PSNS d’avoir essayé d’imiter le Parti fasciste italien, voire le Parti nazi, ce que le PSNS nie. D’après l’historien palestinien Maher Charif, Saadé aurait voulu regrouper les pays arabes ayant une diversité religieuse importante, et il appuie cette théorie par l’ajout de l’Irak dans la Syrie. Le PSNS est aussi hostile au communisme, par son opposition à la lutte des classes. Comme de nombreux opposants au colonialisme français ou britannique, Saadé part rencontrer Hitler. Mais il revient déçu, affirmant que l’objectif de l’Allemagne est finalement le même que celui de la France et du Royaume-Uni, à savoir la colonisation. Il appelle aussi les pays du Moyen-Orient à prendre garde à l’afflux de juifs européens, car il constate que les Sionistes veulent créer un État. Les années 40 En 1943, le PSNS participe à l’indépendance du Liban. Le seul mort de l’événement est d’ailleurs un de ses militants, Saïd Fakhreddine. Après une brève interdiction, le parti est reconstitué en 1944 sous le nom de Parti populaire syrien. En Syrie, le PSNS joue aussi un grand rôle lors de l’indépendance du pays en 1946. En 1949, le PSNS est très populaire. Son organisation lui permet d’être présent à peu près dans tous les milieux sociaux ainsi que dans les forces armées. Il disposait en outre d’une milice forte de 50000 hommes au Liban et en Syrie. En Syrie, le colonel Husni el-Zaïm entreprend un coup d’État et renverse le président Chucri Kouatli avec l’aide des États-Unis. Certains accusent le PSNS d’y avoir participé. Au Liban, Saadé, hostile au gouvernement de Riad el-Solh et aux Phalanges libanaises, se sent agressé. En juin 1949, il décide de monter une insurrection contre le gouvernement. Il échoue, et le pouvoir considère son acte comme une tentative de coup d’État, ce que le parti nie. Plus de 3000 militants du PSNS sont arrêtés. Saadé se réfugie à Damas. Mais Husni el-Zaïm le livre au gouvernement libanais. Il est jugé devant un tribunal militaire pour complot contre la sûreté de l’État. Condamné à mort, il est exécuté le 8 juillet 1949. Le colonel Sami Hennawi, membre du PSNS, venge la mort de Saadé. Il arrête Zaïm et le fait exécuter. Il envoie quelques jours plus tard une lettre à la veuve de Saadé pour le lui apprendre. Toujours par vengeance, Riad el-Solh est assassiné le 16 juillet 1951. C’est alors que commence à courir l’adage: un mort du PSNS ne meurt jamais… Les années 50 et 60 Avril 1955, le colonel Adnan Malki, personnalité importante du baassisme en Syrie, est assassiné. Les deux autres grandes formations du pays, le Parti communiste et le Baas, en profitent pour faire interdire le PSNS en Syrie. Durant la crise de 1958 au Liban, le PSNS est vu par les Américains comme un parti de droite prooccidental, car il est anticommuniste et contre le nationalisme arabe. Le parti livre une bataille contre le Baas en montagne. Légalisé, il participe au gouvernement. Mais le jour de l’an 1962, le PSNS et des officiers tentent un coup d’État, qui échoue. Les militants sont arrêtés par dizaines de milliers. Les leaders sont pour la plupart capturés. Ils seront relâchés après un an de prison. Les combattants ne seront pour leur part libérés que quatre ans après, au mieux. En ajoutant la montée du baassisme et du nassérisme, le PSNS subit alors une traversée du désert. Ce qui conduit sa direction à reconsidérer l’idéologie du nationalisme syrien. Ils vont devenir plus tolérants à l’égard du communisme. Lors du congrès du Melkart, en 1969, le parti proclame également, via une résolution, qu’il appuie désormais le nationalisme arabe: «Nous croyons au monde arabe, nous estimons que notre nation est arabe et que son arabisme n’est point contestable. La réalisation de l’unité complète des quatre cercles de la nation arabe est un objectif suprême.» La longue guerre civile Le matin du 13 avril 1975, le garde du corps de Pierre Gemayel est tué. Certains documents attribuent cet assassinat au PSNS. Mais les Phalanges pensent que c’est un acte palestinien. Elles attaquent dans l’après-midi un bus palestinien et font 27 morts. C’est le début d’une guerre civile, ou plutôt de guerres multiples, entrecoupées de pauses, qui dureront jusqu’en 1990. Le PSNS est favorable aux Palestiniens, mais ne souhaite pas rentrer dans le bloc musulman. Il s’allie avec deux autres partis dans la même situation, ses anciens advsersaires, le Baas syrien tout aussi laïque et le Parti communiste libanais (PCL), athée. C’est surtout avec ce dernier qu’il va commencer ses actions de résistance contre l’occupation israélienne, comme le meurtre de deux soldats israéliens par Khaled Alwane dans un bar de Beyrouth-Ouest ou de nombreux attentats à la voiture piégée. Le PSNS et le PCL multiplient les attentats-suicide contre Israël. Ainsi, le 9 avril 1985, Sana Mehaïdli, combattante du PSNS, devient la première femme à opérer un attentat-suicide. Deux jours avant Sabra et Chatila, Habib Chartouni, PSNS, place une énorme bombe à la Maison des Kataëb, tuant Bachir Gemayel, le président élu d’Israël, et des dizaines de partisans. Sur un autre plan, il y a eu pendant la guerre une scission sanglante du PSNS. La majorité voulait moderniser le parti. La minorité ne jurait que par Antoun Saadé, lui vouant un culte de la personnalité important. Après de lourds combats entre les membres des deux groupes, les différents leaders entament des tractations de réconciliation qui aboutiront à la fin de cette séparation. En montagne, la région du Koura majoritairement acquise au PSNS affronte celle de Bécharré, proche des Forces libanaises. Le PSNS est aussi à l’époque allié au Parti socialiste progressiste. Au Sud, le PSNS est en guerre contre le Hezbollah et, occasionnellement, contre le mouvement Amal. En effet, le Hezbollah veut, à cette époque, monopoliser la résistance à Israël dans la zone à majorité chiite du pays. Le président syrien, Hafez el-Assad, a toutefois imposé aux PSNS, PCL, Amal et Baas de laisser le Hezbollah seul en lice. Car, ayant le soutien de l’Iran, il était le mieux armé, le mieux organisé. Pour éviter de refaire les mêmes erreurs que l’OLP. En 1986, le PSNS se retire donc de la région frontalière. Le temps présent Cependant, après la guerre, le Hezbollah fait appel au PSNS pour rejoindre la Résistance, mais à condition que les combattants soient armés, entraînés et commandés par le Hezb. Les combattants du PSNS ont donc le droit de ne pas adhérer à l’idéologie religieuse du Hezbollah, tout en étant dépendants militairement de ce dernier. On appelle cette brigade «Ansar Hezbollah». En réalité, le Hezbollah avait du mal à recruter chez les chrétiens de la frontière sud-est. Le PSNS est donc l’un des libérateurs du Liban-Sud aux côtés d’Amal, de l’armée libanaise et surtout du Hezbollah. Il se positionne nettement aujourd’hui dans le contexte libanais en tant que prosyrien. Depuis la guerre, le PSNS a été toléré en Syrie par Hafez el-Assad. En 2005, Bachar el-Assad légalise le parti. Ce qui en fait la première formation du pays à ne pas être nationaliste arabe. Il compte 90000 membres en Syrie, soit trois fois plus qu’au Liban. Le parti appartient au Front national progressiste. Dans la diaspora libanaise, on trouve des membres du PSNS en Australie, aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Argentine, en Europe... Des meetings sont quelquefois organisés. En Jordanie, au Koweït et en Palestine, le parti est plus restreint. En Irak, il avait été interdit par Saddam Hussein, mais on y trouve de nouveau des membres actifs. À Chypre, dans le Sinaï, en Cilicie et à Chatt el-Arab, régions incluses dans sa Grande Syrie, le parti est pratiquement inexistant. Le PSNS est admire le socialisme bolivariste sud-américain, qui débute en Amérique latine. Il est également partisan de l’Union du Maghreb. Économiquement, le PSNS est à la fois contre la nationalisation totale et la privatisation totale. Pour lui, l’État doit choisir de nationaliser ou de privatiser en fonction des intérêts de la nation. En ce qui concerne la mondialisation, le PSNS rejoint le point de vue des altermondialistes sur le protectionnisme. Lors de la guerre de juillet 2006, le PSNS a fait de l’humanitaire. Il a aussi participé à de petites opérations pour aider le Hezbollah, comme l’encerclement de soldats israéliens, qui obligea l’armée israélienne à se replier dans une caserne de gendarmes à Marjeyoun, ou la destruction d’un Merkava. Le Hezbollah aurait aussi envoyé des armes à Kfar Kila au Sud-Liban, village à majorité nationale syrienne. Il y avait 2500 combattants du PSNS sur la seconde ligne, au sud de la Bekaa, appartenant à la branche «Ansar Hezbollah» précitée, regroupant également des militants PCL. Une trentaine de ces combattants de la seconde ligne étaient formés pour des attentats-suicide. Nomenklatura Le chef actuel du PSNS est Ali Kanso, à ne pas confondre, évidemment, avec le dirigeant baassiste Assem Kanso. Le PSNS a deux députés à l’Assemblée nationale libanaise, Marwan Farès et Assaad Hardane. Ils appartiennent au bloc parlementaire hezbollahi dit de la résistance et du développement. Nombre d’intellectuels libanais ont fait leurs débuts politiques dans le parti. Cependant, ils le quittent souvent pour une idéologie différente. À noter que Karim Nasrallah, le père de sayyed Hassan Nasrallah, était membre du PSNS. Parmi les anciens membres célèbres, on trouve en outre un Ahmad Fatfat qui est l’homonyme du ministre actuel. On peut citer également Wasfi el-Tall, Adib Chichacli et Akram Hourani. Les membres notoires à divers titres, dont certains sont cooptés membres ad vitam aeternam, s’énumèrent comme suit: Mahmoud Abdel Khalek, Khaled Alwane, Gébrane Araji, Issa el-Ayoubi, Habib Chartouni, Saïd Fakhreddine, Marwan Farès, Ahmad Hachem, Sana Mehaïdli, Assaad Hardane, Sami Hennawi, Kamal Kheir-Beik, Ali Kanso. L’emblème Le drapeau du PSNS a été adopté dès la création du parti en 1932. Il est constitué d’un fond noir qui représenterait l’ignorance, ou la non-prise de conscience de l’«identité syrienne», d’après la définition qu’en donne le parti. La tornade rouge («el-zaouba’a»), ou foudre-swastika, représenterait le sang des nationaux syriens qui lutteraient pour apporter cet éveil et cette prise de conscience. Et le blanc serait également symbole de prise de conscience. Pour certains nationaux syriens, le drapeau de cette «Syrie» devrait être entièrement blanc. Le PSNS a été accusé d’avoir un drapeau ressemblant à celui du NSDAP, le parti de Hitler. Il le réfute, expliquant que Saadé avait fait le choix de ce drapeau avant qu’il n’entende parler du nazisme, alors qu’il n’était qu’étudiant. Néanmoins, le parti avait, à ses débuts, un autre drapeau, à fond blanc avec trois rayures horizontales.
Communisme, trotskysme, maoïsme, titisme, socialisme, fascisme, nazisme, libéralisme, tiers-mondisme, démocratie chrétienne et tutti quanti: le XXe a été le grand siècle des idéologies, de leurs luttes, de leurs guerres. Au Proche-Orient, l’unionisme arabe, le nassérisme, le baassisme, l’islamisme sont en fin de parcours. Et, très singulier, le Parti syrien national...