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Actualités - OPINION

Aphorismes Je légifère, donc je suis

Le Premier ministre britannique vient d’annoncer un énième train de lois visant à combattre l’insécurité. Blair, qui a déjà sorti de son chapeau cinquante-neuf projets de loi sécuritaires et imaginé trois mille nouveaux délits, en est à sa sixième loi sur l’immigration, sa huitième sur le terrorisme et sa vingt-troisième sur les tribunaux de justice. Ce qui fait dire à un commentateur politique britannique que si les lois écrites garantissaient la sécurité publique, le Royaume-Uni serait le pays le plus sûr de la planète. C’est malheureusement loin d’être le cas et ce qui s’applique au Royaume-Uni s’applique à bon nombre de démocraties dont les dirigeants sont aujourd’hui pris d’une même frénésie législative que Blair. Les Anciens, eux, avaient bien compris qu’on ne résout rien en multipliant les lois écrites. Lorsque le Scythe Anacharsis apprit que l’Athénien Solon légiférait à tour de bras, il se moqua en effet de lui en ces termes : « Tu penses, Solon, pouvoir réprimer l’injustice et la cupidité de tes concitoyens par des lois écrites. Mais celles-ci ne diffèrent en rien des toiles d’araignée : elles garderont captifs les plus petits et les plus faibles, mais les grands et les puissants les déchireront. » Lycurgue, le grand législateur de Sparte, ne s’y était pas trompé, lui qui avait formellement interdit qu’on couchât ses lois par écrit, les prescriptions les plus importantes pour assurer le bonheur et la vertu à une cité devant être, à son avis, solidement enracinées dans les mœurs et l’éducation des citoyens. De tout cela, cependant – du bonheur, de la vertu, des mœurs comme de l’éducation –, Blair et ses semblables n’ont que faire, et plutôt que d’éduquer ils préfèrent légiférer. C’est tellement plus aisé. L’esprit de la loi ne les intéresse d’ailleurs pas tant que sa lettre et la législation n’est jamais pour eux qu’un expédient dont ils se servent pour concentrer encore plus de pouvoirs entre leurs mains. Quant à moi, je me contenterai d’évoquer à leur propos ces mots de Tacite décrivant la fin de la République et l’avènement, à Rome, d’un régime tyrannique : « Jamais, écrit-il, les lois ne furent plus multipliées que quand l’État fut le plus corrompu. » Le récent scandale portant sur l’octroi par le gouvernement Blair d’honneurs en contrepartie d’argent et la décision prise par ce même gouvernement d’enterrer une enquête judiciaire dans une affaire de corruption liée à une vente d’armes à une pétromonarchie suggèrent que Tacite avait plus que raison. Percy KEMP

Le Premier ministre britannique vient d’annoncer un énième train de lois visant à combattre l’insécurité. Blair, qui a déjà sorti de son chapeau cinquante-neuf projets de loi sécuritaires et imaginé trois mille nouveaux délits, en est à sa sixième loi sur l’immigration, sa huitième sur le terrorisme et sa vingt-troisième sur les tribunaux de justice. Ce qui fait dire à un...