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Actualités - REPORTAGE

Sécurite routière - Les ponts détruits durant la guerre ont causé la mort de 100 à 150 automobilistes 2006, l’année la plus noire sur les routes libanaises

L’année 2006 a été la plus noire et la plus meurtrière au Liban en matière de sécurité routière. Près de 750 décès sur les routes, dont plus d’une centaine sur les ponts et infrastructures détruits par la guerre de juillet, et plus de 10 000 blessés : les statistiques affichées par la YASA (Association des jeunes pour l’éveil social) sont alarmantes. Malheureusement, rien ne permet d’espérer que le nombre de victimes de la route arrêtera sa folle ascension en 2007 ou dans les années à venir, alors que l’édification d’un programme musclé applicable à l’échelle nationale tarde à voir le jour. D’autant que les projets et programmes élaborés l’année dernière par le gouvernement tardent à être mis en place. La guerre de juillet a, certes, sa grande part de responsabilité dans ce dramatique bilan, mais cela n’ôte en rien la responsabilité que se partagent aussi bien l’État que le citoyen. Directement responsable de la dégradation sensible qui a été observée, la guerre de juillet a apporté son lot de morts et de blessés sur les ponts détruits. « On estime qu’au moins une centaine de décès, (peut-être même 150) sur les routes ont eu lieu sur les sites détruits par la guerre », observe le président de la YASA International, Ziad Akl, notamment au niveau des ponts de Halate, de Fidar et de Taanayel. Ces personnes ont trouvé la mort parce qu’elles ont emprunté les ponts détruits, par inadvertance. Elles ont alors fait des chutes vertigineuses ou ont heurté des blocs de béton placés pour fermer la voie. « Des familles entières ont ainsi trouvé la mort », déplore-t-il. En termes de chiffres, au niveau du seul pont de Halate, 20 accidents graves ont eu lieu les trois dernières semaines, au cours desquels 9 personnes ont trouvé la mort et 40 autres ont été blessées. Quant au pont de Taanayel, il a provoqué la mort de 6 autres personnes en un mois et demi. Pour ne citer que ces ponts. L’éclairage, grand absent sur les sites détruits Le problème, précise Ziad Akl, est que « la sécurité routière a été très mal gérée par l’État au niveau des ponts détruits. Cet aspect devait pourtant être une des priorités des autorités, à l’issue de la guerre, et plus spécifiquement des ministères concernés ». D’une part, certains ponts n’ont tout simplement pas été fermés à la circulation, ou alors ont été mal fermés. M. Akl indique à ce propos que les barrières protectrices n’ont pas été correctement placées. « Elles n’étaient pas assez rapprochées, des dizaines de mètres séparaient parfois les barrières l’une de l’autre, permettant aux automobilistes imprudents ou mal informés de se faufiler entre elles », ajoute-t-il. Alors qu’au niveau d’autres ponts, c’était la signalisation qui était inexistante ou alors, illisible. Quant à « l’absence d’éclairage nocturne ou de lumières clignotantes sur les sites détruits, elle est directement responsable de la mort de nombre d’automobilistes », dénonce-t-il, ajoutant que la majorité des accidents mortels ont eu lieu la nuit. Désormais, depuis la guerre de juillet, 80 nouveaux points noirs s’ajoutent à la centaine de points noirs qui persistaient sur les routes libanaises, les points noirs étant les points routiers où les risques d’accidents sont très élevés à cause de l’infrastructure routière. À ce problème directement lié à la guerre, s’est ajouté celui des grands chantiers liés à l’infrastructure routière, qui ont provoqué « de graves accidents de la route », note également Ziad Akl. Mal indiqués, mal éclairés, mal sécurisés, ces chantiers ne devraient pourtant représenter aucun danger, tant pour les automobilistes et les piétons que pour les ouvriers. « Mais nous sommes bien loin des normes internationales, déplore M. Akl, notamment en matière d’assurance de chantiers et d’indemnisation des victimes. Indemniser la victime d’un accident de chantier coûte nettement moins cher à un entrepreneur au Liban que sécuriser ce chantier », indique-t-il à ce propos. Le code de la route toujours pas appliqué Le noir bilan de l’année 2006 est aussi immanquablement lié à l’absence d’application du code de la route. Sur les routes libanaises, 2006 était l’année de la débandade la plus totale. Tant au niveau de l’application du code de la route, que du permis de conduire et du contrôle mécanique, a régné le même laxisme, le même clientélisme, la même corruption aussi. Les infractions au code de la route se sont comptées par centaines, voire par milliers, à chaque instant de la journée. La majorité d’entre elles n’ont jamais été sanctionnées. Des voitures qui roulent dans tous les sens, qui brûlent les feux rouges, qui empruntent des sens interdits, qui doublent à droite, roulent en marche arrière ou alors à tombeau ouvert, sur des routes indignes de ce nom. Des automobilistes qui conduisent sans permis ou alors avec un permis qu’ils ont acheté moyennant quelques centaines de dollars. D’autres qui négligent de porter la ceinture de sécurité et mènent de longues conversations téléphoniques, tout en conduisant distraitement. D’autres encore qui prennent le volant après une soirée bien arrosée et quelques verres d’alcool dans le nez. Des motards qui louvoient entre les voitures et les piétons et traversent des artères principales au péril de leur vie et de celles des autres. Des piétons sans protection aucune, mais aussi sans prudence aucune. Que dire aussi des poids lourds qui ne respectent aucune norme de sécurité ? Ce tableau familier, quoique schématique et pour le moins caricatural, caractérise la circulation routière sur les routes libanaises en 2006. « Absolument aucune amélioration n’a été comptabilisée au niveau de la sécurité routière, constate avec amertume Ziad Akl. Le fiasco est total. » D’autant que les promesses lancées en 2006 par le gouvernement de mieux faire appliquer le code de la route et d’équiper les routes de la capitale en feux de signalisation, radars et caméras, n’ont toujours pas été appliquées. Quant au projet de nouveau code de la route, qui devait être adopté durant l’été 2006, il est toujours en cours d’étude par la commission parlementaire des Transports. « La guerre de juillet a malheureusement retardé l’application de ces projets », observe le président de la YASA International, précisant que tous les projets de développement ont été gelés durant 6 mois. « Nous espérons toutefois que le projet de code de la route sera présenté au Parlement, d’ici à trois mois au plus tard. » Cet état des lieux pour le moins consternant devrait pousser le gouvernement à réagir et envisager un programme musclé. Autrement dit à « lancer une véritable politique nationale », à laquelle participeraient absolument tous les ministères, dans l’objectif de « stabiliser d’abord les chiffres des victimes de la route, pour ensuite œuvrer à réduire ces chiffres », préconise le président de la YASA. Mais à l’heure actuelle, et alors que le sit-in du centre-ville et les manifestations régulières sèment encore davantage le désordre dans la capitale, rien ne permet de croire que ce tableau changera de sitôt. Anne-Marie EL-HAGE

L’année 2006 a été la plus noire et la plus meurtrière au Liban en matière de sécurité routière. Près de 750 décès sur les routes, dont plus d’une centaine sur les ponts et infrastructures détruits par la guerre de juillet, et plus de 10 000 blessés : les statistiques affichées par la YASA (Association des jeunes pour l’éveil social) sont alarmantes....