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Actualités - OPINION

Le Liban face aux objectifs stratégiques US au Moyen-Orient Salim F. DAHDAH

L’Occident était, au début de la guerre en 1975, très peu concerné par le devenir national de notre petit pays, encore moins par son indépendance, sa souveraineté, sa démocratie et ses libertés. Il avait en effet décidé froidement de l’abandonner aux mains de la Syrie, gouvernée par un régime totalitaire et minoritaire, mais laïc et issu d’un parti politique largement implanté dans les pays ayant une frontière commune avec Israël. Ce choix qui avait alors paru, pour le commun des mortels, déconcertant, voire même inexplicable, s’est avéré, par la suite, parfaitement adapté, pour ne pas dire solidaire, avec les options stratégiques régionales des États-Unis et d’Israël (voir le précédent article : « L’indispensable modus vivendi, pour parer au plus pressé » dans L’Orient-Le Jour du mardi 9 janvier 2007). Cette relation allait, en effet, permettre au régime syrien en place de trouver des ressources économiques extérieures substantielles pour asseoir son pouvoir politique national et régional et lui offrir le plus sûr moyen d’assurer sa « perduration » à l’intérieur de ses frontières, au lieu d’être balayé, comme ses prédécesseurs, par un des innombrables coups d’État autour desquels s’est malheureusement construite l’histoire contemporaine de cette nation. L’Occident et plus précisément les USA, qui cherchaient, eux aussi, à consolider leurs intérêts stratégiques et leurs alliances régionales, ont disposé sur le terrain leurs meilleurs atouts afin de réussir ce qu’ils comptaient entreprendre. La Syrie avait été alors choisie pour jouer un rôle essentiel dans ce scénario. Mais malgré de longues années de francs et loyaux services, la confiance s’est profondément altérée suite à son refus de « liquider » le Parti de Dieu, n’ayant pas obtenu des garanties suffisantes pour la récupération de ses territoires occupés par Israël, lors de la guerre de juin 1967. Il en a résulté son renvoi du Liban et son isolement international. En observant la scène internationale aujourd’hui, comment interpréter et lire le déroulement de tous les événements qui se sont succédé au Moyen-Orient durant cette période et évaluer les résultats obtenus ? Au lendemain de la guerre de juin 1967, Beyrouth était la capitale refuge de tous les politiciens arabes opposants à leurs régimes ; c’était une place unique dans cette partie du monde, car les libertés publiques et individuelles y étaient sacrées et le Liban représentait un modèle constitutionnel original et exclusif, à l’antipode de celui de l’État d’Israël, puisqu’il avait été conçu pour encourager et garantir les principes de la cohabitation entre les différentes religions et cultures qui composaient son tissu social. Il était donc un lieu idéal de regroupement pour tous les mouvements de libération de la région, dont, principalement, ceux qui voulaient récupérer la Palestine. C’était aussi un point de rencontre, de dialogue et de réflexion des cultures. C’est à partir et au travers de ce Liban qu’allaient s’articuler toutes les stratégies des décideurs en vue d’opérer les changements prévus dans leurs agendas respectifs pour les années qui allaient suivre. Après donc la guerre de juin 1967 entre Israël et les pays arabes, et toutes les opérations militaires qui l’ont suivie, il y a eu l’extension démographique galopante du monde musulman et l’expansion fulgurante de sa puissance économique, grâce à ses richesses pétrolières. L’Occident en général et les États-Unis en particulier commencent à s’inquiéter pour leur principal allié régional : Israël. Les États-Unis décident alors de se réorganiser stratégiquement et militairement, pour gérer unilatéralement cette partie du globe, surtout après l’effondrement de l’URSS et son effritement et la montée en puissance de la Chine. Cette problématique sera le point de départ des objectifs stratégiques poursuivis, dont : • La signature d’une paix juste et durable entre Israël et les pays arabes, et l’obtention de toutes les garanties pour l’existence et la vie de l’État hébreu. • Le changement géopolitique régional pour pouvoir mieux gérer cette partie sensible du globe et y asseoir leurs propres références. • Une présence directe sur le terrain et un contrôle technique et logistique des régions où se trouvent les ressources énergétiques et stratégiques mondiales. Mais pour pouvoir réaliser ce plan en trois points, les États-Unis entreprendront plusieurs actions parallèles, directes ou indirectes dont, à titre indicatif : • Le parrainage et l’orientation de la guerre israélo-palestinienne ainsi que celle du Liban et toutes les conséquences y afférentes. • La pression pour trouver une issue compatible avec leur vision stratégique, pour les guerres de l’Irak contre le Koweït et de l’Irak contre l’Iran. • L’intervention directe dans la première guerre contre l’Irak, leur implication personnelle dans la croisade contre le terrorisme, suite à l’attaque du World Trade Center, le 11 septembre 2001, par el-Qaëda, ainsi que leur décision de lancer leur deuxième guerre contre l’Irak. • Le démantèlement des puissances sunnites arabes traditionnelles, suite à leur décision de mieux éradiquer le terrorisme et les forces du mal, à l’avantage de leur grand allié musulman sunnite, mais néanmoins laïc à la porte de l’Europe : la Turquie. L’entrée en scène d’un nouveau venu dans la cour des grands décideurs régionaux, à savoir l’Iran chiite, qui venait contrebalancer les forces sunnites, alliées traditionnelles et exclusives des USA, dans le monde musulman au Moyen-Orient. • L’introduction, sur un plan sociopolitique, du programme US du « Grand Moyen-Orient », pour tenter de créer une plus grande synergie entre la société américaine et les sociétés orientales. Quant aux résultats de toutes ces opérations, ils apparaissent encore vagues et nébuleux, parce qu’incomplets et disparates. Ce qui est par contre évident, c’est que les fondements d’une nouvelle géopolitique ont bel et bien été amorcés et semblent avoir beaucoup de chances d’être réalisés. Cette observation rapide ne peut pas refléter un jugement définitif et totalement exact, car beaucoup de données manquent encore pour permettre une véritable appréciation. Mais le processus ainsi engagé pourrait déboucher, malgré des obstacles ponctuels et prévisibles, à des changements structurels et constitutionnels au sein des pays de la région (similaires à ceux opérés en Irak), et pourrait augurer prochainement d’un règlement juste et durable du conflit israélo-arabe, et d’une véritable intégration de l’État d’Israël dans cette géographie du monde, ainsi que l’instauration d’un nouvel équilibre régional lié au nouvel ordre économique mondial basé sur les principes de la globalisation. Après cet aperçu circonstanciel relatif à ce chapitre de l’histoire du Moyen-Orient et à la lumière de tout ce qui se passe aujourd’hui au Liban, il serait judicieux de rappeler que dans les circonstances particulièrement graves et décisives que traverse notre pays, et au-delà de toutes les stratégies précédemment signalées, le peuple et les citoyens doivent rester vigilants et veiller à consolider et sceller leur solidarité, leur unité et leur appartenance à une même histoire et à une même géographie territoriale, afin d’y perpétuer, malgré les intempéries, les principes de liberté, d’indépendance et de souveraineté qui ont toujours guidé les habitants de cette terre, riche par ses traditions démocratiques et sa vocation de nation-message. Salim F. DAHDAH Conseiller en stratégie et en relations publiques Article paru le Mardi 16 Janvier 2007
L’Occident était, au début de la guerre en 1975, très peu concerné par le devenir national de notre petit pays, encore moins par son indépendance, sa souveraineté, sa démocratie et ses libertés. Il avait en effet décidé froidement de l’abandonner aux mains de la Syrie, gouvernée par un régime totalitaire et minoritaire, mais laïc et issu d’un parti politique...