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Actualités - OPINION

La voie oblique

La situation du Liban est explosive. Curieusement, elle laisse indifférente la communauté internationale qui se prépare, comme des centaines de millions de fidèles, à célébrer les fêtes de fin d’année. On s’affaire aux derniers préparatifs, on règle les détails de dernières minutes. Sur fond de guerre, les Libanais, toute obédience religieuse confondue, en font probablement de même. Nous sommes à l’ère de la raison. La logique monstrueuse qu’exhibent les tenants de la liberté – ou de toute autre idéologie – est terrifiante. Chacun traite l’autre, sous prétexte de pureté de la race, d’alliances familiale ou économique, de dogmes religieux, de traître. On brandit sur une pique, la démocratie comme la foi. On en intervertit les encres avec lesquelles on écrit les traités que l’on brûle, comme on le fait des effigies. La plaque tournante de l’humanité qu’est le Liban n’est que le reflet microcosmique de la déchirure des peuples. En un début de millénaire obscurantiste où les libertés individuelles ont atteint, dans certains pays, des sommets inégalés tandis que dans d’autres (on ne les nommera pas, on serait surpris peut-être de ce que l’on découvrirait), elles ont plongé dans l’abîme de la terreur. Le temps passe, de même les gens. Les discours demeurent. Les mots et leurs silences aussi… Une profonde lassitude s’empare des gens qui ont depuis longtemps cessé d’espérer. Les Libanais, peuple multicolore de par son histoire, s’affadissent, perdent leur couleur pourpre de murex. Les assassinats se multiplient, les grandes puissances (ils font bien pitié, ces dirigeants iconoclastes et meurtriers) décident du sort de la race humaine à coup de politiques étrangères – qu’est justement la politique étrangère si ce n’est de répondre à l’étranger par l’entremise de l’offrande qui lui permettrait de poser sa tête un instant pour se reposer? – aveugles et dépourvues de sens historique. L’histoire de Beyrouth de Samir Kassir illustre cette ignominie. À observer en silence (on brise momentanément ce silence, aujourd’hui, pour chuchoter quelque mélancolie face à cette race humaine dont on fait partie) les boucheries que la raison commande – n’oublions jamais Auschwitz –, il est de mise de converser avec ce silence. Du moins de laisser le langage taire sa propre violence. Car les mots entraînent, quiconque ne s’en méfie pas, vers l’errance. Maurice Blanchot décrit admirablement bien cette violence tue afin de laisser l’humain – ou ce qu’on en pense – vivre. Car il faut laisser dans le silence ce que le langage contient de violence pour aimer, pour dialoguer. Le mot dialogue ne contient-il donc pas déjà le préfixe deux? Et à quoi sert d’avoir raison – la raison justement, ça se construit à deux – contre un «ennemi» (seul un ennemi peut en reconnaître un autre) si on demeure seul à célébrer? Le dialogue, c’est d’abord face à soi-même que ça commence et que ça se vit. On garde donc le silence pour le Liban. Il mérite mieux que des fêtes annuelles qui ne signifient que monothéistes hypocrisies. André MELOCHE
La situation du Liban est explosive. Curieusement, elle laisse indifférente la communauté internationale qui se prépare, comme des centaines de millions de fidèles, à célébrer les fêtes de fin d’année. On s’affaire aux derniers préparatifs, on règle les détails de dernières minutes. Sur fond de guerre, les Libanais, toute obédience religieuse confondue, en font...