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Actualités - OPINION

Où allons-nous ? Par David C. CORM

Dans la crise aiguë que traverse le Liban, il y a une nouveauté dans le langage politique : diaboliser l’Amérique. On dirait que l’ordre est venu de Téhéran et tous les orateurs du Hezbollah s’y sont mis à cœur joie, exactement suivant le modèle iranien du temps de Khomeiny, lorsque l’Amérique était devenue «le grand Satan». Cette exclusion de l’autre, ce langage insultant envers l’autre et sa damnation auprès des foules, tout cela n’avait jamais fait partie des traditions libanaises. Bien au contraire, le Libanais a toujours été convivial et ouvert sur le monde. Il n’y a pas une famille, de quelque confession que ce soit, qui n’ait pas des parents immigrés partout dans le monde. Il y a plus d’Américains d’origine libanaise que de Libanais au Liban même ; et cela inclut une importante communauté chiite qui a choisi l’Amérique. Comme on a pu le constater lors des évacuations de leurs ressortissants durant la guerre de juillet-août, la moitié des personnes embarquées sur les navires américains étaient des femmes voilées, accompagnées de leurs enfants, citoyens américains qui cherchaient refuge… en Amérique et pas en Iran! D’ailleurs, il est significatif que lorsque les Libanais émigrent, ils ne vont que dans des espaces de liberté en Amérique du Nord ou en Europe. Malgré toutes les dérives en tant que seule superpuissance militaire, l’Amérique et l’Europe restent des modèles de démocratie, de liberté et des droits de l’homme dont devraient s’inspirer les régimes arabes en tout premier lieu. Personne n’a protesté, ni ici ni ailleurs, lorsque la Syrie de Hafez el-Assad avait rejoint l’alliance de Bush père contre Saddam Hussein et «le peuple frère d’Irak». Plus récemment, personne n’a protesté lorsque le régime syrien de Bachar el-Assad a totalement coopéré avec l’Amérique de Bush fils dans la lutte contre le terrorisme, allant même jusqu’à arrêter ou torturer des prisonniers suspects pour le compte de la CIA. Mais que le chef du gouvernement d’un tout petit pays, qui a besoin de l’appui de tous pour sa survie, reçoive la secrétaire d’État américaine, et le voilà accusé de traîtrise par le Hezbollah. Malheureusement, dans nos régions survoltées, cela équivaut à une «incitation au meurtre» et à la suppression physique de l’accusé. Dans les pays civilisés, cela serait considéré comme un délit passible de prison. Le numéro 2 du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, a continué sur la même voie au centre-ville un certain dimanche, en ponctuant son discours de «Mort à l’Amérique, mort à Israël», repris en chœur par la foule excitée et où certains vont assimiler ces «ennemis» à ceux qui, au sein du gouvernement, ils mettent en accusation. Le Liban a toujours été ouvert sur tous les pays du monde où s’épanouit notre diaspora. Fouad Siniora ne fait que son devoir de recevoir Rice, Blair, Douste-Blazy, Amr Moussa ou les délégués iraniens, de plus en plus nombreux à venir chez nous depuis que leur chef suprême, l’ayatollah Khamenei, a enjoint à ses alliés de faire la guerre à l’Amérique au Liban même, mais pas à partir de l’Iran ni de la Syrie, dont le Golan est toujours occupé… Les Libanais n’ont jamais pratiqué l’exclusion. C’est un langage bien étrange et bien étranger à nos traditions et à notre mentalité qu’on cherche à nous imposer dans la rue et sur les chaînes de télé. Nous sommes tout d’un coup les victimes du mépris qu’ont toujours porté les Perses aux Arabes. En nous imposant des diktats et une culture contraire à nos coutumes, les Iraniens et leurs alliés locaux risquent de faire éclater ce pays de tolérance, ce pays-message de coexistence entre 18 confessions religieuses. Et lorsque le leader de cette opposition «divine» est de surcroît un «homme de Dieu», nous devrions nous rappeler que la dernière fois qu’un religieux avait essayé de s’emparer du pouvoir dans un petit pays proche du nôtre – c’était Mgr Makarios à Chypre en 1974 – cela avait mené directement à la partition de l’île en deux entités chrétienne et musulmane ; et cela dure jusqu’à ce jour. Article paru le Jeudi 21 Décembre 2006
Dans la crise aiguë que traverse le Liban, il y a une nouveauté dans le langage politique : diaboliser l’Amérique. On dirait que l’ordre est venu de Téhéran et tous les orateurs du Hezbollah s’y sont mis à cœur joie, exactement suivant le modèle iranien du temps de Khomeiny, lorsque l’Amérique était devenue «le grand Satan».
Cette exclusion de l’autre, ce...