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Actualités - OPINION

L’émotion dans la politique

La crise politique que traverse le Liban depuis l’arrêt des hostilités le 14 août 2006 revêt désormais l’aspect de défis où la politique, alourdie d’émotion, ne suffit plus à permettre d’entrevoir une solution acceptée de tous. Cette émotion, fortement ressentie avec toutes les tragédies qui ont frappé le pays ces deux dernières années, a été pour le Libanais, politicien et citoyen, un outil ou plutôt un moyen de communication qui lui a permis d’exprimer des idées et d’aboutir à des objectifs à un moment où la politique ne remplissait ou ne pouvait plus remplir son rôle. Pour ceux qui pensent que la politique est synonyme de mensonge, et nous savons qu’ils sont nombreux, l’expression d’une certaine émotion présente au moins l’avantage de la franchise. Après tout, même en politique, il s’agit des fois de dire tout simplement haut et fort ce que l’on pense tout bas. Il est toutefois difficilement admissible que le discours émotif, qui se traduit très souvent par des insultes et des sarcasmes, prenne le dessus dans un pays doté d’un équilibre sociologique et politique fragile. Cependant, pour réintégrer la politique dans notre vie politique, il s’agit avant tout de la redéfinir. La politique est un art et cet art exige la politesse, le respect, l’intégrité, la crédibilité et une volonté sincère d’aller de l’avant dans l’intérêt du pays. En politique, il ne s’agit pas toujours de savoir qui a raison et qui a tort, mais de pouvoir et de savoir comment éviter une crise et de « maintenir le doigt sur le bouton » pour la résoudre au cas où elle viendrait à éclater. Mais une crise politique sans fin et dans laquelle tout le monde s’embourbe est un acte répréhensible qui ne peut en aucun cas coïncider, à la longue, avec l’intérêt du pays. Certains verront là une franche mise en cause de l’opposition, d’autres une accusation à peine voilée contre les loyalistes. À vrai dire, il n’en est rien. C’est simplement une constatation des faits, un état des lieux qui montre le degré d’émotion dans le discours politique, un discours où chaque partie ne manque pas d’évoquer très douloureusement et à juste titre ses martyrs alors qu’ils sont tous les martyrs du Liban. Plusieurs observateurs commencent même à affirmer que la crise s’est tellement amplifiée que la solution ne peut plus provenir de l’intérieur. C’est dans ce contexte que des efforts arabes, régionaux et internationaux se sont multipliés dans toutes les directions. Il n’est nullement question ici, à moins de tomber dans le piège de l’émotion, de parler de la grandeur et de l’universalité du Liban et d’affirmer aveuglément que les Libanais peuvent et doivent trouver une solution à tous leurs problèmes sans l’aide des pays amis. En fait, toute aide ou assistance étrangère devrait être favorablement accueillie. Après tout, la grandeur du Liban et son universalité ne proviennent-elles pas, en partie, du fait que ce petit pays attire et suscite l’intérêt de toutes les puissances locales, régionales et internationales ? Pour le moment, que la solution à la crise actuelle émane de l’intérieur ou de l’étranger, elle devra nécessairement être mise en application par la classe politique libanaise. Cette affirmation raisonnable soulève à son tour le problème suivant : après le discours émotif de ces dernières semaines, les parties libanaises ont-elles conservé le minimum de crédibilité l’une auprès de l’autre pour exécuter cette solution, quelle qu’elle soit ? En d’autres termes, comment être sûr qu’elles pourront mettre en pratique une solution sans retomber dans les accusations réciproques ? La réponse à cette question réside dans un retour à un discours politique pris dans le bon sens du terme, purgé de l’émotion, se fondant sur une théorie cohérente et raisonnable de l’intérêt national et qui rétablirait une certaine prééminence du Liban au sein du monde arabe sans pour autant l’enliser dans les problèmes régionaux de l’heure. Nabil H. MALLAT
La crise politique que traverse le Liban depuis l’arrêt des hostilités le 14 août 2006 revêt désormais l’aspect de défis où la politique, alourdie d’émotion, ne suffit plus à permettre d’entrevoir une solution acceptée de tous.
Cette émotion, fortement ressentie avec toutes les tragédies qui ont frappé le pays ces deux dernières années, a été pour le...