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CONCERT - À l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) Duo violon et violoncelle pour Beethoven et Honegger

Curieux paysage culturel beyrouthin, un peu surréaliste, un peu déroutant, un peu chaotique… À plus de cent mètres à vol d’oiseau à peine, tandis que des manifestants bivouaquent au centre-ville, Feyrouz maintient son concert au BIEL, la semaine dernière, et célèbre la vie avec plus de six mille spectateurs rien qu’au premier rendez-vous d’une programmation déjà annulée l’été dernier suite aux raids israéliens… Le même soir, à l’église Saint-Joseph, rue Huvelin, triomphait le pianiste virtuose Armen Babakhanian en donnant la réplique, en soliste, avec brio et panache, à l’Orchestre symphonique national libanais placé sous la houlette de Harout Fazlian. Côté public, délire et ovation pour une salle remplie aux trois quarts de fervents mélomanes… Et voilà qu’hier soir, le Conservatoire national supérieur de musique présente à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ), comme d’habitude, ses mardis soir de musique de chambre. Au menu, simple et concis, du romantisme et du néoromantisme, avec des pages de Beethoven et Honegger. Une cinquantaine de personnes dans la salle. Sur scène, un duo de musiciens qui ont une parfaite entente sous les feux de la rampe mais qui, au quotidien, en ville, sont mari et femme. Au violon, Michel el-Murr, formé à l’École supérieure de Moscou, et au violoncelle, Anastasiya Yartsava. Pour elle, robe longue moulante en velours noir, avec cheveux blonds en queue-de-cheval, et pour lui coupe de cheveux sage avec chemise et pantalon noirs. Harmonie de couple, mais aussi harmonie de scène pour deux artistes qui traduisent tous les émois du maître de Bonn et du plus Parisien des Suisses. Romantisme et néoromantisme… Démarrage un peu hésitant avec le Duo en do majeur en trois mouvements de Beethoven. On retrouve là une belle narration aux tonalités parfois sourdes, mais où le rêve et une sorte de rafraîchissante fantaisie émergent au détour d’une phrase, d’une mesure, d’un silence. Sans jamais avoir un rôle prépondérant ou voler la vedette, le violon a toutefois de grande envolée d’un lyrisme franc. Lyrisme sans complainte inutile, sans lamento larmoyant. Lyrisme d’un lumineux romantisme où transparaissent, en douceur, toute la fougue et toute la force de Beethoven. Dans le second Duo en fa majeur, on apprécie les tirades rythmées d’un larghetto d’une vibrante éloquence. Dialogue subtil entre les deux instruments à corde qui offrent une belle palette de couleurs sans jamais tomber dans le piège des monologues isolés. Si le violoncelle marque souvent la mesure d’un violon qui diffuse avec effusion la mélodie, les rôles sont parfois insensiblement inversés avant de se rejoindre dans un confondant esprit de passion fusionnelle. Pour conclure ce chapitre beethovenien, le Duo en si majeur. À part l’allegro sostenuto, teinté d’une certaine retenue, le ton est à la vivacité. Celle d’une aria con variazioni d’une étourdissante agilité. Changement de siècle, de cap et d’horizon, mais finalement pas d’esprit… Après le maître de Bonn, voilà Arthur Honegger, l’image même de la force tranquille. Arthur Honegger, qu’on taxe un peu à tort de révolutionnaire.Vraiment révolutionnaire ce musicien du Groupe des Six (Cocteau, Milhaud, Poulenc, Taillferre, Auric et Durey)? À écouter cette délicieuse Sonate en mi mineur pour violon et violoncelle, on révise un peu ses jugements… Comme cette question qu’on posait au compositeur du Roi David: «Vous êtes donc néoromantique?» Il répond: «Pourquoi néo?» C’est déjà tout dire… Et voilà cette sonate avec ses trois mouvements (allegro, andante, allegro) qui confirme tous les doutes et réfute toutes les supputations. Par-delà certaines tonalités à l’emporte-pièce, certaines dissonances harmoniques, l’univers sonore de Honegger, par-delà quelques passages agressifs, reste très proche de tous les remous intérieurs humains… Passion, mélancolie, mystère, anxiété et même une certaine fantaisie sont là, dans ces archets qui furètent, cravachent, raclent, caressent… Partition sans nul doute des plus difficiles dans ses contorsions de notes et ses rythmes changeants ou haletants. Les deux musiciens lui prêtent une féerie exceptionnelle, surtout au second allegro d’une admirable véhémence dans sa grâce souriante et entêtée. Surtout avec cet équilibre d’une absolue discrétion qui clôt la narration, comme l’aérienne pirouette d’un talentueux danseur en un volatil et abrupt pizzicato adroitement synchronisé. Applaudissements nourris pour cinquante minutes de musique, de bonheur, d’oubli. Salut et révérence des artistes, avec un grand sourire. La musique a tous les pouvoirs, même celui de chasser les idées noires… Edgar DAVIDIAN

Curieux paysage culturel beyrouthin, un peu surréaliste, un peu déroutant, un peu chaotique… À plus de cent mètres à vol d’oiseau à peine, tandis que des manifestants bivouaquent au centre-ville, Feyrouz maintient son concert au BIEL, la semaine dernière, et célèbre la vie avec plus de six mille spectateurs rien qu’au premier rendez-vous d’une programmation déjà...