Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

ANALYSE L’excédent commercial de la Chine n’est pas 100 % chinois

Le « Made in China » ne cesse de gagner des parts de marché dans le monde entier depuis 2001, mais ce boom continue de profiter d’abord aux groupes étrangers, soulignent des spécialistes de l’économie chinoise. La Chine a détrôné depuis 2004 le Japon du troisième rang des pays exportateurs mondiaux et se classe désormais derrière les États-Unis et l’Allemagne. L’excédent commercial chinois a fortement augmenté en octobre avec un bond de près de 30 % des exportations. Aujourd’hui, 13 % des importations européennes hors UE proviennent de Chine continentale, soit cinq points de plus qu’en 2001 – année d’adhésion de Pékin à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – tout comme 15 % des importations américaines (+6,0 points). On le constate dans les rayons de tous les magasins, la machine économique chinoise ne cesse de gagner des parts de marché dans le textile (+10 points entre 1995 et 2004 pour atteindre 21 % des exportations mondiales), dans l’électronique (14 % des exportations mondiales, cinq fois plus qu’en 1995), dans les machines d’équipements (5 % des exportations mondiales en 1995 et 13 % en 2004), sur le marché du jouet, dont elle assure environ 70 % de la production mondiale, et maintenant dans l’imprimerie avec l’apparition de beaux livres pour enfants. Mais cette déferlante du « Fabriqué en RPC (République populaire de Chine) », qui s’est encore accélérée en 2005 avec une nouvelle levée de quotas, est loin d’être 100 % chinoise. « Quand on regarde les statistiques des exportations par type d’entreprise, on constate que la croissance des parts de marché des produits chinois ne reflète pas une montée en puissance des entreprises chinoises, mais en fait celle d’entreprises étrangères », souligne Johanna Melka, économiste chez Ixis-Cib. « Grosso modo, 50 % des exportations chinoises sont le fait de sociétés partiellement à capitaux étrangers », précise Jean-Charles Sambor, économiste à la Société générale. Un pays-usine peu compétitif, sauf pour les étrangers Les Occidentaux restent encore très sous-représentés, mais grands groupes et PME semblent résolus à corriger rapidement le tir. La multiplication des sites Internet référençant les fournisseurs chinois prêts à fabriquer pour l’export n’importe quel type de produit ou presque, même au coup par coup, traduit l’ampleur du mouvement. Sous la pression des clients ou alléchés par des marges bien plus juteuses, les entrepreneurs se ruent malgré la distance sur ce pays-usine où la monnaie est sous-évaluée, les salaires au moins dix fois moins élevés qu’en France et où toute délocalisation peut permettre d’économiser entre 30 et 80 % sur les coûts. Les entreprises étrangères pionnières dans ce domaine restent avant tout asiatiques, proximité géographique oblige. « Les IDE (investissements directs étrangers) dans l’économie chinoise proviennent pour 10 % du Japon et pour 8 % de Corée, souligne Johanna Melka. Les groupes japonais et coréens se demandaient où produire leurs articles moins cher. L’entrée de la Chine à l’OMC, en facilitant l’exportation des produits chinois dans le monde, est tombée à point nommé : de surcroît, le pays offre le potentiel futur d’un marché intérieur très important. » « Ce ne sont donc pas les entreprises chinoises qui sont les plus dangereuses », ajoute-t-elle. Selon Ixis-Cib, leur part de marché dans le commerce mondial stagne à 2 % depuis dix ans. Les coûts salariaux très bas sont d’ailleurs en partie compensés par une compétitivité toujours à la traîne, malgré des gains de 9 % par an depuis 2003. Sa puissance à l’export n’a pas empêché la Chine d’être rétrogradée du 48e au 54e rang mondial dans le dernier classement mondial de la compétitivité établi par le Forum économique mondial de Davos. « La Chine est une plate-forme de montage pour les sociétés étrangères. Les composants sont importés, et si l’on regarde la valeur ajoutée des produits « Made in China », elle n’est pas essentielle par rapport à d’autres pays d’Asie qui interviennent dans le processus », estime Melka. S’il reste un sujet politique sensible, ce mouvement n’est pas récent. Il a coïncidé avec la libéralisation des règles du marquage d’origine, devenu facultatif dans les années 1990 sous l’impulsion de Bruxelles et de l’OMC pour favoriser les échanges au sein de l’Union européenne et la mondialisation du commerce. Le « Made in China » progresse ainsi souvent masqué. Une assiette produite en Chine, mais décorée au Pakistan, sera estampillée « Made in Pakistan » si elle est décorative, un téléviseur assemblé à Taïwan sera étiqueté « Made in Taïwan » si ses composants chinois représentent moins de 55 % du prix départ usine et un pantalon fabriqué dans l’Hexagone avec du tissu chinois pourra porter la seule mention « confectionné en France ». « Cela ne veut pas dire que la Chine n’en profite pas, et on ne peut plus seulement parler d’un phénomène d’atelier et de simple commerce de réexportation, nuance Sambor. Il ne faut surtout pas oublier non plus que l’excédent commercial est une caractéristique relativement récente de l’économie chinoise, et que le pays accuse sinon un déficit avec tous les autres pays d’Asie. »

Le « Made in China » ne cesse de gagner des parts de marché dans le monde entier depuis 2001, mais ce boom continue de profiter d’abord aux groupes étrangers, soulignent des spécialistes de l’économie chinoise.
La Chine a détrôné depuis 2004 le Japon du troisième rang des pays exportateurs mondiaux et se classe désormais derrière les États-Unis et...