Mission accomplie, messieurs les assassins

Cet après-midi, la bande de terroristes se repose. Les visages sont radieux. La mission a été accomplie avec succès. Comme d’habitude. Pierre Gemayel a rejoint l’interminable liste des martyrs du Liban. Alors, comme pour savourer encore mieux le succès, l’un allume la télé et commence à zapper. L’histoire est de savoir quelle sera la première chaîne de télé à annoncer la nouvelle. Aujourd’hui aussi, ils ont écrit un nouveau chapitre de l’histoire libanaise, avec le sang des hommes et des femmes qui ont refusé la servitude. Puis le téléphone sonne. C’est le patron, Il les félicite pour un travail bien fait. La discussion porte directement sur le prochain. Où ? Quand ? Comment ? Ces criminels font faire tomber les têtes de l’indépendance 05 l’une après l’autre, inexorablement. Ils jouent le jeu du destin. On croirait presque que c’est le destin qui s’acharne sur nous. Qu’il est contre nous. Mais nous oublions souvent qu’il y a des hommes, et peut-être des femmes, qui ont commis ces quinze crimes. Et qui n’ont plus rien à perdre. Alors, pour ne pas découvrir les ténèbres de la justice seuls, et puisque de toute façon tout est perdu, ils tuent. Sans jamais arrêter. Ce soir, ils dormiront comme d’habitude. Ils auront peut-être une petite pensée pour les enfants de Pierre Gemayel, qui n’auront pas eu le temps de grandir aux côtés de leur père, et qui paient très cher le prix de l’indépendance. Une indépendance dont jouiront tous les Libanais, pour des générations à venir. Ils penseront peut-être qu’ils mettent en péril l’avenir de tout un peuple, de tout un pays. Qu’ils sont des criminels, et qu’en conséquence, ils seront jugés un jour ou l’autre pour leurs actes terroristes. Pour l’instant, une longue fuite en avant commence. Il sera impératif de résister et d’insister pour le tribunal international comme seule solution à ce problème qui dure depuis des décennies. Plus vite le tribunal sera créé, moins il y aura de sang au Liban. C’est ici que se trompe énormément l’opposition au Liban, et spécialement le Hezbollah. On ne peut plus attendre. Les criminels doivent être trouvés et jugés le plus vite possible. C’est pour cela que la démission des six ministres est irresponsable. Elle met en danger imminent beaucoup de personnalités libanaises indépendantistes. Les ennemis du Liban – puisque c’est ainsi qu’on les appelle en langage diplomatique – veulent absolument créer le chaos, c’est-à-dire provoquer un vide constitutionnel. C’est dans cette optique qu’intervient l’assassinat de Pierre Gemayel. En ces heures-là, l’avenir du gouvernement libanais tient à un fil. Ou plutôt à une balle. En effet, les cinq ministres d’Amal et du Hezbollah, et Yaacoub Sarraf plus Hassan Sabeh, démissionnaire en février, et Pierre Gemayel assassiné dernièrement, cela fait bien huit sur 24 ministres qui formaient à l’origine ce cabinet. Un ministre en moins, et c’est tout le Liban qui n’a plus de gouvernement. Et il faudra alors se remettre à jouer au puzzle, ou plutôt à la mosaïque des confessions, avec des ministres venant de partout. Il faudra tenir compte des désirs des uns, des caprices des autres. Il faudra que le gouvernement plaise à M. Lahoud, à la Syrie, à l’Iran, aux États-Unis, à la France, à l’Arabie saoudite. Entre-temps, le gouvernement de Siniora n’est plus constitutionnellement en place, et ne peut plus prendre de décisions. Le Liban sera alors englué dans une profonde paralysie et sans personne pour le gouverner. En attendant, nos criminels du jour dormiront libres, comme vous, comme moi. Les pleurs des enfants de nos martyrs hanteront peut-être leur sommeil. Et demain, ils seront à pied d’œuvre pour une nouvelle mission : persuader les Libanais que le destin leur en veut. Un destin qu’ils commandent dans l’obscurité, avec une main de fer et un cœur de pierre. Mais de tout façon le tribunal viendra. Il viendra. Khalil CHEHADÉ