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Actualités - OPINION

IMPRESSION Un rêve andalou

Hier, dans la salle d’attente de mon dentiste, je feuilletais distraitement un numéro du Point de septembre, quand j’ai sursauté sur une déclaration de José Maria Aznar, qu’il n’y avait rien de scandaleux à intervenir en Irak, puisque les Arabes, eux, ont bien envahi l’Espagne. On a du mal à imaginer les marines s’attelant à de somptueux travaux d’architecture, ouvrant des écoles, véhiculant des livres, invitant les penseurs à partager leurs idées à l’ombre des orangers. Les Arabes en leur temps ont fait d’el-Andalus un rêve de cité. Sans doute, l’épisode le plus serein, le plus doux, le plus propice à l’épanouissement de la pensée et des arts dans l’histoire de l’humanité. C’était avant que les Espagnols ne découvrent l’Amérique. Bien sûr, la transition est cavalière. Mais l’Iraq se remettra-t-il jamais de la sauvage démocratisation qui lui est infligée ? Les carnages quotidiens, l’insécurité permanente, les Abou Ghraib, les Guantanamo, le manichéisme inhérent à la culture américaine (cow-boy-indien, nordiste-sudiste, blanc-noir, police-gangster) sont aujourd’hui sur le point de faire exploser la région tout entière. L’Espagne comme le Liban est un verrou entre deux mondes. Face à face, nos deux pays sont les portes d’un même sanctuaire. Entre nous, la mer de tous les brassages, de toutes les idées neuves, de toutes les religions. À l’arrière, si l’Espagne a l’Atlantique sur l’épaule, c’est toute l’Asie qui reflue sur les contreforts de l’Anti-Liban. Un nom prédestiné pour cette chaîne montagneuse qui tente avec les difficultés que l’on sait de jouer les frontières. Contre le Liban ou tout contre, ils sont hélas nombreux ceux qui nous veulent du bien. À ce tournant de notre histoire, nous voilà partagés entre deux démons, comme autrefois la péninsule Ibérique entre les wisigoths et les maures. Qui l’emportera ? S’il faut toujours qu’un petit pays soit dominé par de plus puissants, s’il faut qu’un peuple se soumette parce qu’il peine à s’unir, alors, donnez-nous Grenade et Cordoue, Tolède et Alicante. Donnez-nous des temples, tour à tour mosquées, églises ou synagogues où les fidèles viendraient prier un même Dieu. Donnez-nous des jardins, des justes et des sages. Mais l’Iran n’est pas une miniature persane, pas plus que l’Amérique n’est un modèle d’humanité. Qu’ils sachent pourtant qu’immanquablement nos conquérants se lassent et partent en laissant leur marque sur un rocher. Qu’on nous laisse dénouer seuls notre histoire, car seul un Libanais peut comprendre un autre Libanais. Et seule notre fragile coexistence porte les germes du vieux rêve andalou. Fifi ABOU DIB
Hier, dans la salle d’attente de mon dentiste, je feuilletais distraitement un numéro du Point de septembre, quand j’ai sursauté sur une déclaration de José Maria Aznar, qu’il n’y avait rien de scandaleux à intervenir en Irak, puisque les Arabes, eux, ont bien envahi l’Espagne. On a du mal à imaginer les marines s’attelant à de somptueux travaux d’architecture, ouvrant des...