Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

La signature par le Liban de la convention de l’ONU contre la corruption, passage obligé pour l’aide internationale

Les échéances se succédent – la conférence de Stockholm en août dernier, celle de Paris III en janvier prochain – et les réformes exigées par les pays donateurs ne peuvent être dissociées de la transparence et de la reddition de comptes. Pour le secrétaire général sortant de l’ONU, Kofi Annan, « la corruption entrave la capacité d’un gouvernement à prodiguer les services de base, en nourrissant les inégalités et l’injustice, ce qui décourage les investissements étrangers et les aides ». La convention de l’ONU pour la lutte contre la corruption, approuvée le 31 octobre 2003, démontre une volonté de lutter contre ce fléau au niveau mondial. Par le biais de cette convention, la communauté internationale a en effet voulu exprimer l’importance qu’elle accorde à cette question, soulignant l’urgence d’y apporter des solutions. Le Liban est signataire de ce traité, mais sans ratification par la Chambre, il ne peut toujours pas être appliqué. Plus de transparence, plus de contrôle, c’est ce qu’ont prôné les pays donateurs lors de la conférence de Stockholm, en août dernier. Pour le directeur adjoint de la Lebanon Transparency Association (LTA), Khalil Gebara, « si on entend de plus en plus parler de transparence, c’est bien parce que les pays donateurs ont exigé que les aides soient correctement gérées ». L’ambassadeur de Suisse, François Barras, affirme dans ce cadre que, d’une manière générale, « lorsqu’il s’agit de donations ciblées, et que le travail est effectué de concert avec les ministères concernés et les municipalités, tout se passe bien ». Par contre, souligne M. Barras, « ce qui marche beaucoup moins, c’est lorsque nous devons répondre à des sollicitations d’aides ou entreprendre de grands projets moins ciblés. Dans ce cas, la transparence n’est pas totalement garantie ». Comment garantir alors à long terme que les administrations ne soient pas noyautées par une corruption insidieuse qui conduit immanquablement à la paralysie du service public ? Le projet de signature, par le Liban, de la convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption (Uncac) serait sans doute un pas dans la bonne direction. Cette convention prévoit en effet un plan global de réformes pouvant aboutir à un certain niveau de transparence. Seul bémol, ces réformes sont considérées comme « trop audacieuses pour le Liban », si l’on en croit les propos du directeur adjoint de la LTA. Les objectifs de la convention des Nations unies sont triples : d’abord prévenir et combattre la corruption plus efficacement et plus concrètement dans les pays signataires. Ensuite, instaurer un système de coopération international et d’assistance technique pour tout ce qui touche au contrôle de la corruption. Enfin, la mise en place d’un système de bonne gouvernance, qui passe nécessairement par une gestion saine de l’administration et des affaires publiques ; cela doit, de plus, être complété par ce que les Anglo-Saxons désignent par « accountability », c’est-à-dire le fait de rendre des comptes aux citoyens. L’application de ces trois volets passe bien évidemment par un corps de lois adaptées et efficaces. Mais une loi ne suffit pas sans une réelle volonté politique de la voir appliquée. Or, en envisageant la lutte contre la corruption au niveau mondial, la communauté internationale a voulu exprimer l’importance qu’elle accorde à cette question et à l’urgence d’y apporter des solutions. La prise de conscience a donc eu lieu au niveau international, et le déclic doit maintenant se faire au niveau national. Mais l’adoption d’un traité tel que l’Uncac exige que les personnes au pouvoir changent aussi leur propre perception de l’administration. Plus largement, les politiques devront aussi changer leur perception du pouvoir en le considérant comme un moyen d’œuvrer à l’amélioration de la vie quotidienne de leurs citoyens. Les différents aspects de la corruption Comment la corruption se manifeste-t-elle ? Quels sont ses différents aspects ? Il faut savoir que la corruption revêt des aspects divers et variés. Sur le plan interne, elle touche non seulement le système politique mais aussi le pouvoir judiciaire, ainsi que le secteur privé. Même les organisations internationales peuvent être un foyer favorable au développement de la corruption, ce qui à terme a pour effet de diminuer l’efficacité de la mise en application de leurs projets et ronge considérablement leur capital de crédibilité auprès des autres pays. Le capital « moral » de ces institutions s’en trouve alors gravement affecté. Pour ce qui est du Liban, le gouvernement a d’ores et déjà signé l’Uncac mais sans que le Parlement la ratifie. Les ONG, comme la LTA, et les membres de la société civile, mais aussi certains parlementaires font du lobbying pour que le texte soit voté avant la fin de l’année. Déjà, en septembre dernier, le Liban était présent, par le biais de la LTA, à Amman, pour participer à la réunion qui a regroupé les pays du bassin méditerranéen (Moyen-Orient et Afrique du Nord, MENA) et au cours de laquelle les tenants et aboutissants de l’adoption de l’Uncac ont été débattus. Des ateliers de travail ont été organisés, chacun portant sur un thème précis. Le premier a été axé sur le « whistle-blowing », c’est-à-dire les moyens de mettre en place un réseau de « dénonciateurs » de la corruption, tant sur le plan du secteur public que privé. Mais la mise en place de ce réseau ne peut se faire en l’absence de moyens juridiques efficaces garantissant la protection de ces mêmes « dénonciateurs » ainsi que des victimes de la corruption. Deux secteurs sont considérés comme particulièrement à risques : le pouvoir judiciaire et les finances publiques. C’est là que la surveillance doit se faire particulièrement étroite. D’autre part, le blanchiment d’argent a aussi fait l’objet d’un « workshop » au cours duquel la lutte contre cette pratique a été considérée prioritaire. Chaque groupe de travail a ensuite conclu sa session en publiant une série de recommandations sur chaque sujet analysé. Chaque gouvernement doit ensuite présenter, à terme, une chronologie montrant les actions qu’il va entreprendre en ce sens. Le but étant de se tenir prêt pour le « Forum for the Future » qui se tiendra fin novembre en Jordanie, sur les rives de la mer Morte. Ce forum regroupera tous les pays méditerranéens ainsi que des représentants du G8 et abordera, entre autres, le dossier de la convention anticorruption de l’ONU. Or, pour ce qui est du Liban, deux conditions sine qua non sont exigées pour sa participation à ce forum : la signature et la ratification de la convention. Le Liban réussira-t-il à être au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr, même si la commission parlementaire de l’administration et de la justice a d’ores et déjà examiné ce texte et l’a approuvé dans son intégralité, avant de le transférer à la commission parlementaire des Finances et du Budget. Or, selon des sources bien informées, cette commission, qui avait inscrit à son ordre du jour l’examen de l’Uncac l’a ensuite ajournée sine die. La reconstruction, une étape cruciale Toujours selon ces mêmes sources, cette commission parlementaire compterait inscrire une réserve au texte tel qu’il lui a été soumis. Rien ne laisse donc présager une ratification rapide de cette convention, qui est cependant perçue comme un outil indispensable à tout projet de réformes. De plus, en ratifiant l’Uncac avant le sommet de Jordanie, le Liban prouvera à ses voisins directs – les pays du MENA - mais aussi à la communauté internationale – puisque les représentants du G8 seront aussi au rendez-vous – sa volonté réelle de s’engager dans un programme sérieux de réformes. Une manière de renforcer un peu plus la crédibilité de l’État libanais et d’encourager les organisations internationales, les ONG et les investisseurs à collaborer avec le Liban. La signature de cette convention apparaît comme étant primordiale, à l’heure où tous les discours, toutes les analyses politiques vont dans le sens d’un renforcement de l’État et de ses institutions. La conférence de Stockholm, et fort probablement celle de Paris III, véhiculent cet esprit de transparence et d’ « accountability » qui sont désormais exigés du gouvernement libanais. La reconstruction est en effet une étape cruciale qui détermine, à plus d’un égard, la santé économique future d’un pays. Il est communément admis que des changements drastiques sont plus faciles à introduire dans un pays qui sort d’un conflit grave. Par contre, dans les pays où le retour à la normale n’a pu être réalisé qu’à la faveur d’un consensus entre les différentes parties, ces changements sont plus difficilement réalisables. En effet, dans ce dernier cas, la solution à la crise aura été trouvée dans un contexte « gagnant-gagnant », cas de figure qui s’est particulièrement illustré lors de la signature de l’accord de Taëf. Un schéma qui s’est en outre renouvelé avec la fin de la guerre de juillet, surtout à la lumière des concertations actuelles concernant un éventuel cabinet d’union nationale. Il sera donc très difficile de mettre en application les dispositions de l’Uncac au Liban, surtout lorsque l’on sait qu’elle prévoit une coopération internationale permettant de retracer le parcours des biens et ressources qui ont été détournés et volés, pour ensuite les retourner à leur pays d’origine. D’autre part, une fois que des lois adaptées auront été votées, il sera très important de bénéficier de l’assistance technique de l’office des Nations unies pour les crimes et stupéfiants (UN Office on Drugs and Crime, Undoc). L’Undoc axe en effet son action sur la prévention en renforçant les campagnes anticorruption au niveau national et en renforçant l’intégrité et l’efficacité du système judiciaire. Cet office s’occupe aussi de promouvoir l’intégrité dans les secteurs public et privé. L’action de l’Undoc est donc de première importance, car il s’agit dans un premier temps de briser le cercle vicieux de l’état d’exception imposé par les conflits armés et par la reconstruction. La loi électorale L’autre dossier sur lequel l’éventuelle ratification de la convention aura un impact est celui de la loi électorale. Ziyad Baroud, membre du conseil de la LTA et avocat, affirme à cet égard que le texte de la convention de l’ONU est suffisamment « dense et détaillé pour être appliqué directement ». Ce traité ne demande donc pas un grand nombre de lois d’applications, et le projet de loi électorale « est valable à cet égard ». Pour M. Baroud, ce qui va faire l’objet d’une loi, « c’est plus le côté technique du financement des campagnes électorales et des dépenses des partis politiques dans le cadre de leur campagne ». Il ne manque pas de souligner au passage que « certains partis politiques n’y sont pas très favorables ». Deuxième volet particulièrement important, « l’accès libre à l’information qui doit être reconnu et garanti par une loi. La liberté d’accès aux informations par les citoyens doit être la règle, et le secret l’exception, même si cela n’est pas dans l’air du temps avec la nouvelle loi américaine sur le terrorisme ». M. Baroud ne manque pas d’indiquer dans ce cadre que « le secteur public est bien sûr concerné mais aussi et surtout les entreprises privées qui, bien souvent, ont tendance à ne pas publier leurs bilans ou même à les dissimuler ». À la question de savoir s’il était optimiste quant à l’adoption, par le Liban, de l’Uncac, M. Baroud a affirmé que « c’est un chantier qui doit commencer ». Lélia MEZHER
Les échéances se succédent – la conférence de Stockholm en août dernier, celle de Paris III en janvier prochain – et les réformes exigées par les pays donateurs ne peuvent être dissociées de la transparence et de la reddition de comptes. Pour le secrétaire général sortant de l’ONU, Kofi Annan, « la corruption entrave la capacité d’un gouvernement à prodiguer les services de...