Rechercher
Rechercher

Actualités

RENCONTRE - À l’espace Monnot, un débat à plusieurs voix Ces bibliothèques publiques qu’il faut sauver...

Organisée par «L’Orient-Le Jour» et la Maison du livre, une rencontre-débat sur le thème « Bibliothèques publiques : état des lieux » a réuni, au théâtre Monnot, spécialistes et public intéressé, notamment des attachés culturels, des directeurs d’école, des libraires et plusieurs responsables des bibliothèques régionales, en présence du ministre de la Culture, M. Tarek Mitri, et du recteur de l’USJ, le père René Chamussy s.j. Cette rencontre pave la voie aux « Cafés culturels de “L’Orient-Le Jour” » prévus à partir de janvier 2007. Il s’agira de rendez-vous mensuels au même endroit « autour de thèmes qui nous intéressent tous, qui seront présentés par des spécialistes et débattus par la suite avec le public », a annoncé Maria Chakhtoura, chef du service culturel de L’Orient-Le Jour, à l’origine de ce projet. « Lecture, cinéma, art, festivals, patrimoine culturel, musique, édition, autant de sujets qui seront abordés la première année, un sujet à la fois. Un sujet chaque mois. Ce sera une façon d’établir, ensemble, un état des lieux de chacun de ces domaines de la vie culturelle du pays, de cibler les problèmes et d’essayer de dégager des solutions que nous pourrons, modestement, proposer aux institutions concernées ainsi qu’au ministère de la Culture», a-t-elle souligné. Pour en revenir à cette première rencontre, le modérateur de la séance, Nadim Tarazi, de la Maison du livre, a expliqué que le thème des bibliothèque publiques a été choisi « au moins pour deux raisons. La première est que la lecture et les bibliothèques publiques sont une préoccupation prioritaire du ministère de la Culture, et qu’elles sont également un grand chantier d’autant plus actuel qu’il est l’objet d’un accord récemment signé avec le gouvernement français. Elles sont de même au cœur des préoccupations de multiples associations et institutions. La seconde est liée à la guerre de l’été dernier: des initiatives concernant les bibliothèques publiques ont éclos dans l’urgence. Le ministère les a réunies pour favoriser la coordination des actions entreprises. Les personnes présentes à cette table y prennent part et c’est ainsi, presque naturellement, que ce thème s’est imposé ». Premier intervenant, Imad Hachem, du ministère de la Culture, a parlé du rôle du ministère dans les bibliothèques publiques. «En 2001, ce ministère a lancé un des plus grands projets qu’a connus le Liban dans ce domaine en créant, en partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie et les autorités locales, des centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC). Ces CLAC sont aujourd’hui au nombre de 18 », a indiqué Hachem, poursuivant : « Dès 2003, soucieux de développer la lecture publique à travers le pays, le ministère de la Culture a favorisé la création de nouvelles bibliothèques publiques ou le renforcement – sur plusieurs axes : livres, formation, activités et expertise – des bibliothèques existantes, en partenariat avec des municipalités, des associations et certains collaborateurs étrangers ». Par ailleurs, « le ministère, qui suit les questions relatives au fonctionnement et à l’équipement des bibliothèques, encourage et coordonne les politiques de développement de la lecture, et collecte les données statistiques nécessaires à l’évaluation de ces politiques (...), de même qu’il a développé un projet sur trois ans dans ce domaine pour lequel il a reçu le soutien financier de la France, d’un montant de 1 500 000 euros », a révélé M Hachem. Signalant que l’agression israélienne a causé la fermeture d’au moins 45% des bibliothèques publiques du Liban, et endommagé d’autres à Haret Hreik, Bint Jbeil, Jbaa, Taybé et Aïtite, le représentant du ministère de la Culture a également indiqué qu’un expert de l’Organisation de la francophonie est attendu à Beyrouth la semaine prochaine pour aider à la réhabilitation de ces bibliothèques et à la création de six nouveaux CLAC. Prenant ensuite la parole, Nawal Traboulsi, de l’association Assabil, a évoqué le rôle de cette association dans la société civile par rapport aux institutions de l’État. « Composée de citoyens actifs et militants (...) l’association Assabil a décidé sciemment d’adopter la politique de soutien des institutions de l’État. Assabil a créé le réseau de bibliothèques publiques pour développer le concept de la lecture publique dans tout le pays selon des normes pratiquées ailleurs dans le monde. Par la création du réseau, Assabil aide dans l’acquisition de livres dans la mesure où les moyens ou la conscience de la nécessité d’un budget annuel chez les municipalités ou autres institutions n’existe pas encore. L’association contribue à remplacer les anciens livres, acheter des nouveautés, etc. Assabil aide ces bibliothèques à être dynamiques en organisant des activités... Elle offre également des formations pour la gestion et l’animation des bibliothèques publiques. » Formation et compétence Cette question de la « Formation, du statut et des compétences des bibliothécaires » a été développée de manière particulièrement intéressante par Maud Stéphan, du collectif Bibliban. La question fondamentale des compétences du personnel des bibliothèques est restée longtemps figée au Liban dans une conception technique du métier, se limitant à la pratique de la classification et de l’indexation des livres, a fait remarquer Mme Stéphan. « La bibliothèque, on le sait bien sûr, est un outil de médiation entre des écrits, littéraires ou scientifiques, et un public ; il faut donc non seulement maîtriser les techniques nécessaires à cette médiation (telles que la classification et l’indexation), mais aussi et surtout connaître ces écrits, savoir les apprécier ; il faut aussi savoir communiquer et échanger avec son public, en un mot “savoir être” avec le public. Voilà la triade qui fonde les compétences des bibliothécaires : savoir, savoir-faire et savoir-être. En pratique, dans une petite bibliothèque où le personnel est réduit à une, deux ou trois personnes au plus, il faut à la fois : bien connaître sa collection de livres, en distinguer les niveaux de difficulté, et suivre ce qui s’écrit et s’édite dans l’environnement culturel du public ; c’est le volet savoir. Il faut pouvoir traiter les documents de manière qui facilite leur repérage et maîtriser les outils de la recherche de l’information ; c’est le savoir-faire ; et enfin et surtout, savoir être avec son public, c’est-à-dire pouvoir communiquer avec lui pour connaître ses besoins et savoir y répondre, comprendre ses handicaps et savoir l’inciter à lire, à se poser des questions, à s’exprimer, etc. Il permet au bibliothécaire d’animer sa bibliothèque, d’en faire un lieu convivial et un espace favorable à l’épanouissement culturel. Comment assurer tout cela dans une seule formation, et répondre également à des demandes diverses et des priorités contraires, dans un marché du travail qui comprend aussi bien des centres d’information spécialisés, de grands temples du savoir (tels qu’une bibliothèque nationale et les grandes bibliothèques universitaires), que de petites bibliothèques municipales, bibliothèques de proximité pour un public qui n’est pas encore familier au livre et qui est encore à conquérir ? C’est le défi qui se pose à tout cursus de formation des bibliothécaires, quand on ne peut se payer le luxe de diversifier les filières. (...) Par ailleurs, comment assurer un personnel compétent et motivé dans les bibliothèques publiques quand on sait combien sont mal payés les bibliothécaires dans le réseau public, et quelle est l’instabilité de leur situation ? Moins d’un bibliothécaire sur cinq du réseau public est recruté avec un contrat en bonne et due forme, les autres étant simplement journaliers. Les salaires varient entre 350 et 400 $, et aucun n’est inscrit à la Sécurité sociale. Et ce qui est plus grave, il n’y a aucune reconnaissance de leurs compétences et de la spécificité de leur activité, les autorités municipales remplaçant allègrement un bon animateur ou un bon bibliothécaire qui a fait ses preuves et a suivi des formations en cours d’emploi par n’importe quel parent proche du maire ou même par un garde municipal ! Dans les bibliothèques associatives, le tableau est quelquefois moins noir, mais l’emploi reste précaire et la Sécurité sociale fait généralement défaut. » Indiquant pourquoi l’association Iqra’a choisi d’axer son action sur la bibliothèque de classe dans les écoles publiques, Amal Saab a affirmé qu’en étant « à la portée de l’élève », elle stimule sa curiosité et le familiarise avec le livre. « Nous avons réalisé, au cours de nos 11 ans d’expérience, que la bibliothèque de classe a poussé une grande majorité d’enfants à devenir des lecteurs assidus et par là, des habitués des bibliothèques publiques dans leurs régions. » Les commentaires de Mitri À l’issue de ces quatre interventions, le ministre Mitri a répondu en trois points aux questions soulevées. «Depuis plusieurs années, le Liban connaît un développement sans précédent de son offre de lecture publique grâce au dynamisme de nombreuses municipalités et associations. Il y a une prolifération d’initiatives à l’échelle des villages. Quelles que soient les motivations des demandes des municipalités dans la création de bibliothèques publiques, il faut y répondre positivement, estime Tarek Mitri. Il faut certes, par ailleurs, être attentif non seulement aux droits, mais aussi aux compétences du personnel qui travaille dans les bibliothèques, mais dans les villages où les moyens manquent, l’important étant de commencer à travailler, et le développement suivra.» Le ministre de la Culture a également assuré l’assistance de « la renaissance en cours » de la Bibliothèque nationale. Une institution essentielle à Beyrouth, qui sera mise en réseau et sans laquelle « la lecture publique ne pourra occuper la place importante qui lui est normalement dévolue ». Enfin, évoquant « le danger » qu’encourent les bibliothèques publiques dans certaines régions du pays touchées par la guerre, il a affirmé que « le ministère et le Premier ministre concentrent leurs efforts afin d’intégrer ces bibliothèques dans le projet de reconstruction ». Une rencontre qui a été suivie d’un débat, intéressant et fructueux à plus d’un titre. Fructueux notamment au niveau d’une importante donation de 50 000 ouvrages pour enfants proposée par une fondation suisse et l’ébauche de certains projets individuels. Z. Z.
Organisée par «L’Orient-Le Jour» et la Maison du livre, une rencontre-débat sur le thème « Bibliothèques publiques : état des lieux » a réuni, au théâtre Monnot, spécialistes et public intéressé, notamment des attachés culturels, des directeurs d’école, des libraires et plusieurs responsables des bibliothèques régionales, en présence du ministre de la Culture, M. Tarek...