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Actualités - OPINION

Éclairage La partition serait un désastre, avertissent les experts

Face aux difficultés rencontrées par les États-Unis pour mettre un terme à la violence en Irak, les stratèges sont à la recherche de solutions, mais les experts avertissent que le partage du pays en trois régions conduirait au désastre. En Irak, des factions rivales – tout en affirmant qu’elles ne cherchent pas l’éclatement de l’Irak – font pression pour avoir une plus grande autonomie sur des bases religieuses ou ethniques, au sein d’un État fédéral décentralisé. Le mois dernier, le Parlement irakien a, en outre, voté une loi qui, dans 18 mois, permettra aux Irakiens de décider, par référendum, s’ils veulent fusionner leur province avec d’autres pour constituer une région plus vaste. Cette loi a été fermement soutenue par la minorité kurde qui bénéficie déjà d’une autonomie de facto et voudrait la formaliser, et par Abdel Aziz al-Hakim, président du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII, chiite). Si Abdel Aziz al-Hakim défend aussi fermement le fédéralisme, c’est parce qu’il espère que le CSRII, soutenu par l’Iran, s’imposera dans un gouvernement régional et gérera les ressources pétrolières et les ports. « Le fédéralisme garantira que nos enfants et petits-enfants ne connaîtront plus l’injustice passée », a-t-il dit devant des milliers de ses partisans à Bagdad. La minorité sunnite, qui n’a pas encore admis avoir perdu le pouvoir qu’elle exerçait sous Saddam Hussein, redoute, pour sa part, d’être laissée pour compte dans ses provinces désertiques et sans pétrole, du centre et de l’ouest du pays. Pour les experts, s’engager dans la voie du partage de l’Irak, ou même l’encourager, pourrait mener à un désastre : une guerre civile, davantage de morts civils et un Proche-Orient encore plus instable. Dominique Moisi, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), estime que l’hypothèse d’un partage de l’Irak a « déjà été évoquée dans le passé, mais personne n’en fait la promotion parce que l’on sait ce que cela coûterait ». « On oublie souvent que l’Irak est un pays incroyablement complexe », renchérit Laleh Khalili, chercheur à l’École des études orientales et africaines de Londres. « Kirkouk n’est pas seulement kurde. Elle a une large population arabe sunnite. D’autre part, Bagdad a une importante population chiite », explique-t-elle, signifiant que ces deux régions-clefs – l’une riche en pétrole, l’autre capitale du pays – ne seraient pas faciles à attribuer à l’une ou l’autre province. Si la violence qui ravage l’Irak est essentiellement entre les chiites et les sunnites, elle n’est, en outre, pas toujours confessionnelle. « Le partage ne résoudrait pas le problème du conflit au sein de la communauté chiite », note ainsi Dominique Moisi. Ainsi, face au CSRII, d’autres importantes factions chiites, notamment le mouvement du chef radical Moqtada Sadr et sa milice l’Armée du mehdi, sont moins enthousiastes pour un plan qui marginaliserait les populations urbaines de Bagdad. Il y a déjà de nombreux affrontements entre l’Armée du mehdi et les forces de sécurité gouvernementales qui sont considérées comme infiltrées par le CSRII et son aile militaire entraînée en Iran, l’organisation Badr. L’éclatement de l’Irak susciterait en outre de très sérieuses inquiétudes au Proche et Moyen-Orient. « Je ne pense pas que les Iraniens ou les Turcs aimeraient le partage, d’abord parce que cela signifierait immédiatement que les Kurdes auront leur propre État », ajoute Laleh Khalili. De nombreux Kurdes considèrent en effet que les populations kurdes qui vivent en Iran, en Turquie, en Syrie devraient rejoindre un État kurde. Face à ces perspectives, le président George W. Bush a estimé la semaine dernière que le partage de l’Irak causerait un « désordre plus grand que celui qui sévit actuellement ». Le ministre britannique des Finances Gordon Brown a, pour sa part, affirmé hier que la partition de l’Irak n’était pas à l’ordre du jour. « Je ne pense pas que cela soit ni le projet ni même une possibilité pour le moment », a déclaré à la BBC M. Brown, qui espère succéder d’ici à l’été au Premier ministre Tony Blair. Lundi dernier, la ministre britannique des Affaires étrangères, Margaret Beckett, avait estimé qu’il revenait aux Irakiens de décider de la question de la partition. Dave CLARK (AFP)
Face aux difficultés rencontrées par les États-Unis pour mettre un terme à la violence en Irak, les stratèges sont à la recherche de solutions, mais les experts avertissent que le partage du pays en trois régions conduirait au désastre.
En Irak, des factions rivales – tout en affirmant qu’elles ne cherchent pas l’éclatement de l’Irak – font pression pour avoir une plus grande...