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Actualités - OPINION

Vers la fin des partis politiques ?

Depuis la disparition du rideau de fer, les démocraties connaissent un flou politique causé par la fin annoncée du traditionnel clivage gauche-droite. Les élections dans différents pays européens montrent bien à quel point il devient difficile à un parti politique « normal » (par opposition aux extrêmes gauche et droite) de trouver une ligne politique claire capable de « fidéliser » son électorat. Considérons les partis politiques modernes, créés avec l’avènement des État-nations et la création des Républiques « modernes » à partir du XIXe siècle. Rassemblements d’intellectuels et de « citoyens » autour d’une idée ou idéologie, les partis politiques trouvaient leur raison d’être dans leur conception différente de la gestion d’un pays et de la vie publique en général. Visant parfois à changer radicalement le régime politique, parfois à en modifier le fonctionnement, les partis politiques du début du XXe siècle se créaient souvent autour d’un livre qui devient vite mythique, dont l’auteur n’est pas toujours reconnu comme « chef » du mouvement créé par sa production intellectuelle. Hegel, Marx ne furent pas vraiment des « chefs de parti », par opposition à Hitler et son « Mein Kampf ». La Deuxième Guerre mondiale terminée et la démocratie confirmée en Europe de l’Ouest, le « jeu » des partis politiques prenait toute son ampleur. Dans le reste du monde, les héros de la décolonisation créaient des partis politiques autour de leur personne. Évidemment, les dictateurs des anciennes colonies se réclamaient souvent de l’idéologie socialiste ou autre, mais à bien y chercher, rares sont les « libérateurs nationaux » qui ont pu se libérer eux-mêmes du « charme » du pouvoir absolu. Des exceptions existent (Soekarno et Mahatir Mohammad par exemple), mais elles sont par définition l’œuvre d’hommes exceptionnels, de plus en plus rares dans le monde actuel. La fin de l’exemple soviétique causa un séisme politique international dont les conséquences continuent à modeler les relations internationales. Après la chute du nazisme et du fascisme en 1945, celle du communisme en 1989 annonça la fin des idéologies politiques et, par conséquent, la fin des partis politiques basés sur des idéaux philosophiques et littéraires. Et nous en arrivons, vers la fin du XXe siècle, à un paradigme politique inédit et une absence de clivage claire entre la gauche et la droite, mouvement politique qui se référait au clivage international URSS-USA qui vient de se terminer à l’avantage des Américains. Mais si cette « victoire » annonçait la fin quasi officielle des partis communistes presque partout dans le monde, le mouvement socialiste survit dans plusieurs pays, notamment européens. L’alternance continue à dynamiser le débat public en France, en Espagne et en Allemagne, pour ne citer qu’eux, bien que les nuances ne cessent de diminuer entre partis de droite. Néanmoins, les structures des partis politiques ne changeaient pas ou peu. Les citoyens désirant de se lancer dans la vie publique étaient obligés de se rallier à un des partis en vue. On possède toujours sa carte, on assiste aux réunions des sections ou autres bureaux, on s’éloigne petit à petit des citoyens non-partisans et on arrive à oublier les objectifs initiaux du parti en question. Les partis politiques devenant de plus en plus un moyen d’accéder au pouvoir, ils s’éloignent définitivement de leurs idéaux d’origine. Même si le débat d’idées est souhaité, il n’a plus lieu entre partis, mais entre individus, voire entre individus d’un même parti. Par ailleurs, le retour de la religion dans plusieurs parties du monde, la grande diversité des sujets disséqués sur la place publique, la complexité croissante des relations internationales et l’interférence des sujets économiques avec les données géopolitiques, ethniques et religieuses poussent inéluctablement vers l’impossibilité de rassembler un grand nombre d’individus autour des mêmes idées. D’où une individualisation croissante de la vie politique et la volatilité des opinions publiques. Il conviendrait ici de parler des systèmes américains – ils sont deux, l’un local, au niveau des États, et l’autre fédéral. Au niveau local, tout citoyen doit s’inscrire sur les listes de votants. L’originalité, c’est qu’il peut aussi s’inscrire comme démocrate ou républicain, ce qui lui permet de voter aux élections primaires de chacun des deux partis sans en être membre. Mais le citoyen ne peut participer qu’à une seule primaire. Une fois les résultats des primaires connus, les partisans des deux camps se mobilisent pour leur candidat respectif, tandis que les citoyens non partisans ont le choix de changer d’avis et de voter pour le candidat qu’ils n’ont pas choisi durant les primaires. Autre paramètre jouant contre la conception traditionnelle des partis politiques : leur financement. Entre financement public à la française (avec la série d’affaires de contrats publics qui ont précédé la loi de 1995) et le financement privé donnant plein pouvoir aux puissants lobbies de Washington, les partis n’ont pas encore trouvé le modèle idéal. Dans ce monde branché sur les sondages et l’opinion publique, y-a-t-il encore une place pour les anciennes structures des partis politiques, complètement dépassés par la modernisation accélérée de la vie humaine ? Dans le cas des pays en voie de développement, la majorité d’entre eux connaissent un immobilisme politique dangereux, incapables qu’ils sont de suivre les changements sur la scène internationale à cause de l’absence de démocratie. Quant à la Chine, elle reste un cas à part, tandis que dans notre région, la religion, toujours trop présente sur la scène politique, cohabite tant bien que mal avec les Constitutions héritées de la colonisation. Le Liban, lui, a choisi de rassembler depuis son indépendance ce qui se fait de moins bon comme partis politiques dans le monde. De plus, nous avons eu le don d’ajouter à ces mauvaises copies de partis notre propre forme d’« apartheid politique », visant bien sûr à faire perdurer la mainmise des quelques familles plus ou moins féodales sur le pays. D’un autre côté, il s’est avéré que plusieurs partis politiques visaient justement à créer de nouvelles féodalités. De nombreuses études ont été faites sur les partis libanais de tout bord, la majorité de leurs auteurs arrivant à une des deux conclusions : soit ces partis ne le sont pas, mais sont plutôt des entreprises familiales (Kataëb, PNL, Bloc national, PSP…), soit ils sont des paravents pour des rassemblements communautaires (FL, Amal) soumis à d’autres pouvoirs, notamment religieux (Hezbollah). Quant aux partis considérés comme idéologiques (Baas, PNSS…), ils ont permis à leurs chefs d’amasser des fortunes tout en servant les objectifs politiciens de leurs maîtres. Le Parti communiste libanais de son côté, devenu aussi orphelin comme ses frères européens, n’en finit pas de se diviser. Bref, les partis politiques libanais traditionnels arrivent au stade d’une mort annoncée, ce qui ne peut que créer une occasion de reconstruire le paysage politique sur des bases de citoyenneté, d’égalité et de respect de l’être humain. Omar MOMTAZ
Depuis la disparition du rideau de fer, les démocraties connaissent un flou politique causé par la fin annoncée du traditionnel clivage gauche-droite. Les élections dans différents pays européens montrent bien à quel point il devient difficile à un parti politique « normal » (par opposition aux extrêmes gauche et droite) de trouver une ligne politique claire capable de « fidéliser »...