ÉDUCATION - Les changements arbitraires de listes, un obstacle au manuel usagé Bilan de la campagne de Joyce Gemayel avec l’aide des Kataëb : des livres scolaires pour 2 000 élèves du privé

Au sortir de la guerre de juillet, elle s’est démenée pour permettre à un maximum d’élèves de l’école privée de bénéficier de la campagne de collecte et de distribution gratuite de manuels scolaires qu’elle a créée dans l’urgence, avec l’aide du parti Kataëb. Résultat : par son initiative, Joyce Gemayel, l’épouse de l’ancien chef d’État, Amine Gemayel, a permis à plus de 2 000 élèves, issus de familles défavorisées, de recevoir gratuitement des livres scolaires, des cartables et, pour certains, des trousses. À la veille de la rentrée scolaire, Mme Gemayel dresse un bilan de la campagne de collecte et de distribution gratuite de manuels scolaires. Une initiative qu’elle envisage de développer et d’améliorer dans les années à venir, pour apporter un soutien régulier aux élèves de l’école privée. À l’heure où les parents de ces élèves croulent sous le poids des scolarités et subissent, comme tous les Libanais, les contrecoups de la dernière guerre, le prix trop élevé des manuels scolaires neufs, et plus particulièrement des manuels importés, n’arrange pas les choses. Pas plus d’ailleurs que le changement arbitraire des listes de livres, adopté systématiquement et chaque année par certains établissements privés. Pratique qui empêche une fratrie d’hériter des manuels scolaires de ses aînés et qui a constitué un obstacle au succès total de l’opération menée par Joyce Gemayel. 3 à 4 manuels remis à chaque élève « Cette expérience, qui n’a duré que quelques jours, m’a permis de prendre conscience des problèmes de taille auxquels sont confrontés les parents des élèves de l’école privée », explique Mme Gemayel. « L’achat d’une liste complète de livres neufs coûte déjà une petite fortune, ne serait-ce que pour un seul enfant », dit-elle, prenant l’exemple bien précis d’une mère de famille qui a payé les manuels scolaires de son fils, élève de seconde dans un collège réputé, la coquette somme de 492 dollars. Pour cette mère comme pour tant d’autres, pas moyen de trouver des livres usagés, histoire de réduire les coûts de la rentrée scolaire. « Le pire, poursuit Mme Gemayel, est que de nombreux établissements scolaires changent chaque année leurs listes de livres, privant les benjamins d’une famille des livres de leurs aînés. » Et de donner pour exemple le témoignage d’une mère de 4 enfants, qui, s’étant présentée au siège central des Kataëb à Saïfi pour bénéficier de la distribution gratuite de manuels scolaires, a indiqué qu’aucun de ses enfants n’avait pu récupérer le moindre livre de ses frères aînés. Durant les deux jours qu’a duré l’opération de collecte et de distribution des livres, la permanence du parti Kataëb de Saïfi a été envahie par les livres scolaires, car les gens ont été nombreux à répondre à l’appel. « Malgré cette mobilisation, nous n’avons pu donner que 3 à 4 manuels scolaires à chacun des 2 200 enfants qui se sont présentés », déplore-t-elle. « Nous avons ainsi distribué 30 à 40 % des manuels reçus. Nous avons même dû en acheter d’autres, notamment à l’intention des élèves de première et de terminale. Mais il nous reste une quantité phénoménale de bouquins inutilisables qui ne figurent sur les listes d’aucun établissement scolaire. D’ailleurs, pas une liste ne ressemble à l’autre », dit-elle, tout en déplorant le gaspillage. Cependant, aucun enfant n’est reparti déçu, car en plus des manuels scolaires, 2 000 cartables ont été distribués les deux premiers jours de la campagne. Lorsque les cartables ont été épuisés, les 200 enfants restants ont reçu des trousses complètes. Les mêmes listes de livres pour 3 à 5 ans À l’issue de cette première mobilisation en faveur des élèves de l’école privée, Joyce Gemayel a rassemblé quelques suggestions qu’elle espère mettre en place dans les années à venir. « Je voudrais d’abord parvenir à convaincre les établissements privés de garder les mêmes listes de livres durant 3 à 5 ans et les congrégations d’unifier les livres au sein de leurs écoles à travers le pays », propose-t-elle. Chaque élève recevrait alors ses livres, de la part de son établissement, à la rentrée scolaire. Manuels qu’il rendrait à la fin de l’année scolaire, afin qu’un autre enfant en bénéficie. L’épouse de l’ancien président de la République insiste à ce stade sur la nécessité de sensibiliser les enfants au bon entretien des manuels scolaires, afin de permettre aux autres enfants de bénéficier de livres en bon état. Mme Gemayel insiste aussi sur la nécessité pour les écoles de s’engager à utiliser les mêmes manuels scolaires pour une durée de 3 à 5 ans. « Les écoles qui auront respecté leur engagement pourraient alors bénéficier d’aides à la scolarité, si nous parvenons à trouver des bienfaiteurs soucieux de soutenir l’enseignement privé », suggère-t-elle. Une dernière suggestion de Joyce Gemayel serait d’obtenir l’autorisation des maisons d’édition étrangères d’imprimer les manuels scolaires au Liban. « Le coût de ces manuels serait alors de 30 à 40 % inférieur au prix actuel », précise-t-elle. Pour aider les familles libanaises à maintenir le niveau de culture de leurs enfants, tout en allégeant quelque peu leur fardeau, Joyce Gemayel se déclare prête à remuer ciel et terre, et même à demander l’appui de pays amis. L’idéal serait de trouver une solution qui convienne à la fois aux écoles et aux parents d’élèves. Mais dans l’attente de concrétiser son rêve de trouver une subvention à l’ensemble de l’enseignement privé, elle entend poursuivre et développer chaque année sa campagne de collecte et de distribution des livres scolaires. Anne-Marie EL-HAGE