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Physiologie de l’accord Aoun-Hezb

Si l’on fait un strict sondage pour savoir combien de citoyens ont lu (et surtout décortiqué) l’accord que le général Michel Aoun et sayyed Hassan Nasrallah ont conclu et publié le 6 février 2006 à l’église Saint-Michel de Chiah, on obtiendrait un maigre pourcentage. D’ailleurs, le but recherché n’était pas que les gens le lisent et l’étudient, mais que la masse soit impressionnée par ce coup de théâtre : l’apparition soudaine sur les écrans, au lendemain du « dimanche noir » de l’agression sauvage d’Achrafieh, des deux leaders antagonistes réconciliés dans une pose amicale, échangeant des paroles apaisantes de « compréhension ». Pourtant, avant cette date, beaucoup savaient que le général était fortement opposé au Hezb. Bien plus, les journaux avaient rapporté que le amid Carlos Eddé, en 2004, s’était rendu deux fois à Paris pour lui proposer de se joindre au groupe de l’opposition du Bristol, mais le général avait posé comme condition préalable – et « non négociable », dit-il – que soit ajouté, aux demandes revendiquées, le retrait de l’armement du Hezbollah. Aussi, la stupéfaction n’en a été que plus grande à l’annonce de l’accord du 6 février. Mais revenons au contenu de ce fameux texte. Le lecteur de bonne volonté, qui a eu la persévérance de tenir jusqu’au bout, ne trouvera dignes d’intérêt que les deux dernières lignes des quatre pages de l’accord, à savoir le n°3 de l’article 10 stipulant : « Protéger le Liban contre les dangers israéliens par l’établissement d’un dialogue national... », etc. Pour saisir l’objet de ce texte anodin d’apparence, il faut s’y efforcer de tout son esprit et l’on aboutit à la conclusion que le Hezbollah, en vertu de ce texte vague, est en droit de conserver son armement jusqu’à la dissipation de tous ces « dangers ». Mais alors, diriez-vous, à quoi servent les neuf premiers articles (118 lignes sur les 120) ? Leur but est clair : convaincre le lecteur que les protagonistes ont fait des trouvailles et stipulé des clauses auxquelles personne n’avait jamais songé. Jugez-en (nous citons fidèlement) : « Art. 1 – Le dialogue, “ autour d’une table ronde ”, pratiqué dans la transparence et la clarté, etc. » « Art. 2 – La démocratie consensuelle... » « Art. 3 – Une loi électorale juste et équitable. » « Art. 4 – Un État bien structuré, comportant obligatoirement : – “ justice intègre et indépendante ” – “ corruption combattue et éradiquée ” – “ administration à réformer ” – “ condamnation de l’assassinat politique, (qui est) contraire aux droits de l’homme ” » (sic). Et la liste n’est pas close. Les rédacteurs de cet acte ont supposé que l’esprit simplet et primaire du Libanais n’avait pas conçu tout cela avant le 6 février 2006... Cependant, l’utilité de cet étalage de lieux communs est que le lecteur, lassé de la longueur de ce verbiage, arrive péniblement aux deux dernières lignes et les lit distraitement sans en mesurer les conséquences. Or, justement, c’est de ces deux dernières lignes que le Hezbollah, avec l’acquiescement du général Aoun, va tirer son droit à garder son armement. Comme il n’y va pas de main morte, il est allé jusqu’à en proférer des menaces précises contre « celui qui oserait dépouiller le Hezb de son armement ». L’illustration en a été faite lors de la célébration de la journée d’al-Qods (11/11/05), qui a vu défiler des milliers de combattants. De plus, sayyed Nasrallah et ses porte-parole n’ont pas manqué une occasion pour répéter « qu’ils garderont leurs armes même après la récupération de Chebaa ». Le général Aoun a-t-il bronché après ces déclarations ? Bien plus, lorsque, le 12 juillet, le patron du Hezb a interpellé le peuple en proclamant : « Nous avons décidé d’entreprendre cette guerre, avec ou sans votre consentement », ce qui était remarquable, c’est que l’allié de Nasrallah, le général Aoun, a appris la nouvelle par la TV comme n’importe quel autre téléspectateur. Pas question de concertation préalable avec lui, ni même d’un coup de téléphone. Cependant, malgré le cataclysme qui a frappé le pays en 33 jours, les ténors du CPL n’ont pas perdu la tête. Car les déclarations triomphalistes d’un grand ténor du parti ne se sont pas fait attendre : dans L’Orient-Le Jour du 2/09/06 et sur six colonnes, soit 20 jours après le désastre, nous lisons par exemple : « Nous avons été les seuls à dialoguer avec le Hezbollah... C’est la première fois que quelqu’un s’entend avec le Hezbollah sur les constantes nationales, etc. » Le CPL ne mérite pas de félicitations pour les résultats de ce dialogue. Quant aux constantes nationales, ils ne vont pas nous en faire accroire : elles se trouvent, en effet, depuis 1943, dans le Pacte d’indépendance ; elles ont été reconfirmées à diverses reprises, notamment au Congrès de Lausanne en octobre 1983, lorsque Saëb Salam s’est levé solennellement et les a proclamées. Alors, où est le prétendu mérite du CPL ? Voilà quelques clarifications sur l’accord, disons plutôt l’alliance, entre le CPL et le Hezbollah. Au lecteur d’émettre un jugement de valeur sur cet acte. Albert SARA
Si l’on fait un strict sondage pour savoir combien de citoyens ont lu (et surtout décortiqué) l’accord que le général Michel Aoun et sayyed Hassan Nasrallah ont conclu et publié le 6 février 2006 à l’église Saint-Michel de Chiah, on obtiendrait un maigre pourcentage.
D’ailleurs, le but recherché n’était pas que les gens le lisent et l’étudient, mais que la masse soit...