Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le Liban blessé

C’est tous les soirs, dans mon lit, avant de fermer les yeux, que mes pensées me hantent: pourquoi tout ce gâchis, tous ces massacres, tous ces crimes contre l’humanité? Au nom de quel Dieu, de quelle cause, sous quel prétexte avions-nous été conduits, menés, entraînés, trahis, sacrifiés, vendus? Les butins de guerre méritaient-ils autant de victimes, d’orphelins, de malheurs, de cauchemars, d’hécatombes? Une colère me gagne, une chaleur insupportable monte en moi, me brûle le cœur, l’estomac: comment accepter tous ces malheurs, reprendre une vie normale sans se soulever? Que faire pour alléger cette phase amère de l’après-guerre? Que faire pour oublier le film d’horreur auquel nous avions assisté sans broncher, sans vraiment avoir eu le choix de fuir, de stopper, de zapper, pour refuser la triste réalité? La qualité de vie du Libanais après cette épreuve est nulle, le génocide commis par les Israéliens nous a ôté notre joie de vivre; la misère est partout et nul ne peut l’ignorer. Les responsables de cette guerre ne devraient-ils pas être jugés et châtiés au nom de l’enfance blessée, de l’humanité bafouée? N’est-il pas monstrueux de passer outre, de ne pas faire le bilan pour que les coupables soient dénoncés d’avoir alourdi le fardeau de cette vie pénible et passagère? Qui sera donc en mesure de le faire après trente années de soumission, de corruption, de falsification de la vérité? L’iniquité subie par les classes populaires devrait réveiller les consciences. Le retour des Sudistes à la minute même où l’arrêt des hostilités entrait en vigueur fut remarquable, leur volonté de retrouver leur propre terre spectaculaire. Obligés de dormir sur les décombres de leurs demeures, confrontés à des problèmes humanitaires sans nombre, ils retrouvent aujourd’hui un semblant de normalité dans des villages fantômes, remplis de cadavres et de mines, où toute forme d’hygiène manque. Même la mer leur a tourné le dos, elle s’est terni la face et ne daigne plus offrir à ses enfants leur gagne-pain quotidien. Oui le tiers de la population libanaise est sans abri et quelques billets verts ne suffisent pas pour mettre fin à leurs souffrances, ni les aider à retrouver leur sourire! Un mouvement économique, une gestion intelligente de l’après-guerre sont indispensables pour remonter la pente raide. La destruction massive nous a ramenés des décennies en arrière, à une phase primitive, dramatique, à une lassitude permanente. C’est fou ce que l’homme a toujours eu à supporter... Pourra-t-on rendre un jour sa confiance à notre peuple? Ceux qui nous offrent leur aide précieuse ne sont-ils pas ceux-là mêmes qui observaient un silence approbateur le 12 juillet? Qui aurait imaginé que nous autres Libanais, si fiers de notre identité, nous soyons obligés de quémander des aides? Au moment où notre union nationale est plus que nécessaire pour la remise sur pied du pays, le gouvernement Siniora subit les attaques de l’opposition. De grâce, laissons le gouvernement travailler! C’est la première fois que la communauté internationale se mobilise rapidement pour effacer les traces de guerre d’un pays. À l’heure où l’on bénéficie d’un engagement international pour le redressement, il n’y a pas de place pour les joutes oratoires. C’est en collaborant avec le gouvernement que l’opposition se fera une place parmi nous; les Libanais sont fatigués des divisions, des paroles qui blessent. Le cabinet, pour sa part, doit absolument faire preuve de transparence, essayer de répartir les projets de reconstruction entre le plus grand nombre de bureaux d’études au chômage et d’entreprises de construction. Il faudrait faire travailler le plus grand nombre de Libanais, selon leurs aptitudes, toutes communautés confondues et sans marginaliser personne. Les donations devraient être distribuées équitablement à leurs destinataires. Notre vie devient de plus en plus stressante; le manque de confiance a poussé les jeunes à l’exode, car un Liban divisé ne peut les mériter et personne ne se soucie plus de leur avenir ou du manque d’opportunités. Des ponts détruits, des routes à peine praticables, des embouteillages inextricables, une mer polluée: tout a été planifié pour nous pousser à quitter. Mais notre attachement à notre terre demeure le plus. Nous sommes obstinés, comme les fourmis, toujours capables de trouver une issue pour subsister. Le monde du XXIe siècle est dominé par les grandes nations, et les petites nations n’existent à leurs yeux que pour répondre à leurs appétences de vandales. La mondialisation doit être revue, elle ne répond pas au bon fonctionnement du monde; elle l’asservit plutôt au profit des grands; aucun respect de l’autre, de ses aptitudes, de ses différences, de ses richesses n’est plus observé. La remarquable solidarité des Libanais pendant la guerre devrait continuer. Nous avons pu déjouer des plans machiavéliques, l’histoire le prouvera, et faire face au monde entier. Aujourd’hui, nous avons la mission sacrée de faire en sorte que soit appliquée la résolution 1701, l’ambiance doit être pacifique et la vigilance de rigueur. Les médias devraient s’abstenir de diffuser certaines nouvelles ou déclarations provocatrices et surtout de ne plus les soutirer par des questions osées. En un mot, il faudrait se calmer et laisser au temps le temps de rétablir les choses, au gouvernement la tâche de le faire, pour que ressuscite encore une fois notre Liban. Et, avec lui, la conscience endormie du monde. Andrée SALIBI
C’est tous les soirs, dans mon lit, avant de fermer les yeux, que mes pensées me hantent: pourquoi tout ce gâchis, tous ces massacres, tous ces crimes contre l’humanité? Au nom de quel Dieu, de quelle cause, sous quel prétexte avions-nous été conduits, menés, entraînés, trahis, sacrifiés, vendus? Les butins de guerre méritaient-ils autant de victimes, d’orphelins, de malheurs,...