CORRESPONDANCE - 102 ans, le bel âge pour cette artiste à la carrière peu commune Doris Eaton Travis, la dernière danseuse des Ziegfeld Follies, a toujours la flamme

WASHINTON - Irène MOSALLI «Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune », dit un proverbe russe… C’est ce qu’a fait Doris Eaton Travis qui, à l’âge de 14 ans, en 1920, est devenue la plus jeune danseuse des Ziegfeld Follies. Aujourd’hui, elle vient de fêter ses 102 ans et n’hésite pas à remonter sur les planches, lors de galas caritatifs. Ziegfeld Follies est une troupe composée de très belles danseuses, créée en 1907 par un producteur de « musicals », Lorenz Ziegfeld, sur le modèle des Folies Bergères, et dont les spectacles ont fait les plus beaux jours de Broadway jusqu’en 1931. « Je suis la dernière des Ziegfeld Girls, vient de déclarer Doris Eaton Travis. En un sens, c’est un grand honneur. Mais je n’ai certainement jamais pensé que cela arriverait. » Évoquant sa carrière artistique, elle raconte qu’en 1997, elle avait retrouvé quatre membres des Ziegfeld que l’on avait réunies pour la réouverture du New Amsterdam Theatre à New York où elle s’était produite il y a 80 ans. « Et, précise-t-elle d’un ton malicieux, j’étais la seule qui pouvait encore danser ! » Née le 14 mars 1904 à Norfolk (Virginie) d’un père linotypiste et d’une mère au foyer, elle et ses six autres frères et sœurs avaient développé des talents artistiques. Au point qu’ils ont été remarqués par des producteurs de spectacles. Quatre des enfants, appelés « The Eaton of Broadway », ont fait partie d’un show intitulé Blue Bird. Doris et deux de ses sœurs, Pearl et Mary, ont décroché par la suite des rôles dans cette production. Puis Pearl est arrivée à se faire engager dans les Ziegfeld Follies. Doris en a fait autant, deux ans plus tard, en trichant sur son âge : elle a déclaré avoir 16 ans, alors qu’elle n’en avait que 14. Elle devenait ainsi la plus jeune de la troupe, avant d’acquérir en 1920 le titre de danseuse étoile. Le cinéma muet a aussi fait appel à elle (At the Stage Door, The Broadway Peacock et Tell Your Children »), mais elle a toujours eu une préférence pour le théâtre musical qui le lui a bien rendu. Un BA à 88 ans Cela jusqu’à la Grande Dépression, où il était devenu presque impossible de trouver un travail dans le show-biz. Et, comme elle ne savait que danser, elle réussit à se faire embaucher comme professeur dans un studio de danse de salon à New York. Là, elle rencontre son futur mari, Paul Travis, venu s’initier au tango et au « two-step ». Avec elle un bonheur ne vient jamais seul, elle ouvre une succursale du studio new-yorkais à Michigan, puis un autre et un autre, totalisant 18 studios après la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle crise devait surgir : l’avènement du rock and roll. Doris Travis se voit obligée de fermer ses studios de danse de salon en 1968. Cette même année, son époux Paul achète un ranch dans l’Oklahoma pour y élever des chevaux. Parallèlement, la flamme de la danse ne s’étant nullement éteinte chez ce couple, on le retrouve en train d’animer un club de danse à l’Université d’Oklahoma. Doris en profitera pour faire des études qu’elle avait abandonnées très jeune pour les planches. Elle obtient un BA à l’âge de 88 ans. Son mari s’éteint en 2000, quelques jours avant son centième anniversaire. Ils avaient vécu heureux, ils n’avaient pas eu d’enfants, mais ils ont eu la chance d’éviter le chant du cygne ; leur passion de la danse, ils l’auront vécue jusqu’au bout. Il y a deux ans, Doris Eaton Travis avait été invitée à se produire à Broadway en compagnie de son frère Charlie et elle a aussi publié ses mémoires sous le titre The Days We Danced (Ces jours où l’on dansait).