Les lecteurs ont voix au chapitre

Le mérite de Siniora Ce n’est pas juste de faire porter la responsabilité des conséquences de l’agression israélienne au gouvernement pour pouvoir se disculper. C’est grâce à M. Siniora que le monde a accepté de nous venir en aide, car ils ont vu en lui, comme nous tous d’ailleurs, un homme intègre, un patriote qui agit pour le bien de tous les Libanais et non pas pour une partie seulement d’entre eux, comme font les autres chefs de « tribus ». Quant à M. Michel Aoun, qu’il agisse pour une fois au lieu de critiquer. Tout ce qu’il sait faire, depuis son retour, c’est de critiquer tout le monde sauf ceux qui nous ont mis dans cette situation : la Syrie et ses acolytes. Si le Hezb a de l’argent donné par l’Iran, l’État libanais est, plus que jamais, dans une crise économique grave et doit, sans l’aide financière de l’Iran, relever tout le pays, pas seulement la banlieue sud et le Liban-Sud. Que Dieu protège le Liban et les Libanais qui ne demandent qu’à vivre en paix. Aida A. S. L’impuissance Chaque jour je me réveille avec un sentiment d’impuissance. Chaque soir, et c’est plus grave, je me couche avec ce même sentiment, encore plus intense. Ce sentiment qui te colle à la peau sans que tu saches pourquoi. Et puis tu penses que tu vis dans un pays dirigé par des politiciens qui peuvent s’aimer et se haïr en même temps, qui se lancent des fleurs le matin et des épines le soir. Et puis tu penses que celui à qui tu as donné le pouvoir de te gouverner se prend la tête, te prends pour son esclave et se joue de toi comme d’un pion. Et puis tu penses que tout ce que tu as bâti pendant de longues années de travail assidu a disparu en une seconde de folie, dont tu n’es même pas responsable. Et puis tu penses que la joie que t’amenaient tes enfants s’est transformée en inquiétude pour leur sécurité, leur futur, leur bien-être. Et puis tu penses que malgré toute la beauté de ton pays, tous les avantages qu’il a, toutes les qualités de ses citoyens, le monde a de lui une fausse image, celle d’un pays terroriste. Et puis tu penses à ta maison en pierre qui se transforme en tas de sable par la magie des bombes. Et puis tu penses à tout ce que tu as appris, à tout ce que tu peux faire, à toutes tes capacités et tu restes quand même impuissant et tu deviens un homme de papier. Et puis tu penses, et penses, et repenses à tout ça et à encore plus. Impuissant ? C’est optimiste. Johnny FENIANOS Rêve (suite) Certains rêves sont, nous ne le savons que trop, irréalisables. Du moins pour l’instant. Essayons aujourd’hui les rêves accessibles... La reconstruction va aller bon train. Je sais à distance que des pays vont envoyer plusieurs milliers de maisons préfabriquées. Et c’est très réconfortant. Je sais aussi que beaucoup de personnes au Liban se sont portées volontaires et que toute aide sera précieuse. Je souffre souvent de n’être pas sur place. À distance, tout ce que je peux est rêver. Avec chaque maison reconstruite devraient venir des masses de fleurs faciles à cultiver dans ce merveilleux climat qui est le nôtre, des jasmins, des roses, des géraniums, des tournesols, et tout ce qu’il faut pour les planter : sol, engrais, pots, etc. Rien ne devrait être trop pour rendre aux familles obligées de se reloger dans des maisons qui ne leur paraîtront pas familières un peu de joie de vivre. Quand on déménage de son plein gré dans des maisons choisies par nous, il nous est parfois difficile de nous y habituer, et il nous faut toujours compter le temps qu’il faut pour réajuster son quotidien,aussi simple et modeste soit-il. Il faut à tout prix donner aux familles relogées une raison de vivre leur présent, en essayant d’oublier les souffrances des mois derniers. Les fleurs, les plantes et les couleurs sur fond de maisons blanches seront par le fait même qu’elles puissent exister la première des thérapies. Je suis certaine que les donneurs, dans leur générosité, n’hésiteront pas à rendre leur dons aussi fleuris que possible. Voilà pour un rêve accessible. Je garde les autres en réserve. De ma Californie non natale. Huguette CALAND Au nom de Dieu « Si mourir pour son prince est un illustre sort Quand on meurt pour son dieu, quelle sera la mort ? » Polyeucte, acte IV, scène I Un soldat israélien prie sur son char avant d’envoyer ses obus sur les enfants du Liban pour combattre le soldat-résistant qui a fait de Dieu son chef de parti. Des images de saints sur la crosse de la M16 ou le « Allahou Akbar » sur le RPG. À l’époque de la Grèce antique, les dieux se faisaient la guerre : Jupiter contre Vénus, le roi du soleil contre le roi de l’amour. Des guerres, toujours, par l’intermédiaire des hommes. La première guerre entre les hommes citée dans la Bible a eu lieu à cause de Dieu. En effet, Caïn tue son frère Abel parc que Dieu a accepté l’offrande d’Abel et non celle de Caïn. Pourtant Dieu leur avait bien dit : « Tu ne tueras point. » Depuis, au nom de Dieu, des guerres ont éclaté – chrétiens contre musulmans, sunnites contre chiites, catholiques contre protestants…On baptisait les intrus avant de les assassiner (Rabelais). Au nom de Dieu les pires tueries ont eu lieu. Au nom de Dieu on sacrait les rois divins. Dieu nous a envoyé George Bush, disent certains Américains. Au nom de Dieu on tue les enfants de Cana, on fait le 11 septembre, on coupe les mains des voleurs, on torture les hérétiques. Où est le Dieu des juifs qui châtie les criminels ? Où est le Dieu « clément et miséricordieux » des musulmans qui donne et pardonne ? Où est le Dieu des chrétiens qui s’est fait homme pour montrer la valeur de l’homme ? Où est le Dieu de saint Vincent de Paul, de Mère Teresa, de Gandhi, de Yitzhak Shamir, de Anouar Sadate, de Ghassan Tuéni ? Dans l’émission Apostrophe diffusée de Beyrouth, en réponse à la question de Bernard Pivot : « Si un jour vous rencontrez Dieu, que pensez-vous qu’il vous dira ? » Amine Maalouf répond : « Dieu me dira : je suis innocent des crimes qu’on commet en mon nom. » Dr Charles JAZRA