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Actualités - OPINION

Logique de guerre ou de paix ?

« Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. » Albert Camus Éditorial publié dans « le Monde », 8 août 1945 Au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale terrifiante – une des guerres les plus destructives de l’histoire humaine –, le réveil de la conscience pacifiste en Europe, à commencer par cette pensée politique d’Albert Camus valide pour tout temps et tout lieu, était essentiel pour la mise en place d’une structure robuste qui permette une paix durable en Europe et un train de constructivisme sans limites. Certes, éradiquer le conflit du lexique de la vie humaine est chose impossible car le conflit est une loi de la nature. Il est intrinsèque à cette nature humaine qui est en conflit entre elle et elle-même. Mais transformer le conflit, le remodeler, en faire de sorte qu’il soit au bénéfice de l’homme et des sociétés, une source de changement et de mouvement vers l’avant, ici se trouve le secret même de l’intelligence humaine et de sa sublimité. Éviter que ce conflit ne dégénère en spirale de folies redondantes, en guerre atroce, là est le grand combat – sinon le seul – à mener afin de délivrer l’homme du feu de l’enfer. Cette pensée politique est incontestablement liée à ce que nous vivons aujourd’hui chez nous ; au cœur de cette guerre entre Israël et le Hezbollah qui fait rage depuis près d’un mois et au cours de laquelle plus de 700 civils libanais ont trouvé la mort, condamner la barbarie israélienne est un impératif, mais il reste une des tâches les plus simples et les moins constructives. Car au-delà de toute cette spirale d’attaques et de contre-attaques, au-delà de cette logique de violence aveugle et têtue, l’on se permet de se demander si, au nom de n’importe quelle idéologie ou de n’importe quelle religion, l’homme a le droit de tuer l’homme de cette sorte et de vouloir l’éliminer quitte à être éliminé. Mais au summum de cette rage sanguinaire et aberrante, je veux oser parler de paix ; je veux oser réclamer que cette logique de mort et de violence soit abolie, démantelée, pour que soit enracinée à sa place une autre logique, une autre culture, meilleure pour tout le monde : celle de la paix. Seule la paix est garante de mener l’homme à l’évolution et au progrès de sa condition. La guerre n’a jamais réglé les problèmes de la gérance des sociétés humaines, et elle ne sera jamais la solution car elle porte en elle-même les germes de la destruction ; comment serait-elle donc constructive puisque son essence est destructive ? Et d’ailleurs, le Liban a goûté amèrement à la guerre et à ses conséquences, et il en goûte toujours ! Faut-il aussi rappeler que le Liban est le pays qui a payé un des prix les plus élevés dans le monde arabe du fait de l’implantation de l’État d’Israël ? L’exode des Palestiniens a été une des causes principales de sa guerre civile – une guerre qui a permis l’entrée d’autres acteurs en scène, dont la Syrie qui a imposé son protectorat. Le Liban a donc connu au cours des trois dernières décennies une explosion ainsi qu’une implosion, et aujourd’hui, même son peuple, son économie et sa souveraineté sont encore une fois agressés. Mais jusqu’où et à quel prix ? Avons-nous le droit de nous demander pourquoi l’Égypte et la Jordanie ont déjà signé un traité de paix avec Israël et que le Liban paie toujours le prix du conflit proche-oriental (car, entendons-nous, même l’expression de conflit israélo-arabe n’est plus valide !) ? Avons-nous le droit de nous demander comment les Palestiniens négocient avec les Israéliens sur une même table les fondements d’une solution globale ? Avons-nous le droit de nous demander pourquoi la plupart des pays du Golfe entretiennent des relations économiques avec Israël et qu’au Golan, pas un brin de résistance n’a fait irruption depuis près de 40 ans, alors qu’au Liban, des civils doivent être tués et l’économie ruinée au nom « du combat de la nation » ?! Je rêve au jour où les Palestiniens auront droit à un État indépendant et que leurs compatriotes au Liban auront droit au retour. Je rêve au jour où mon pays connaîtra la vraie stabilité et où tous les pays de la région vivront en paix, dans le respect des souverainetés respectives. Je rêve au jour où des projets économiques d’envergure régionale auront lieu et seront mis au service de l’amélioration des conditions de vie des générations montantes ! Vous direz : rêveur, idéaliste. Je vous dis : facile à réaliser, seulement faut-il une volonté et surtout la culture de paix ! Bachir Nassib EL-KHOURY
« Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. »
Albert Camus
Éditorial publié dans « le Monde », 8 août 1945
Au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale...