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Actualités - OPINION

Soldat, mon peuple est plus grand(1)

La disproportion entre les armes utilisées par la Résistance et par l’armée, la résignation à des formules telles que « ils » ont décidé ou « ils » ont frappé pour dire les événements, la démolition du pays à peine reconstruit. Le rappel des tristes années de la guerre civile qui a poussé le peuple à fuir sur les routes, à faire des provisions, ou simplement à se replonger dans leurs souvenirs difficiles, le fait de savoir que « sur le plan moral », la vie de l’ennemi vaut plus, la prise en otage par des intérêts internationaux supérieurs. Oui, soldat, le peuple a été humilié. Pourtant, pour reprendre les termes du prix Nobel de littérature José Saramago au sujet du peuple palestinien, le peuple a dépassé l’humiliation. En effet, à l’image de son Premier ministre, le peuple a pleuré son impuissance et ses peines, mais il a aussi montré qu’il possède un cœur et une noblesse. Oui, soldat, le peuple est plus grand. Ainsi, tout d’abord, il y a ceux qui refusent de partir ou de cesser d’émettre au cri de « samidoun ». Nous restons fermes. Nous tenons bon. Nous résistons. Parce que, comme l’a si bien indiqué une inscription en français sur un mur de Bethléem, « résister, c’est exister ». Il y a ceux qui s’adaptent à la situation. Et, de fait, il a été possible de voir des libraires vendre des jerricans. Parce qu’il faut rester debout quoi qu’il se passe. Il y a ceux qui écrivent et décrivent ce qui se passe par le biais de blogs ou de sites Internet. Parce que écrire, c’est aussi ne pas parler, c’est se taire, c’est hurler sans bruit(2). Ensuite, il y a ceux qui s’investissent de nouveau dans des associations aidant les déplacés. Parce que lorsque le peuple est pris dans la tourmente, il serre les dents et les poings. Mais surtout parce le peuple se serre les coudes(3). Il y a ceux qui invitent à donner des concerts au profit de leur peuple. Parce qu’il est l’heure de clamer « un monde perverti et dévié de sens, où les politiques se moulent dans le vil et le décadent ». Il y a ceux qui appellent à l’unité nationale et à la remise à plus tard des règlements de comptes internes. Parce qu’ici, comme peut en témoigner l’occupant syrien, l’unité a une force incroyable. Et, enfin, il y a ceux qui continuent à faire la fête, à aller à la piscine, à vivre. Parce que, comme le journaliste Michel Hajji Georgiou, ils ont foi dans ces mots de Georges Brassens qui disent « ô vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres, mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas, mais de grâce, morbleu, laissez vivre les autres, la vie est, à peu près, leur seul luxe ici-bas ». Oui, soldat, le peuple est libanais. Aude-Khalyla COEFFIC (1) Slogan écrit sur le mur d’une rue populaire de Beyrouth par une personne anonyme probablement agacée aux premiers jours de la guerre par l’arrivée d’un gouvernement de militaires au pouvoir (coup d’État de 1978) cité par Samir Kassir dans un article intitulé « Soldat, contre qui ? ». (2) En référence à une formule de Marguerite Duras selon laquelle « Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit ». (3) Issa Goraieb, «Sacrée, pas massacrée», L’Orient-Le Jour du 15 juillet 2006.
La disproportion entre les armes utilisées par la Résistance et par l’armée, la résignation à des formules telles que « ils » ont décidé ou « ils » ont frappé pour dire les événements, la démolition du pays à peine reconstruit. Le rappel des tristes années de la guerre civile qui a poussé le peuple à fuir sur les routes, à faire des provisions, ou simplement à se...