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Actualités - OPINION

Détruire le Liban est un crime

Par Dominique CHEVALLIER* J’appartiens à une génération de Français où les héros ont été ceux qui ont eu le courage de dire «non» à l’occupation de la France par l’armée hitlérienne. Aujourd’hui, dans les pays arabes et islamiques, les héros sont toujours ceux qui savent dire «non» à l’occupation étrangère. Que signifient alors les tentatives de négociations quand un ou plusieurs partenaires n’acceptent que leurs propres conditions? Quelle attitude faut-il adopter pour faire respecter les droits de la personne humaine et les biens qui font vivre les peuples aspirant à l’indépendance ou la protégeant? Là où tombent les hommes, se brisent les amours. *** Les Israéliens, soutenus par les Américains, transforment-ils le Liban en ce qu’est devenu l’Irak? Une terre d’affrontements sanglants, attisés par des interventions extérieures, entre communautés et groupes tribaux. Un cessez-le-feu au Liban, s’il est finalement obtenu, ne sera-t-il qu’une trêve après tant d’autres? Le pilonnage actuel du territoire libanais par l’aviation, l’artillerie, les blindés et la marine d’Israël ne détruit pas seulement le pays. Il risque d’accroître les tensions entre les communautés confessionnelles. Ce moyen a été recherché par les dirigeants sionistes dès avant la fondation de l’État d’Israël en 1948. Aujourd’hui, les musulmans chiites sont-ils les seuls à être visés? Ils peuvent se prévaloir d’être devenus les plus nombreux dans la population libanaise. Le Hezbollah, le parti de Dieu, s’est développé au sein de leur communauté. Il tire sa popularité de dire «non» aux ambitions israéliennes et d’avoir organisé une résistance capable de mettre ce refus à exécution. Son idéologie religieuse soutient son action politique et militaire. Elle la justifie dans un système et une hiérarchie du pouvoir, déjà expérimentés par d’autres mouvements arabes, recourant à l’autoritarisme du chef, à son charisme et à la discipline. Au Liban, sayyed Hassan Nasrallah a eu l’habilité de réussir cette synthèse et de faire confiance à des combattants qui ont été bien entraînés; certains d’entre eux ont servi dans l’armée libanaise. Hassan Nasrallah a désigné Nabih Berry, chef d’Amal et président de la Chambre des députés libanaise, comme l’interlocuteur du Hezbollah auprès des représentants étrangers. Ce personnage officiel, second dignitaire de l’État libanais, donne au Hezbollah une caution légale et patriotique. C’est lui qu’a rencontré Condoleezza Rice, secrétaire d’État de l’Administration américaine. Nabih Berry avait jeté les bases de sa fortune aux États-Unis où il dispose de la «Green Card». Les chiites libanais installés en Amérique du Nord, dans la région de Detroit et ailleurs, et leurs coreligionnaires établis en Afrique noire, ont depuis longtemps subventionné les œuvres caritatives et les mouvements politiques de leur communauté, plus particulièrement dans le sud du Liban. Mosquées, écoles, hôpitaux, immeubles ont été construits grâce à leurs fonds. Le soutien iranien au Hezbollah libanais est d’abord stratégique. Celui de la Syrie relève plus de la tactique. Dans les déclarations de Condoleezza Rice, une formule frappe: nouveau Moyen-Orient. Elle rajeunit celle du président George W. Bush et des néoconservateurs : grand Moyen-Orient. Ces deux thèmes forment un tout qui remet directement en cause les frontières puis l’existence même des États de l’Orient arabe et, plus globalement, de cet ensemble d’États s’étirant de l’Afghanistan au Maroc. La réalisation du nouveau Moyen-Orient israélo-évangéliste, fondée sur des présences étrangères sous différentes formes, provoque déjà des guerres civiles. Elles engloutissent les États créés après la dislocation de l’Empire ottoman et après la fin des empires coloniaux européens. Au nom de revendications dites «nationales», s’en suivent des affrontements communautaires et tribaux sans merci. Les Israéliens veulent maîtriser l’Orient arabe. Les Américains tentent de mettre durablement la main sur un nouveau Moyen-Orient. Leurs deux gouvernements conjuguant leurs efforts. Ils récoltent en retour l’hostilité des opinions des États arabes et musulmans. Ignorent-ils la puissance et l’étendue de la oumma islamiya? Quels sont les pouvoirs à prendre? Quels régimes seront-ils aptes à faire face aux rivalités communautaires et tribales… ou à les étouffer? Les interventions militaires américaines en Irak et israéliens au Liban donnent une mesure des massacres qui se préparent. Les armements nucléaires, biologiques et chimiques seront-ils employés? L’essor exponentiel de l’électronique et de l’informatique ne fait qu’amplifier les dangers. Les réserves pétrolières s’épuisent. Les réserves humaines s’accroissent. Le climat s’affole. *** Des collègues très chers, des esprits libres qui avaient préparé leur thèse sous ma direction en Sorbonne, ont eu leurs maisons pulvérisées à Bint Jbeil. La destruction du Liban jalonne-t-elle les sanglantes inaugurations du XXIe siècle? L’État libanais, dans ses frontières internationalement reconnues, contribue au maintien d’un équilibre arabe, régional, méditerranéen et mondial. Il est un facteur de paix car il est devenu la patrie où plusieurs communautés confessionnelles ont œuvré ensemble pour construire l’avenir. Les drames et les souffrances que le Liban a déjà vécus ont souligné ce rôle, car seuls le sang et les larmes ont coulé à chaque fois qu’on a voulu le dépecer. Je suis solidaire de mes amis libanais. Je suis à leurs côtés de toute ma volonté, de tout mon esprit. Vive le Liban libre! * Professeur émérite à la Sorbonne.
Par Dominique CHEVALLIER*

J’appartiens à une génération de Français où les héros ont été ceux qui ont eu le courage de dire «non» à l’occupation de la France par l’armée hitlérienne. Aujourd’hui, dans les pays arabes et islamiques, les héros sont toujours ceux qui savent dire «non» à l’occupation étrangère. Que signifient alors les tentatives de négociations quand...