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Actualités - CHRONOLOGIE

MARÉE NOIRE - Le retard dans le nettoyage aggrave la catastrophe, avertit un écologiste Des volontaires sondent les plages polluées, entre le fuel et les poissons morts par centaines

Il y a un mois à peine, la plage de Ramlet el-Baïda grouillait de baigneurs et de touristes. Aujourd’hui, tout cela semble être un lointain souvenir, avec le sable recouvert de noir, et l’odeur de fuel se mélangeant aux relents de poissons pourris, dont les cadavres jonchent désormais les plages par centaines. Une belle plage vouée à la désolation, comme le reste de la côte libanaise, depuis que l’aviation israélienne a bombardé les réservoirs de fuel de Jiyeh, et que l’énorme nappe de pétrole s’est étendue jusqu’au Nord, et puis aujourd’hui jusqu’en Syrie. Les opérations de nettoyage n’ont pas encore commencé, vu la situation sécuritaire qui ne fait que se dégrader. Mais des volontaires d’ONG écologiques se trouvaient hier sur le sable pour faire des estimations de l’étendue des dégâts, avant de communiquer leurs résultats au ministère de l’Environnement (qui avait déjà lancé des opérations pareilles sur d’autres sites). Ravina Zinati, de Green Line, et Thomas Kukovec, d’une ONG autrichienne appelée « Resistance for Peace », armés d’un bâton et portant des gants de protection, sondaient le sable en profondeur à l’endroit souillé par le fuel. « Nous creusons pour voir combien est profonde la contamination par le fuel, afin de savoir jusqu’à quel point le nettoyage sera difficile », indique Thomas. Il nous montre des couches bien distinctes dans le sable : celle polluée par le fuel et, plus bas, le sable propre. Mais la vue de ce sable encore immaculé n’est pas nécessairement une bonne nouvelle. « Il y a d’autres couches souillées en dessous, qui ont été fortement absorbées par le sable », explique Ravina. En gros, une profondeur de 30 à 40 cm déjà. « Et c’est pire dans les ports, comme Raouché et Jbeil, où la nappe a 40 cm de profondeur. Elle est si épaisse en cet espace confiné que l’eau ne semble même plus liquide et que les canots sont immobilisés », ajoute Thomas. « Pour nettoyer tout ça, il faudra enlever le sable, le remplacer ou le traiter autant que possible, poursuit Ravina. Mais c’est du sable de mer, ce n’est pas facile. » Les volontaires, qui devront visiter autant que possible tous les autres sites, de Jiyeh jusqu’au Nord, essayent également d’estimer la distance contaminée sur la plage, pour conclure qu’elle va de 7 à 25 mètres, selon les vagues. Waël Hmaïdane, militant à Green Line et coordinateur de la campagne sur la marée noire dans laquelle plusieurs ONG participent, se désole du retard dans le début des travaux, qui ne fait qu’aggraver la catastrophe, l’une des plus importantes qu’ait connue la Méditerranée. « Voilà pourquoi nous demandons un cessez-le-feu immédiat, parce qu’il n’est pas évident de risquer la vie de 500 à mille personnes qui participeront aux opérations, sachant qu’Israël n’a épargné ni ambulances ni convois humanitaires, et pourrait s’attaquer à des volontaires », explique-t-il. Il rappelle que le problème est régional, et qu’avec la vitesse de vent actuelle, le pétrole pourrait atteindre la Turquie et la Grèce cette semaine. « Le délai dans le début des travaux aura des conséquences dramatiques, poursuit M. Hmaïdane. Plus on tarde, plus le fuel sera fixé aux rochers, absorbé par le sable, et, au large. Il aura tendance à s’épaissir puis à couler au fond, affectant entre autres les grottes sous-marines qui sont primordiales pour la vie marine. » Et ce n’est pas tout : selon des calculs préliminaires effectués par les ONG, le coût total de l’opération de nettoyage, de réparation des dégâts et de l’impact économique s’élèvera à plus de 200 millions de dollars. « Or l’impact sur les créatures marines aura déjà été désastreux, dit-il. C’était la pire période pour une telle catastrophe. Sur les plages de sable, les tortues de mer, notamment les tortues vertes, menacées mondialement, ont déjà pondu. En présence du fuel, les bébés tortues n’ont aucune chance. Nos plages rocheuses, d’un autre côté, sont des sites importants pour la reproduction de poissons, d’où le fait que les saisons prochaines seront affectées. Enfin, le thon bleu, une espèce très prisée en Méditerranée, se trouve en cette période de l’année sur nos côtes. Sa population sera gravement touchée. » M. Hmaïdane indique que les ONG collaborent étroitement avec le ministère de l’Environnement, et qu’ils sont tous convaincus que les opérations doivent commencer tant bien que mal, mais qu’il y a une insuffisance au niveau des experts, sachant que des équipements sont arrivés du Koweït. « Quand nous aurons dépassé cette étape difficile, nous devrons discuter de la mise au point d’un plan d’urgence que nous avions déjà réclamé au gouvernement en 2003, suite à une fuite de pétrole, ajoute l’écologiste. Mais les autorités croyaient pouvoir compter en toute circonstance sur l’aide apportée dans le cadre de la convention de Barcelone. Personne n’avait prévu cela. » M. Hmaïdane n’a pas de mots assez durs contre l’agression israélienne. « Quel besoin avaient-ils de bombarder les réserves de Jiyeh, ont-elles quoi que ce soit à voir avec le Hezbollah ? lance-t-il. C’est un crime écologique. En tant qu’associations écologiques, nous devons intenter un procès contre Israël devant une cour mondiale quand ce sera possible. Mais il y a des priorités. » Sachant que, vu la période de l’année et le courant sud-nord, les côtes israéliennes ne seront même pas touchées directement par la marée causée par leur armée. Mais cela ne veut pas dire que les conséquences sur le bassin méditerranéen ne seront pas perceptibles par tous. Suzanne BAAKLINI
Il y a un mois à peine, la plage de Ramlet el-Baïda grouillait de baigneurs et de touristes. Aujourd’hui, tout cela semble être un lointain souvenir, avec le sable recouvert de noir, et l’odeur de fuel se mélangeant aux relents de poissons pourris, dont les cadavres jonchent désormais les plages par centaines. Une belle plage vouée à la désolation, comme le reste de la côte...