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Actualités - OPINION

Nuremberg, tu te souviens ?

Ce n’est pas un film de science-fiction que je regardais l’autre soir. C’était une réalité étrange. Je n’imaginais pas qu’elle puisse exister de cette façon. Il y a eu le journal de France 2. Premier sujet de 8 minutes : la canicule. Un sujet qui se termine sur des images de crèmes glacées offertes aux singes d’un zoo quelconque parce qu’il fait… trop chaud. Et sans transition, on passe au Liban. Je me dis dans ces moments-là que j’ai bien fait d’arrêter le journalisme. J’aurai été capable de foutre ma crème glacée dans la tronche du rédacteur en chef. Le lendemain matin, même rythme : les e-mails, les journaux, la radio, les photos. Les photos en effet. Celles qu’on aimerait ne pas voir. Une petite fille israélienne, jolie comme un cœur et souriante, qui envoie « un cadeau », dit la légende, en inscrivant un message sur un obus israélien. Une autre photo, celle du corps carbonisé d’un enfant libanais par une bombe israélienne. Le message est passé, petite. Il l’a eu ton cadeau et de là où il est, il te remercie de l’avoir aimé. Mais il n’a pas eu le temps de le lire, ton message. Peut-être même ne savait-il pas lire. C’est d’ailleurs pour cela que John Bolton, l’ambassadeur américain à l’ONU, affirme qu’il « n’y a pas d’équivalence morale entre les pertes civiles libanaises et israéliennes ». C’est vrai, il a raison. Les Arabes peuvent mourir, puisqu’ils ne savent pas lire. Et les mères israéliennes peuvent éduquer leurs filles à écrire des messages sur les bombes au nom de « l’équivalence morale ». « Je pense que ce serait une erreur d’établir une équivalence morale entre les victimes d’actes terroristes et les morts de civils qui sont la conséquence d’actions militaires dictées par l’autodéfense », une belle phrase. On lui donnerait presque un prix. Tu te souviens, Rémi, lorsque nous discutions au bord de la piscine, il y a peut-être un an ou deux. Nous parlions du conflit israélo-palestinien et nous évoquions aussi les nazis qui avaient pourchassé ta famille à Mougins. On parlait aussi de l’importance du savoir. « N’oublie pas Nuremberg. » Dénoncer pour ne pas dire « je ne savais pas ». Dénoncer pour éviter l’irréparable. Dénoncer pour obtenir justice. On avait du mal à être d’accord sur la comparaison entre la Shoah et le conflit israélo-palestinien. C’est difficile, je sais, moi qui ait toujours été un peu gaucho proarabe. La défense du plus faible contre le plus fort. La veuve et l’orphelin, j’aurai dû faire comme mère Térésa, sauf que la religion et moi… nous ne sommes pas franchement d’accord. Je sais aujourd’hui que tu n’es pas du côté des massacres, quels qu’ils soient, et que tu n’approuves pas les propos d’un ambassadeur qui mérite une crème glacée au lieu de son siège à l’ONU. Moi non plus, parce que les enfants qui meurent par représailles « d’autodéfense ou d’actes terroristes » sont les mêmes, qu’ils soient israéliens, libanais ou palestiniens. Lorsqu’on est en position de force, je me demande comment une mère avale l’équivalence morale de Bolton et accepte de laisser sa fille écrire un message sur un obus qui va tuer celui qui aurait pu être son ami, un jour, ailleurs. Un autre, j’espère, lui demandera des comptes un jour, ailleurs. Être fort et puissant implique la responsabilité, non ? Sinon, on se rabaisse à une faiblesse la plus ignoble que la terre a porté : la complicité. Une Française à Beyrouth
Ce n’est pas un film de science-fiction que je regardais l’autre soir. C’était une réalité étrange. Je n’imaginais pas qu’elle puisse exister de cette façon. Il y a eu le journal de France 2. Premier sujet de 8 minutes : la canicule. Un sujet qui se termine sur des images de crèmes glacées offertes aux singes d’un zoo quelconque parce qu’il fait… trop chaud. Et sans...