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Actualités - CHRONOLOGIE

Afghanistan Les talibans mènent aussi leur guerre de propagande

Les coups de fil arrivent presque toutes les deux heures, toujours d’un téléphone satellitaire et d’un endroit inconnu, revendiquant de nouvelles opérations des talibans que les journalistes doivent vérifier avec les forces de sécurité en Afghanistan. Parfois, l’information est fausse. Souvent, elle est vraie mais nettement exagérée : depuis plusieurs mois les talibans ont mis en place leur appareil d’« information », à l’instar des forces militaires étrangères en Afghanistan. « Je reçois six à dix coups de fil par jour d’un des deux porte-parole des talibans », explique à l’AFP un journaliste basé à Kandahar, la grande ville du sud afghan, ancien bastion du régime fondamentalisate renversé fin 2001. « Ce sont eux en général qui nous signalent où ont eu lieu les incidents », admet-il en soulignant que les bilans apportés par les talibans apparaissent souvent fantaisistes. Alors que les talibans au pouvoir (1996-2001) avaient interdit la télévision, la vidéo ou les photos, leur appareil de propagande inclut désormais des maisons de production vidéo, dont les produits, de qualité, sont généralement distribués gratuitement. Depuis près d’un an, une douzaine de CD vidéo, portant la marque de trois maisons de production – Omat (Nation), Manbaul-Jihad (Source du Jihad) et Abdullah – ont largement circulé dans la capitale afghane, Kaboul. Produits en arabe, en ourdou (langue officielle au Pakistan) et en pachtoune, ces vidéos font l’éloge du jihad et peuvent montrer d’insupportables images de musulmans tués lors d’opérations militaires occidentales dans le monde ou d’otages égorgés par les « jihadistes ». Les images de nouvelles recrues talibans alternent avec les messages des leaders d’el-Qaëda, Oussama Ben Laden et Ayman Zawahiri, promettant le paradis aux « martyrs ». « Leur public sont les Afghans les plus défavorisés et les moins éduqués qui réagissent avec émotion et ferveur religieuse », souligne la députée et journaliste afghane Shukria Barikzai en ajoutant : « Il serait bon d’équilibrer ces images et de montrer ce que font les talibans, les écoles détruites, les cliniques brûlées et les civils assassinés. » Le gouvernement manque d’une stratégie « pour non pas censurer, mais guider les médias vers la vérité », reconnaît le porte-parole du ministère de la Défense, le général Mohammad Zahir Azimi. « La bataille psychologique pour gagner les esprits est très importante », souligne-t-il alors que les autorités afghanes ont récemment interdit aux médias locaux de publier des interviews de talibans ou des critiques des forces étrangères. « Il y a un vide dans le domaine de l’information que les rebelles sont très contents d’occuper », note à Kaboul l’analyste Joanna Nathan en soulignant, comme de nombreux journalistes, que les talibans ont tendance à tout revendiquer, même des opérations dans lesquelles ils n’ont rien à voir, mais démentent toute responsabilité dès lors que des civils afghans « innocents » sont victimes des violences. Leur campagne de propagande, basée sur la religion et le refus de la présence étrangère, a acquis depuis quelques mois des moyens qui dépassent le taliban de base, pauvre et illettré, remarque un responsable gouvernemental sous le couvert de l’anonymat. « Il y a des gros bras et des organisations derrière tout cela », affirme-t-il. « Collecter les informations et les reproduire ainsi n’est pas à la portée du va-nu-pieds taliban qui vit dans une grotte. C’est fait dans des villes, où ils reçoivent leurs soutiens », ajoute ce responsable. Par Waheedullah MASSOUD

Les coups de fil arrivent presque toutes les deux heures, toujours d’un téléphone satellitaire et d’un endroit inconnu, revendiquant de nouvelles opérations des talibans que les journalistes doivent vérifier avec les forces de sécurité en Afghanistan.
Parfois, l’information est fausse. Souvent, elle est vraie mais nettement exagérée : depuis plusieurs mois les talibans ont mis en...