Rechercher
Rechercher

Actualités

Des enfants qui s’agitent, des cartes de débarquement remplies en plein air et des valises qu’on roule longuement sur le macadam... Le ferry affrété par la France rapatrie un premier groupe de 1 250 Européens

Des bagages, des poussettes et des enfants... Une voix métallique dans un mégaphone, des petits qui courent, qui crient et qui pleurent, des roues de valise qui crissent longuement sur le macadam et le béton... Des cartes de débarquement que l’on remplit en plein air... Bref, hier, l’une des cours de récréation du Lycée français, secteur de la rue de Damas, s’est transformée en un terminal de fortune consacré aux ressortissants français et européens désireux de quitter le Liban, la France ayant affrété un ferry pour procéder aux évacuations. Ainsi, 1 250 personnes, dont 800 Français (parmi lesquels 300 enfants), 400 ressortissants européens et cinquante Américains ont embarqué à bord du premier bateau qui les conduira à Larnaca d’où ils gagneront leur pays par avion. Contactés dans la nuit de dimanche à lundi par le consulat de France, ils ont commencé à affluer dès dix heures au Lycée français, attendant le départ durant de très longues heures. C’est que le ferry, Iera Petra, qui a accosté au port de Beyrouth à 14 heures, n’a quitté le quai numéro 15 que tard en soirée, les Israéliens s’étant engagés à un cessez-le-feu pour le port jusqu’à minuit. Et certaines personnes, qui avaient attendu de longues heures au Lycée français, n’ont pas pu embarquer peu après 21 heures pour des raisons de sécurité. Vers 13 heures hier, une petite foule attendait devant le consulat de France. Un important nombre de Franco-Libanais, en vacances au Liban, sont venus s’inscrire pour avoir ultérieurement une place à bord du bateau qui devrait faire la navette entre Chypre et le Liban trois fois cette semaine. Un peu plus loin, la rue qui mène au Lycée français grouille de voyageurs. Quelques tables et quelques chaises sont placées sur l’asphalte. C’est ici que l’on vérifie les noms des voyageurs ayant la priorité de partir : les enfants non accompagnés, les femmes enceintes, les enfants, les personnes âgées, les malades, les handicapés... Un grand nombre de personnes rapatriées hier, qu’elles soient françaises, européennes, notamment belges, suisses, suédoises, espagnoles, grecques, portugaises, néerlandais, ou américaines, détiennent également la nationalité libanaise et étaient rentrées au pays pour les vacances. Joumana, qui retourne à Paris avec son époux Sani, deux de ses deux enfants et sa mère âgée, passe chaque année une partie de ses vacances au Liban « Mon mari n’a pas mis les pieds ici depuis que nous nous sommes installés en France il y a dix-sept ans », raconte-t-elle. « Pour une fois que j’ai décidé de rentrer au Liban, voilà ce qui arrive ! » s’exclame Sani, originaire de Beyrouth, ajoutant : « Il faut que l’on soit fixé, le Liban n’est pas et ne sera jamais la Suisse... Il y aura toujours quelqu’un qui voudra faire la guerre. J’aurais pu rester à la montagne, mais je ne peux pas vivre en circulant uniquement dans un périmètre de quelques kilomètres. Après dix-sept ans d’absence, j’aurais voulu redécouvrir le Liban. » Plus triste que 1982 « Nous sommes 12 personnes, 7 adultes et 5 enfants, à être rapatriées », indique Odette, septuagénaire, la tête posée sur l’épaule de son époux, Pierre. Autour d’elle, des valises, des poussettes, des enfants en bas âge et des adultes assis – comme des centaines d’autres – à même le sol. Odette et Pierre sont français et vivent au Liban depuis 45 ans. Ce couple recevait, comme chaque année, ses enfants et petits-enfants, établis dans l’Hexagone. « Nous avons déjà été rapatriés lors de l’invasion de 1982. Nous habitions Beyrouth-Ouest. Quand nous étions rentrés, tout était détruit », dit-elle. Évoquant l’évacuation en 1982, elle parle « de ce même départ en catastrophe, ce même arrachement... ». « Mais maintenant, je ne sais pas pourquoi, c’est encore plus triste, plus éprouvant », s’exclame-t-elle. Claudia, la trentaine, prendra le ferry avec trois enfants : son filleul de 8 ans qu’elle reçoit pour les vacances, et ses filles âgées de 3 ans et de 6 mois. Française, elle vit depuis un an à Beyrouth où son époux travaille dans une multinationale. Elle est en colère : « Je ne me suis jamais sentie en danger au Liban. C’est terriblement triste de voir un peuple aussi entreprenant et généreux endurer autant. Les Libanais tiennent depuis des années à reconstruire leur pays. Avec toute cette destruction, il leur sera difficile de se relever », lance-t-elle avant d’éclater en sanglots. Alfonso, lui, est espagnol. Il travaille au Liban depuis un an et demi, et tient presque le même discours que celui de Claudia. Il indique qu’il n’a jamais eu peur au Liban, même pas l’année dernière après la mort de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, mettant l’accent sur l’esprit d’entreprise des Libanais. Les yeux tristes et le visage pâle, ce quadragénaire mise sur l’humour pour dédramatiser la situation : « En fait, ironise-t-il, je pars en vacances. Et j’ai décidé de prendre le bateau parce que c’est moins cher et c’est mieux de partir en groupe. Je serai de retour dans une semaine. » Le temps passe, le transport jusqu’au port de Beyrouth est un processus beaucoup trop long. Les enfants s’impatientent. Au fil des heures, ils se sont sali les pieds, les mains, les vêtements. Certains d’entrent eux jouent, grimpent sur les valises ou serrent leurs nounours pour dormir à même le sol... Les adultes sont las d’attendre, s’énervent, et tout le monde est fatigué. Lucienne, libano-française, s’est portée volontaire pour aider ses compatriotes – qui détiennent comme elle la double nationalité – et qui partent. Elle est à l’écoute des femmes enceintes et des enfants non accompagnés qui prendront le ferry. Son tour viendra-t-il bientôt ? « Quoi qu’il arrive, je ne quitterai jamais le Liban. Ma vie est ici. Et puis, si tout le monde part, pour qui laisserons-nous le pays ? » Elle n’est pas la seule, parmi les Libano-Français qui vivent au Liban, à être de cet avis. Patricia KHODER
Des bagages, des poussettes et des enfants... Une voix métallique dans un mégaphone, des petits qui courent, qui crient et qui pleurent, des roues de valise qui crissent longuement sur le macadam et le béton... Des cartes de débarquement que l’on remplit en plein air... Bref, hier, l’une des cours de récréation du Lycée français, secteur de la rue de Damas, s’est transformée en un...