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Actualités - OPINION

À ceux qui ont la mémoire courte

Je sais. Face à la folie meurtrière, il s’agit d’une bien pauvre consolation. Mais cela met un peu de baume au cœur de s’en rappeler : aucun pays, aucune partie qui a voulu s’attaquer au Liban n’est sorti indemne de son équipée. Sans vouloir remonter trop loin dans l’histoire, que l’on songe aux retombées sur la Syrie (alors nouvellement engagée dans son mariage contre nature avec l’Égypte nassérienne) des événements de mai-août 1958, aux innombrables agressions israéliennes de fin décembre 1968 et juin 1982, de 1993 et 1996, à une mainmise de la Syrie (encore elle) qui aura duré quinze longues années. Qu’ont-ils recueilli, tous ceux-là, pour avoir cédé au fallacieux attrait du miroir aux alouettes et cru que l’apparente faiblesse de leur victime autorisait les entreprises les plus hardies puisque, apparemment, les plus faciles ? Et c’est bien vrai qu’au départ, l’agression s’annonçait immanquablement comme une promenade de santé – un sentiment encouragé sans doute par la beauté de la nature ambiante et la douceur du climat, une trompeuse bonhomie de la population, l’impression tout aussi fausse que celle-ci avait tendance à accepter ce que le conquérant cherchait à présenter comme un fait inéluctable. À chaque fois, l’envahisseur se présentait en libérateur avant que d’être chassé, alors que la veille encore, il semblait assuré d’être là pour la vie. Après les poignées de riz, les lazzis. Les Romains avaient raison de penser que la roche Tarpéienne est près du Capitole... Tout est affaire du temps que l’on met à franchir la distance entre les deux points. Le secret de cette étrange résistance ? Une constitution de roseau, aussi curieux que cela paraisse, s’agissant d’une nation qui a le Cèdre pour emblème. Toujours est-il qu’elle porte, cette constitution, à plier pour ne pas rompre. À suivre le mouvement et non pas à s’y opposer. Puis le moment venu, hop ! transformer la pichenette en mouvement violent, devenu irrésistible en raison même de l’élan que lui avait imprimé l’assaillant. C’est ce que l’on appelle la tactique du judoka. Et puis cette fantastique faculté de récupération, cet acharnement à reconstruire tout de suite, à refaire l’union sacrée. À oublier surtout. Oui, à oublier, quand tant d’autres passent des générations entières à ruminer leur rancœur, l’esprit paralysé parce que tourné vers le passé. Un pays jeune de ses 6 000 ans, c’est cela aussi – surtout. Autre constatation : il faudra bien que les psychiatres – que dis-je, que les facultés du monde entier se décident un jour à analyser les raisons de cette haine qui habite nos indésirables visiteurs et les pousse à détruire les infrastructures, piller les biens, torturer, enlever et massacrer des Libanais dont le seul tort est d’avoir réussi là où eux tous n’ont cessé de lamentablement échouer. Ce pays, il faut le croire, est un terrible révélateur de la vraie nature humaine. À moins que la guerre n’y soit pour beaucoup. Retour à la piètre consolation de tout à l’heure. J’ignore pourquoi me revient à l’esprit cette petite phrase de Valéry que se plaisait à répéter notre maître Georges Naccache : « Regardez comment se roule une cigarette ; c’est en la défaisant qu’elle se fait. » Ah ! Paul Valéry, auteur du « Cimetière marin ». Et ce Liban, cimetière de maintes illusions. C. M.
Je sais. Face à la folie meurtrière, il s’agit d’une bien pauvre consolation. Mais cela met un peu de baume au cœur de s’en rappeler : aucun pays, aucune partie qui a voulu s’attaquer au Liban n’est sorti indemne de son équipée. Sans vouloir remonter trop loin dans l’histoire, que l’on songe aux retombées sur la Syrie (alors nouvellement engagée dans son mariage contre nature...