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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Les tensions communautaires aggravent l’insécurité dans l’Ouest ivoirien

Le village est désert : ni poule ni chèvre, les feux sont éteints et les cases cadenassées de l’extérieur. Petite localité de l’ouest de la Côte d’Ivoire, Boho 2 est un village fantôme. Un peu plus loin, le bourg de Diérouzon s’est également vidé de toute sa population depuis qu’il a été la cible de plusieurs attaques sanglantes menées par des hommes armés non identifiés. Ces deux localités sont les dernières victimes de la violence qui règne dans l’ouest de ce pays coupé en deux depuis la tentative de coup d’État raté contre le président Laurent Gbagbo en septembre 2002. Elles sont pourtant situées dans la zone de confiance (ZDC), gardée par les « forces impartiales », Casques bleus de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et soldats français de l’opération Licorne. Alors que la guerre s’est arrêtée dans le reste du pays, les attaques visant les civils se sont multipliées depuis le début de l’année dans l’Ouest ivoirien, en particulier dans la ZDC. La dernière attaque sur Boho 2, le 28 juin, a fait neuf morts, dont un bébé, et 12 blessés. Un bilan qui aurait pu être bien plus lourd selon des habitants, si les soldats de Licorne, dont un détachement se trouvait non loin, n’étaient pas intervenus rapidement. « Très tôt le matin, j’ai entendu des coups de feu. Je suis sortie de la maison, et j’ai fui en brousse », explique une vieille femme accompagnée de sa petite fille, venue discrètement récupérer quelques affaires dans sa maison de pisé. « Je ne sais pas qui a attaqué, j’avais peur », ajoute la paysanne, précisant qu’il ne faisait pas tout à fait jour au moment de l’attaque. Selon un soldat français, de garde ce matin-là, « des coups de feu ont retenti, nos éléments sont partis tout de suite sur le terrain pour voir ce qui se passait. Ils ont fait des tirs de sommation, mais n’ont pu rattraper les agresseurs qui les ont arrosés ». Selon des témoignages concordants, les blessés, victimes de tirs de fusils de chasse calibre 12 et de coups de machettes, ont été immédiatement pris en charge par les infirmiers de Licorne et évacués vers des structures sanitaires. « Chaque jour, nous avons des informations sur des attaques et nous devons tout vérifier avec l’Onuci. Ce n’est pas toujours vrai, mais on ne peut pas faire l’économie des vérifications », explique un officier français, sous le couvert de l’anonymat. À Boho 2, les victimes étaient de l’ethnie locale Guéré, mais, dans d’autres villages, ce sont des agriculteurs d’origine burkinabè ou des Baoulés, venus du centre de la Côte d’Ivoire, qui ont été tués. « Le problème aujourd’hui c’est que l’on ne cherche plus à savoir ce qui s’est passé, on regarde seulement qui est la victime », explique un employé humanitaire de l’ONU dans la région. « Il existe à l’ouest du pays un problème lié à la propriété foncière, qui recoupe des oppositions ethniques. À cela s’ajoute, particulièrement dans la zone de confiance, le manque d’autorité et le fait que les forces impartiales n’ont pas de pouvoir de police », ajoute-t-il. Les conflits sont récurrents dans cette région aux terres productrices de cacao, mais ils se sont exacerbés à partir des années 1990 avec la crise économique et, depuis fin 2002, le conflit politico-militaire. Faute d’emploi dans les villes, de nombreux jeunes originaires de cette région sont rentrés au village. Mais ce retour à la terre est difficile, car leurs parents Guérés, autrefois majoritaires dans la région, ont cédé contre affermage ou vendu de nombreuses terres agricoles, mises en valeur par des populations venues d’autres régions du pays ou de l’étranger qui se voient aujourd’hui contester leurs droits sur ces parcelles. Emmanuel GOUJON (AFP)
Le village est désert : ni poule ni chèvre, les feux sont éteints et les cases cadenassées de l’extérieur. Petite localité de l’ouest de la Côte d’Ivoire, Boho 2 est un village fantôme. Un peu plus loin, le bourg de Diérouzon s’est également vidé de toute sa population depuis qu’il a été la cible de plusieurs attaques sanglantes menées par des hommes armés non...