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Actualités - OPINION

Le Liban et la francophonie Un schéma anachronique

L’Algérie ne participera pas au prochain sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Après un léger rapprochement durant les sommets de Beyrouth (2002) et de Ouagadougou (2004), l’Algérie reprend donc ses griefs contre une organisation qu’elle considère comme étant à caractère postcolonial. Du point de vue structurel de l’organisation, il y a de moins en moins d’éléments pour appuyer la position algérienne. Tous les pays membres de l’OIF bénéficient du même statut. Le secrétaire général n’est pas français. La France n’a plus été l’hôte d’un sommet de la francophonie depuis 1991. Pourtant, la position algérienne se fonde d’abord sur des raisons historiques et sur des rapports diplomatiques, anachroniques en théorie, mais que l’OIF tend à préserver. Il serait déraisonnable de croire que l’OIF a été créée dans un but de partage culturel pur et égalitaire. Elle est née en 1970 principalement d’un souci de la France de revivifier sa force diplomatique internationale, affaiblie par la décolonisation. Il est vrai que cet organisme n’a pas dérogé à sa mission culturelle, en renforçant considérablement les échanges artistiques et académiques. Pourtant, tous ceux qui ont participé à l’organisation du sommet de Beyrouth, en 2002, savent que les tractations politiques – où l’importance de la langue française est secondaire, sinon inexistante – constituent le plus grand enjeu de l’OIF. Derrière l’aspect cérémonial, le sommet se joue avant tout dans les salons des hôtels luxueux, où des délégations négocient divers contrats de collaboration économique ou d’achats militaires par exemple. La France, en tant qu’initiateur et contributeur financier supramajoritaire à l’organisation, y occupe de ce fait une position politique dominante. Il n’est donc pas injustifié de voir dans cette organisation un outil politique que la France emploie pour conserver son autorité diplomatique, y distribuer ses faveurs et ses blâmes. Dans l’optique des pays faibles, souvent d’anciennes colonies, l’OIF est une occasion formidable de gagner la protection politique et l’aide de la France, derrière une façade d’échanges culturels. C’est le schéma postcolonial que dénonce l’Algérie. Beaucoup réfutent cette position; ceux-là auront tort de ne pas se poser des questions, après le geste diplomatique de la Roumanie, qui a décidé de ne pas inviter le président de la République libanaise au prochain sommet de l’OIF. Passons sur la question de la légitimité d’Émile Lahoud ou de la résolution 1559. Si l’OIF est réellement une organisation égalitaire, pourquoi la Roumanie, pays hôte du prochain sommet, rechercherait-elle l’aval de la France à sa décision d’inviter ou non le président d’un autre pays membre? Pourquoi ne pas solliciter l’avis du Togo, ou du Vietnam par exemple, qui bénéficient du même statut que la France au sein de l’OIF? D’ailleurs, pourquoi la France jugerait-elle normal de donner son avis publiquement sur ce sujet? L’approche de la Roumanie ne fait donc que confirmer la suprématie morale de la France au sein d’une organisation, dont le discours officiel réfute pourtant ce genre de dynamique. D’un point de vue culturel, certains seront tentés d’évoquer une autorité inaliénable de la France sur la francophonie de par l’origine du français. Mais ce genre d’argument, en supposant qu’une langue puisse être la propriété intellectuelle d’une nation, alimente encore plus gravement les schémas postcoloniaux, où même les artistes devraient se soumettre à une allégeance à base identitaire. D’ailleurs, ceux qui étudient les langues considèrent en général ces avis du domaine de la bigoterie. Pourtant, la presse libanaise n’a pas abordé la question sous l’angle de la pertinence du geste diplomatique franco-roumain. Il est parfaitement possible de s’opposer au président Lahoud et, en même temps, ne pas donner une place démesurée au thème des relations diplomatiques reflétant encore un passé de subordination. Comprendre où cette dynamique opère est d’ailleurs un exercice crucial pour ceux qui recherchent leur indépendance. Obtenir le départ d’armées occupantes et de présidents ne mène qu’à une indépendance partielle, que seule une émancipation intellectuelle peut compléter. Walid EL-ASMAR Houston, Texas
L’Algérie ne participera pas au prochain sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Après un léger rapprochement durant les sommets de Beyrouth (2002) et de Ouagadougou (2004), l’Algérie reprend donc ses griefs contre une organisation qu’elle considère comme étant à caractère postcolonial. Du point de vue structurel de l’organisation, il y a de...