SOCIÉTÉ - Double pénétration, top 10 des gadgets sexuels, rien n’effraie la petite dame aux cheveux blancs Sue Johanson, ou les conseils classés X du nouveau gourou américain du sexe

Sur un plateau de télévision aux couleurs criardes, une petite dame aux cheveux blancs écoute une auditrice d’un air faussement désapprobateur, avant de se lancer dans de très concrètes explications au moyen d’un pénis en plastique. Avec Sue Johanson, les Américains ont, après le Dr Ruth dans les années 80, de nouveau trouvé un gourou du sexe en la personne d’une grand-mère respectable aux conseils classés X. Chaque dimanche à 23h00, cette infirmière retraitée tente de compléter et pimenter l’éducation du pays dans son émission Parlons sexe avec Sue, grand succès d’audience de la chaîne câblée Oxygen. Pendant une heure, il y est question de double pénétration, de rougeurs mal situées, de top 10 des gadgets sexuels. Grimaçant de douleur, exprimant l’horreur ou la malice à l’écoute des questions, Sue reste toujours ouverte dans ses réponses, chantre de l’expérimentation dans le respect mutuel. Un seul sujet est tabou, dit-elle : son âge (sans doute très au-delà des 70 ans). « Elle fait un travail formidable, dit Joy O’Donnell, du Centre national de ressources sur la sexualité de l’Université de San Francisco. Ce type d’émission contribue à contrer la honte, la peur et le silence qui entourent le sexe aux États-Unis. Il en faudrait d’autres. Ce pays n’a pas l’éducation sexuelle qu’il mérite. C’est une question politique, mais quand des écoles décident de promouvoir l’abstinence, elles ne font que promouvoir l’ignorance. » Pour elle, le fait qu’il s’agisse d’une femme âgée génère le respect : « À cause de cette chape sur la sexualité, il est suspect de parler sexe. Or Sue ou le Dr Ruth sont maternelles, rassurantes. » Dans son étroit bureau new-yorkais aux murs couverts de photos la montrant aux côtés de Bill Clinton, Gérard Depardieu ou Eddie Murphy, Ruth Westheimer, la fameuse « Dr Ruth », a sa propre explication à son succès. « J’ai l’air un peu vieille école, et je parle explicitement de sexe ! » dit l’énergique sexologue au célèbre accent allemand. « Il faut des gens comme moi, qui respectent la religion, les valeurs morales, et en même temps disent “si vous avez un problème, agissez”. Je suis une grand-mère qui parle de contraception, de MST ou du besoin des hommes d’être stimulés. » Après 450 émissions aux États-Unis – et d’autres en France (Sexy Folies), en Suisse, en Israël –, ce minuscule bout de femme polyglotte diplômée de psychologie et sociologie a eu envie de passer à autre chose : donner des cours sur la famille à Princeton, faire des documentaires sur les juifs éthiopiens ou les druzes d’Israël. Mais elle continue aussi à parler sexe, de conférences en apparitions télévisées en consultations (elle reçoit encore des patients). À 78 ans, elle est l’auteur du best-seller Le sexe pour les nuls. D’après elle aussi, l’éducation sexuelle fait défaut, « faute d’argent, et question d’attitude victorienne puritaine ». « Il y a moins de femmes qui n’ont pas d’orgasme, moins d’éjaculateurs précoces, de grossesses-surprises, parce qu’on en parle. Mais tant de questions restent. » À ses moments de liberté, Dr Ruth est une grand-mère gâteau pour ses quatre petits-enfants. Mais elle sort rarement sans être abordée, pour des consultations impromptues sur coin de trottoir. Installée au Canada, Sue Johanson est moins accessible. La frêle dame au visage pointu confie sur son site adorer son jardin et ses petits-enfants. Elle est en ce moment en repos estival dans son cottage de l’Ontario. À l’origine de sa vocation, la découverte de l’absence d’éducation sexuelle à l’école de ses enfants. Sue décide alors de créer un centre de planning familial. En 1984, elle entame une carrière à la radio canadienne. Aujourd’hui chacune de ses émissions reçoit en moyenne 80 000 appels, dont seuls une dizaine sont retenus, selon Oxygen. Le show, déjà diffusé au Brésil et en Pologne, doit l’être bientôt dans d’autres pays d’Europe.