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Actualités - OPINION

PERSPECTIVES - Lignes rouges de toute opposition : les acquis de la révolution du Cèdre L’esprit critique, un impératif avec lequel les Libanais (et surtout la classe politique) doivent aujourd’hui renouer

Durant la décennie 70 et jusqu’au début des années 80, les services de renseignements français (alors désignés sous le sigle SDECE) étaient dirigés par Alexandre de Marenches, sous les mandats des présidents Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. L’une des premières consignes que le président Pompidou donna à de Marenches au lendemain de sa désignation à la tête du service, vers la fin de l’année 70, était que les bonnes nouvelles ne l’intéressaient pas outre mesure et qu’il appréciait surtout les mauvaises nouvelles… En clair, il lui demandait de lui dire la vérité en face, sans détour ni complaisance. Alexandre de Marenches soulignera lui-même, plus tard, qu’il faut savoir « contredire le pouvoir politique » et ne pas hésiter à signifier à son supérieur hiérarchique, lorsque le cas se présente, qu’on n’est pas de son avis et qu’il se trompe. Cette réflexion de l’ancien patron des services français pose, d’une manière générale, le problème du droit à la critique dans les relations avec les responsables politiques. L’esprit critique et le droit, pour le citoyen, de réclamer des comptes, sont – il s’agit là d’une lapalissade – au centre de tout système démocratique. Sans ces deux paramètres, on retombe inéluctablement dans le totalitarisme qui caractérise les pays de la région. De telles évidences, s’il est bon de les rappeler parfois, c’est parce que, au Liban, on a tendance à les oublier, ou tout au moins à les occulter. Les responsables politiques libanais, qu’ils soient ou non au pouvoir, qu’ils soient loyalistes ou – pire encore – dans l’opposition, font de la surenchère ou se plaisent à donner des leçons en matière de démocratie, mais dès l’instant où ils sont eux-mêmes la cible de critiques, ils crient au complot et qualifient leurs détracteurs de tous les maux. Dénoncer la corruption, la dilapidation de fonds publics et l’état de déliquescence avancée de l’administration publique, ou mettre en garde contre une dérive sectaire à laquelle une fraction au pouvoir pourrait se livrer, ne signifie nullement que l’on s’associe à la campagne haineuse et revancharde menée sans relâche par le régime « baassiste » syrien contre la coalition souverainiste du 14 Mars. Et de la même façon, s’interroger sur les possibles incohérences et égarements politiques d’un leader, quel qu’il soit, ne saurait constituer un crime de lèse-majesté. Au terme de trente ans de guerres, d’occupations, de tutelle, d’aliénation et de falsification de la volonté populaire, les Libanais – ou du moins une partie d’entre eux – semblent avoir quelque peu oublié les vertus de la critique constructive ainsi que les règles les plus élémentaires des pratiques démocratiques. Ils se doivent aujourd’hui de renouer avec de tels principes s’ils désirent remonter la pente et édifier un État qui soit véritablement garant du pluralisme et des libertés publiques. Il reste que dans tout pays démocratique, l’exercice des libertés a pour limite la préservation des valeurs républicaines ou des bases mêmes du consensus national qui régit la vie politique et l’organisation de la société civile. En clair, il ne saurait être question dans ces pays d’un retour en arrière, au niveau des fondements du contrat social, en faisant preuve d’angélisme excessif dans le respect de la liberté d’action ou d’expression. Tous les États démocratiques s’imposent ces lignes rouges, de tels garde-fous, lesquels ne sont acceptables et légitimes – si l’on désire ne pas verser dans le totalitarisme – que s’ils sont agréés et soutenus par l’ensemble des composantes et des fractions sociopolitiques de la société en question. Dans le cas spécifique du Liban, et dans les circonstances particulières présentes, ces lignes rouges sont sans conteste la sauvegarde de la souveraineté et de l’indépendance politique du pays. Ce qui implique que toute opposition ou critique serait contre-productive et, à la limite, irrecevable si elle devait avoir comme aboutissement d’opérer un retour en arrière, de remettre en question les effets de la révolution du Cèdre. En d’autres termes, de permettre aux vassaux du régime syrien de regagner le terrain perdu l’an dernier et de s’infiltrer à nouveau dans les coulisses du pouvoir. Les acquis de l’intifada de l’indépendance – rendus possibles, soit dit en passant, grâce aux efforts conjugués et louables des présidents Jacques Chirac et George Bush (certains ont tendance à l’oublier) – constituent désormais un précieux capital de départ en vue de l’édification du Liban de demain. Risquer d’ébranler ces acquis pour des considérations purement politiciennes représente une entreprise, le moins qu’on puisse dire, douteuse. L’esprit critique est, certes, l’un des principaux impératifs d’une vie démocratique saine. Mais le tout est de savoir concilier un tel impératif avec la nécessaire sauvegarde des fondements du nouveau contrat social libanais. Michel TOUMA
Durant la décennie 70 et jusqu’au début des années 80, les services de renseignements français (alors désignés sous le sigle SDECE) étaient dirigés par Alexandre de Marenches, sous les mandats des présidents Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. L’une des premières consignes que le président Pompidou donna à de Marenches au lendemain de sa désignation à la tête du...