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Actualités - RENCONTRE

Rencontre - Conférence organisée par l’Institut Cervantès à l’amphithéâtre Pierre Abou Khater de l’USJ Pour Mario Vargas Llosa, « l’écrivain n’a jamais le dernier mot... »

Invité à Beyrouth à l’initiative de l’Institut Cervantès, l’écrivain hispano-péruvien Mario Vargas Llosa a donné une conférence à l’amphithéâtre Pierre Abou Khater de l’USJ. Devant un auditoire de fervents lecteurs et d’hispanophones, au premier rang duquel on reconnaissait les ambassadeurs d’Espagne, d’Argentine et la consule du Pérou, il a disserté, avec verve et faconde, de sa vocation d’écrivain. Il est l’une des figures de proue de la littérature sud-américaine. Écrivain prolifique, son œuvre compte plus d’une trentaine de romans et d’essais qui survolent le destin de l’Amérique latine aux rêves écrasés par la dictature et la corruption. La Maison verte, Conversation dans la Cathédrale, Tante Julia et le Scribouillard, Éloge de la marâtre et La guerre de la fin du monde, pour ne citer que quelques-uns de ses titres qui sont les plus largement traduits à travers le monde. Cette plume luxuriante et « Nobelisable » est déjà titulaire de plusieurs distinctions dont : la Légion d’honneur du gouvernement français en 1985, le prix Prince des Asturies pour les Lettres en 1986 et le prix Cervantes en 1994. « Depuis 1996, Mario Vargas Llosa siège à l’Académie royale de la langue espagnole. Il est également docteur honoris causa de plusieurs universités, notamment les Universités de Genève, de Georgetown, de Harvard, de Yale, d’Oxford, et de La Sorbonne, pour n’en citer que quelques-unes », a indiqué le directeur de l’Institut Cervantès, José Manuel Dalgado, dans son mot d’introduction. Réécrire la fin « Je voudrais tout d’abord remercier l’Institut Cervantès qui, par son invitation, m’a permis de concrétiser un vieux rêve : celui de connaître le Liban », a commencé par déclarer l’auteur, avant d’aborder le récit de la découverte de sa vocation d’écrivain. Une disposition naturelle qui s’est manifestée dès la prime jeunesse de Mario Vargas Llosa, grâce aux romans-feuilletons que publiaient deux revues auxquelles il était abonné. « La lecture de ces récits par épisodes était pour moi comme un miracle quotidien. Elle me permettait de voyager et de vivre en imagination toutes sortes d’aventures. Quand la conclusion de l’une de ces histoires n’était pas à mon goût, je la réécrivais à ma façon », dit-il. « L’écriture est le talent que la vie m’a offert. Et la lecture est ce qui a le plus marqué mon existence », affirme Mario Vargas Llosa. Qui se souvient encore aujourd’hui des héros des contes qu’il lisait durant son enfance en Bolivie, alors qu’il a, dit-il, oublié ses camarades de cette époque. Malgré sa passion des livres, Mario Vargas Llosa n’imaginait pas qu’il deviendrait un jour écrivain. « Je me destinais plutôt à l’enseignement. En ce temps-là, il n’était pas envisageable d’embrasser l’écriture romanesque de manière professionnelle. Tout au plus pouvait-on la pratiquer comme un loisir, un hobby. » Sauf que dans le milieu bourgeois duquel il est issu, les jeunes garçons sont plutôt envoyés dans une académie militaire. C’est paradoxalement, cette formation à laquelle son père le soumet, contre son gré, à l’âge de 14 ans, qui le lancera en littérature. De cette sinistre expérience qui durera deux ans, Mario Vargas Llosa va tirer la trame de son tout premier roman La ville et les chiens. « C’est mon père qui a ainsi, sans le vouloir, réveillé en moi la vocation de l’écriture », soutient-il. Faulkner, Sartre et les autres... Ce seront les auteurs dit de la « génération perdue » qui l’influenceront, lorsque, étudiant en littérature à la fin des années cinquante, Mario Vargas Llosa découvre Steinbeck et William Faulkner. « Ce dernier a eu beaucoup d’influence sur moi. Je lisais ses romans en les décortiquant, en les annotant et en les analysant. C’est grâce à lui que j’ai appris l’importance de la forme, de la façon de narrer, dans la littérature. » Jean-Paul Sartre aura également une grande influence sur sa façon d’envisager le rôle de l’écrivain. « J’ai découvert grâce à son essai Qu’est-ce que la littérature que l’écriture n’était pas une activité gratuite. Et qu’elle pouvait engager l’auteur dans des combats sociaux et politiques. » Sartre qu’il vénère avant de se révolter contre l’auteur de la Nausée, qui lui aurait dit, quelques années plus tard, lors d’une entrevue à Paris, dans le cadre d’une interview accordée au Monde, qu’« en face d’un enfant qui meurt, La Nausée ne fais pas le poids ». Paris, où il s’était installé quelque temps, pratiquant le journalisme, au début des années soixante-dix, était pour le jeune auteur péruvien « un passage obligé ». « Je pensais qu’il fallait que j’aille à Paris pour être consacré écrivain. J’y ai appris beaucoup de choses. Notamment sur la littérature sud-américaine. J’y ai rencontré José Luis Borges par exemple, dont les livres traduits en français avaient été encensés par la critique. Et c’est quand la France l’a considéré comme un grand écrivain que l’Amérique latine l’a reconnu comme tel. » Décortiquant ses mécanismes d’écriture et le processus d’élaboration de ses livres, Mario Vargas Llosa a déclaré « prendre toujours comme point de départ un fait réel, souvent historique. Dans La fête au bouc par exemple, j’avais passé huit mois à Saint-Domingue, en 1965. Et là, le souvenir de Trujillo l’ex-tyran, assassiné après trente et un ans de dictature, était toujours présent. On m’a tellement parlé de lui que ça m’a donné l’idée d’écrire un roman autour de ce personnage. Dans La guerre de la fin du monde, c’est plutôt la politique brésilienne de la fin du XIXe siècle qui m’a inspiré ». Politique et littérature La politique justement, Mario Vargas Llosa ne se contente pas de s’en inspirer pour ses romans. Il s’y frotte. Et s’y pique... Candidat malheureux à la présidentielle péruvienne de 1990, il est battu par Alberto Fujimori. « Mais malgré cette mauvaise expérience, je persiste à croire que la participation à la vie politique est nécessaire pour changer les choses. » S’il n’a pas, reconnaît-il, « la vocation politique », Mario Vargas Llosa affirme avec conviction que celle de l’écriture imprègne toute son existence, tout son être. « Dans l’élaboration d’un roman, une fois le sujet choisi, la recherche et la documentation terminées, j’entame le développement de la trame. Et là, surgit tout le matériel obscur enterré au plus profond de moi : les fantasmes, les phobies, les désirs, les passions, les émotions, les instincts, toute cette part d’irrationnel... Tout cela sort durant le processus de création. Je suis d’ailleurs convaincu que l’écrivain n’a jamais le dernier mot à propos de ce qu’il écrit. » Reprenant à son compte une phrase tirée de la correspondance de Flaubert, « écrire, c’est une manière de vivre », Mario Vargas Llosa termine sa conférence en faisant l’éloge de la littérature. « Outre le plaisir, le divertissement et le dépaysement qu’elle offre, elle contribue à nous améliorer, à nous ouvrir à la vie, à nous sensibiliser aux problèmes du monde... Sans littérature, le monde serait pire et la vie encore pire que ce qu’elle est. » Zéna ZALZAL
Invité à Beyrouth à l’initiative de l’Institut Cervantès, l’écrivain hispano-péruvien Mario Vargas Llosa a donné une conférence à l’amphithéâtre Pierre Abou Khater de l’USJ. Devant un auditoire de fervents lecteurs et d’hispanophones, au premier rang duquel on reconnaissait les ambassadeurs d’Espagne, d’Argentine et la consule du Pérou, il a disserté, avec verve et...