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Actualités

L’urbanisme face à la recrudescence des demandes de permis de construire à Gemmayzé

La région de Gemmayzé attire depuis un certain temps grand public et investisseurs. Ce succès repose sur son caractère ancien, traditionnel et harmonieux, qui s’exprime par une densité et des coefficients de construction restés à une échelle humaine. Trouver un mécanisme de préservation du caractère spécifique de Gemmayzé servirait en conséquence les intérêts conjugués de la région et de ceux qui cherchent à y trouver un investissement intéressant mais spécifique. Cependant, la grande difficulté réside dans le fait que les densités admises selon le plan directeur de la ville de Beyrouth sont importantes dans les parcelles libres ou libérées – suite à une éventuelle démolition – sont très élevées et se trouvent en contradiction avec la situation actuelle. Face à cette situation conflictuelle, il me semble qu’il faut aborder la question à l’aide de mesures d’urgence basées sur le principe de la concertation plutôt que de s’abriter derrière des mesures classiques, lentes et dont le résultat risque fort de se révéler totalement contraire aux objectifs de départ. À vouloir trop protéger, en ignorant un fait urbain indéniable, on contribue immanquablement à la dégradation à terme d’une région. Canaliser les énergies dans le sens d’une modernité qui tire sa force et sa créativité de Gemmayzé même en la respectant et en la mettant en scène, voilà peut-être la voie à suivre. L’étude d’impact Les autorités concernées pourraient mettre en place une « étude d’impact », à réaliser par le demandeur de permis de construire lui-même et définie dans une circulaire particulière à la région de Gemmayzé qui est en ce moment mise sous étude. Cette étude devrait être étendue à toute la couronne urbaine entourant le centre-ville, Gemmayzé n’étant qu’un secteur partiel de cette couronne. Cette « étude d’impact » devra porter sur les différents milieux (naturel, urbain, économique, social, environnemental) qui constituent le contexte direct du projet objet de la demande. Elle permettra ainsi à l’administration de définir des critères objectifs de jugement établis avec le demandeur lui-même. Cette approche part du principe que la ville est un organisme vivant, en mutation, et que sa transformation doit se faire comme un enfantement progressif d’éléments architecturaux qui se succèdent et se respectent dans les lieux et le temps. De plus, elle place les acteurs du développement urbain dans un état d’une confrontation très fructueuse, au lieu de les placer dans une confrontation négative et stérile. Cette approche est à mon sens beaucoup plus garante d’harmonie et de succès que celle qui consiste à faire des « études globales d’urbanisme » (« dirassète ») figées, autoritaires, hors contexte et qui, généralement : – finissent dans les tiroirs poussiéreux des administrations et de leurs auteurs ; – coûtent inutilement de l’argent à l’État ; – mobilisent les promoteurs dans le but de contourner les lois, ce qui livre la région à la promotion sauvage ; – donnent bonne conscience aux responsables ayant fui ainsi leurs vraies responsabilités. Les étapes administratives pourraient, dans la même logique, être ainsi définies : A- Présentation d’une étude d’impact et d’un avant-projet conceptuel (Concept Design) : A1- étude d’impact sur la région support du projet analysant les aspects suivants : – parcellaire : taille, forme, orientations, zones de prix, nombre et volonté de fusionnement ; – économique : programmes et équipements dominants existants/projetés ; – urbain et naturel : analyse de l’environnement bâti et naturel ; – fonctionnel : analyse et bilan des VRD existants ou projetés : suffisance ? saturation ? – sociologique : l’insertion dans le milieu social: rupture ? harmonie ? – environnemental : ensoleillement, vents, eaux usées, énergie, nuisances (sonores, visuelles, olfactives) ; A2- avant-projet conceptuel (Concept Design) en termes de : – localisation dans l’environnement (maquette volumétrique du quartier ou animation) ; – programme de construction sur les plans quantitatif et qualitatif ; – mouvement de la circulation véhiculaire vers et à partir du projet ; – rapports avec d’autres bâtiments hauts dans un rayon de 100 mètres : silhouette de la ville ; – caractère architectural, argumentation et discours justifiant les options architecturales ; – l’intrusion visuelle diurne et nocturne (vues à partir des rues convergentes) ; – lignes de gabarit et d’ombres portées ; – peau (revêtement) proposée pour le bâtiment ; – suggestions en terme de dépendance énergétique. B- Évaluation de l’avant-projet conceptuel par le Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU) : Durant cette étape, le CSU peut donner son approbation du concept, exprimer son refus, ou imposer des recommandations et des servitudes particulières complémentaires au projet, en fonction de l’étude d’impact et de l’avant-projet conceptuel. En cas de refus et d’imposition de servitudes particulières, le demandeur devra représenter son projet dans une deuxième phase d’évaluation, durant laquelle le CSU peut donner son approbation ou exprimer son refus, selon que le projet ait tenu compte des servitudes convenues. C- Présentation d’un avant-projet définitif (APD) : Durant cette étape, le CSU approuvera l’APD selon son évolution, et sa prise en considération des recommandations et des servitudes particulières qui avaient fait l’objet de la phase B d’évaluation. Ziad AKL Architecte urbaniste ENPC-Paris Directeur de l’Institut d’urbanisme de l’ALBA Membre du conseil de la DGU
La région de Gemmayzé attire depuis un certain temps grand public et investisseurs. Ce succès repose sur son caractère ancien, traditionnel et harmonieux, qui s’exprime par une densité et des coefficients de construction restés à une échelle humaine.
Trouver un mécanisme de préservation du caractère spécifique de Gemmayzé servirait en conséquence les intérêts conjugués de la...