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Actualités - OPINION

IMPRESSION Chacun son quart

Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles. Ainsi, en foi des réservations enregistrées par les compagnies aériennes, nous attendons 1,6 million de touristes cet été. Si l’on tient compte des statistiques, nous sommes, au Liban, un peu plus de 4 millions d’habitants. Le ministre du Tourisme a bien dit qu’il y en aurait pour tout le monde dans les trois prochains mois. En fait, un touriste pour 2,5 Libanais. Près d’un quart de touriste par autochtone ! Du moment que ce n’est pas un car, nous ferons face. L’arrivée du touriste est donc une bonne nouvelle, et j’attends mon quart de mien avec beaucoup de plaisir. Une bonne nouvelle, dit-on de source officielle, parce qu’ils vont dépenser des sous qui viendront s’injecter dans nos tiroirs-caisses anémiques. Une bonne nouvelle parce qu’ils vont nous changer le paysage. Leurs mœurs, leur accoutrement, leur étonnement nous sortiront quelque peu de la torpeur qui nous engourdit depuis des mois. À voir leur gaieté, leur propension à profiter de l’instant, nous aurons nous aussi des tentations de vacanciers en notre propre pays, et ça devrait faire du bien à tout le monde. Comme vous je me mettrai en quatre, ce qui fait quatre fois plus de moi-même pour moins d’un individu entier. En quatre donc je me mettrai pour l’accueillir, mon quart de touriste, avec force kebbé, arak et taboulé sous les platanes. Le grondement du torrent couvrira nos voix. C’est ainsi que nous franchirons en toute sécurité la barrière des langues. Je ne recommanderai pas à mon touriste d’éviter les légumes. Je sais d’expérience que légumes ou pas, il l’aura, sa tourista. Le médecin de famille est mobilisé, au cas où ça viendrait un peu plus fort que d’habitude. Passée la colique d’usage, mon touriste voudra aller à la plage. Le soir, cramé et fébrile, il voudra aller en boîte. Le lendemain, il voudra voir du pays. Le surlendemain, un spectacle au bout du monde. Le quatrième jour, il s’inquiétera de mon teint cireux. Je l’enverrai se baguenauder en pullman. Car c’est une autre forme de tourista qui touche les natifs que nous sommes. Elle se manifeste par un épuisement progressif, doublé d’une xénophobie à la mesure de l’accueil enthousiaste des premiers jours. Il y a quelque chose d’ennuyeux avec les touristes. Contrairement à nous dans leurs pays, ils ne savent pas se débrouiller tout seuls dans le nôtre. À qui la faute ? Nos adresses sont mal indiquées, nos panneaux ne sont pas toujours traduits, nos villes muent à vue d’œil, les bulldozers détruisent en un jour les repères de la veille, nos sites sont lointains, nos routes sont dangereuses et nos transports en commun vétustes. Il nous faut compenser. Pour ce qui est de l’argent, comme chacun sait, nous avons notre panache. Pour rien au monde nous ne laisserions un hôte mettre la main à la poche. À part ça, nous organisons le séjour, nous gérons les déplacements, nous créons l’attraction. En définitive, ce que le Liban a de meilleur à offrir, c’est surtout le Libanais. Encore faut-il qu’il tienne le coup jusqu’à l’automne. Fifi ABOU DIB
Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles. Ainsi, en foi des réservations enregistrées par les compagnies aériennes, nous attendons 1,6 million de touristes cet été. Si l’on tient compte des statistiques, nous sommes, au Liban, un peu plus de 4 millions d’habitants. Le ministre du Tourisme a bien dit qu’il y en aurait pour tout le monde dans les trois prochains mois. En...