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Partie remise

Décevant le rapport Brammertz ? Pour les Libanais pressés d’en finir avec cette affaire et d’en connaître enfin les tenants et aboutissants, la frustration est évidente. Mais une lecture dépassionnée du document montre clairement que les jalons de l’enquête ont été solidement posés sur la voie menant à la vérité, sur le chemin de Damas « qui coopère avec célérité ». Un travail méticuleux de professionnel dont les conclusions, dans trois mois, dans un an, pourraient difficilement être contestées. Ni accusations ni preuves, mais une conviction, une certitude clairement énoncées : « L’enquête a enregistré des progrès considérables. » Et en arrière-plan, une évidence : le rôle de la Syrie dans le démêlage du puzzle est crucial, déterminant. Personne n’est encore accusé, personne n’a été absous, mais l’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus des parties soupçonnées, dès le départ, de participation au crime. Une situation de « wait and see » nécessaire pour les besoins de l’enquête, mais difficilement gérable par un Liban exsangue confronté à une profonde crise de confiance avec la Syrie, livré, plus que jamais, à ses démons internes. Une situation malsaine qui risque de se prolonger alors que les factions prosyriennes reprennent du poil de la bête et reconstituent le front qui s’était désagrégé après l’assassinat de Rafic Hariri. Un combat de Noirs dans un tunnel, du ni vu ni connu en version hard, tel est l’affligeant spectacle auquel assistent, médusés, les Libanais, un théâtre d’ombres où les raclées pleuvent de partout, les gifles se distribuent allègrement, les esquives le disputent aux coups fourrés. Et quand jaillit la lumière, quand se dissipe la poussière de l’arène, les duellistes tombent leur habit de combat et revêtent, sans sourciller, le complet veston du parfait gentleman. Pacte d’honneur oblige ! Une scène en deux actes où les volte-face n’étonnent plus personne, doctor Jekyll se faisant cloner en mister Hyde et n’arrivant même pas à épouvanter la galerie, encore moins à l’amuser. Les pseudohéros ont perdu de leur panache, et leurs gesticulations n’entretiennent plus que des illusions, des châteaux de cartes qui se font et se défont au gré des vents qui soufflent en bourrasques. 14 mars, 8 mars, 14 février, 10 mai ; orange, jaune, vert, bleu et d’autres tons encore ; pi, oméga, juste, delta, ainsi se résume la vie politique libanaise, ainsi se met en place un avenir florissant : des dates, des couleurs, des symboles, un jeu absurde, un affichage qui tient plus du folklore que de l’attachement à des principes intangibles. Un affichage qui n’ambitionne qu’à mobiliser les foules, à caresser les partisans dans le sens du poil, les credo, mille fois assénés, mille fois proclamés, dussent-ils y laisser des plumes, se perdre dans les méandres d’idées biscornues, de stratégies fumeuses élaborées par de « grands esprits » de temps révolus. Désastreuse la situation ? Irrémédiable la déliquescence ? Bien sûr que non ! Si les Libanais désespèrent de leurs chefs, la communauté internationale, elle, ne désespère pas du Liban. Et à juste titre : les potentialités sont là, elles s’exercent tous les jours à travers le secteur privé, la société civile, les nombreuses manifestations académiques, un débat incessant mené au pas de charge, une volonté farouche de changer notre monde, de bousculer les idées reçues, les principes sclérosés hérités de longue date et devenus désuets. Une réaction instinctive d’autodéfense face à la décrépitude du discours politique, face à l’inertie des sphères dirigeantes. Forums, tables rondes, colloques : des sommités mondiales se succèdent au chevet du Liban pour l’aider à surmonter ses épreuves, à se redécouvrir dans la sérénité. Diverses associations privées s’y investissent avec le même objectif : tirer les leçons du passé, éviter la répétition des mêmes erreurs. C’est à leur écoute que doivent se consacrer nos dirigeants, les anciens chefs de guerre englués dans leur autisme, leur dérisoire autosatisfaction. Une écoute attentive qui leur permettra de prendre le pouls de l’opinion, la vraie opinion, celle qui les voue aux gémonies. C’est à cette condition, à cette seule condition que l’appui international, sans cesse réitéré, pourra enfin se concrétiser, emprunter la voie de la transparence, de la compétence, hors des couloirs obscurs de la corruption. Une gangrène qui a atteint sa maturation à la banque al-Madina et qui a probablement servi au financement du crime du 14 février 2005. Retour à la case départ : qui a tué Rafic Hariri ? Réponse dans trois ou douze mois. Mais dans quelle condition sera alors le Liban ? Nagib AOUN
Décevant le rapport Brammertz ? Pour les Libanais pressés d’en finir avec cette affaire et d’en connaître enfin les tenants et aboutissants, la frustration est évidente. Mais une lecture dépassionnée du document montre clairement que les jalons de l’enquête ont été solidement posés sur la voie menant à la vérité, sur le chemin de Damas « qui coopère avec célérité ». Un...