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Actualités - OPINION

IMPRESSION Prenons notre foot

On ne parle plus du beau temps, le voilà qui s’installe. On ne parle plus du dialogue national, il vide le centre-ville et n’en finit pas de se mordre la queue. On ne parle plus des rapports Mehlis-Brammertz, le deuil fédérateur, la rage indépendantiste, la soif de justice sont refroidis par la crise économique ; et le quotidien se suffit de sa propre peine. On ne parle plus les uns des autres, on ne s’intéresse plus aux autres. Pourtant, une étude vient d’être publiée qui démontre le rôle bénéfique du commérage dans la solidarité communautaire. On ne parle plus de Zarqaoui, on attend son clone. On ne parle plus des révisions, on s’y met. On ne parle plus de la grippe aviaire, elle repassera. On ne parle plus chiffons, on se chiffonne à sa guise. On ne parle plus Da Vinci Code, le film a démystifié le livre. En attendant les grandes vacances, les mariages et les festivals de l’été, il reste le foot. Ils ont failli nous en priver. Ce n’est pas qu’on ne peut pas vivre sans foot, c’est qu’on ne supporte pas l’idée d’en être privé. Que le monde entier se déchaîne et s’enflamme, et que nous soyons les seuls à ne pas compter les buts, voilà qui nous aurait enfoncés dans notre complexe d’isolement. Mais tout va bien. En public et en privé, permission est donnée de hisser le pavillon, d’installer le plasma de promotion, d’inviter les copains, et de se scotcher en éclusant des bières. Depuis le temps que nous jouons du chapeau, enfin une belle petite occasion de jouer du drapeau ! Ça commencera par agacer les femmes. Elles iront se réfugier en cuisine ou prendront l’air entre filles. Mais tout le monde sait qu’elles ne résisteront pas à l’enthousiasme qui déplace les meubles et fait trembler les vitres du séjour. Passé les premiers matches, dès l’approche des finales, elles tenteront de se frayer une place en bout de canapé ou sur des genoux hospitaliers. À condition de se tenir tranquilles et de dégager l’écran. Le foot oppose les sexes, mais finit par les réconcilier. Les Libanais ne manquent pas de pommes de discorde. La politique n’étant pas la moindre, pour une fois, elle pourra se tricoter loin du regard suspicieux et des analyses malveillantes du bon peuple. Celui-ci troquera ses sympathies partisanes pour des préoccupations planétaires. Il poussera des « goal ! » comme naguère il clamait liberté. Les fins de soirée seront célébrées dans la rue avec force klaxons et cortèges bariolés. Les fans en viendront aux mains, c’est la règle. À trop jouer arrosé et assis, il faut bien qu’on se dérouille. Pour un temps, le foot éclipsera le nucléaire, le pétrole, l’Irak, le Darfour et les fermes de Chebaa. Pour un temps, le ballon roulera à Munich avec ses grands airs de nombril du monde. Pour un temps, la terre passera de jambe en jambe, de tête en tête, de fête en fête, et pour une fois, il y aura de la joie. Aussi vrai que depuis Bouddha en passant par Pascal, le bonheur est dans la diversion. Fifi ABOU DIB
On ne parle plus du beau temps, le voilà qui s’installe. On ne parle plus du dialogue national, il vide le centre-ville et n’en finit pas de se mordre la queue. On ne parle plus des rapports Mehlis-Brammertz, le deuil fédérateur, la rage indépendantiste, la soif de justice sont refroidis par la crise économique ; et le quotidien se suffit de sa propre peine. On ne parle plus...