Rechercher
Rechercher

Actualités

Pour Michel et sa famille, la fuite en Israël puis le retour au pays

Michel est père de deux enfants, un garçon et une fille. Trentenaire, cet homme originaire de Aïn Ebel n’a jamais travaillé dans les rangs de l’ALS, jamais occupé un poste dans « l’administration civile », structure qui a remplacé celle de l’État dans l’ex-zone de sécurité. Pourtant, quand l’armée d’occupation a évacué le Liban-Sud en mai 2000, Michel et sa famille ont fui de l’autre côté de la frontière. Au temps de l’occupation, Michel cumulait deux emplois : il travaillait à l’hôpital de Bint Jbeil, équipé et financé par les troupes de l’État hébreu, et avec son bus il amenait (et raccompagnait) tous les jours à la frontière des Libanais qui travaillaient dans les usines au nord d’Israël. Si Michel a décidé de partir avec sa famille en Israël, c’est tout simplement parce qu’il a eu peur. Il croyait aussi qu’il pouvait, à partir d’Israël, émigrer en Australie ou aux États-Unis. Au bout de deux ans et demi, en décembre 2002, quelques jours avant Noël, Michel et sa famille sont rentrés au Liban. En racontant son histoire, il ne s’attarde pas sur des détails qu’il juge inutiles, comme s’il ne voulait pas perdre son temps. Dans son récit concernant son séjour en Israël, il y a très peu de place à l’émotion. Il se contente des faits. C’est uniquement quand il parle des événements qui se sont succédé au Liban-Sud depuis la fin des années soixante que l’on se rend compte à quel point cet homme – qui arrive à peine actuellement à joindre les deux bouts – est amer. « Je suis rentré au Liban quand j’ai vu mon fils Tony, qui avait sept ans à l’époque, porter une kippa, indique Michel. Tony fréquentait une école pour enfants israéliens. Un jour, une excursion a été prévue. Mon fils m’a dit que sa classe allait visiter un temple et d’autres sites propres à la religion israélite. J’ai trouvé ceci étrange, mais j’ai gardé le silence. Le jour de l’excursion, Tony est rentré portant une kippa à la maison. Je n’ai rien dit... D’ailleurs, que peut-on expliquer dans ce cas à un enfant de sept ans ? Mais j’ai pris la décision de rentrer au Liban. » Quelques semaines après le départ du Liban-Sud, Michel et d’autres pères de familles libanaises avaient décidé de s’installer à Haïfa, surtout pour que les enfants puissent suivre leurs études dans des écoles arabes et chrétiennes. « Mais les directrices et les directeurs de ces écoles n’ont pas accepté d’inscrire nos enfants. Ils ont eu peur de la réaction des élèves qui fréquentent ces écoles et de leurs parents. Pour les Arabes israéliens, nous étions les agents par excellence, les Arabes qui ont traité avec l’ennemi. C’est comme si nous étions des renégats », dit-il. Michel et les autres Libanais étaient donc contraints de placer leurs enfants dans des écoles israéliennes. À Haïfa, Michel, qui travaille dans une importante fonderie, gagne bien sa vie. Il affirme aussi que les autorités israéliennes ont « bien traité » les Libanais qui ont fui le Sud, assurant leur hébergement au début, leur donnant des cours d’hébreu, bref les aidant à s’adapter. Émigrer à partir d’Israël Mais Michel a tenu à rentrer au Liban. « J’ai essayé, à partir d’Israël, d’émigrer en Australie. Ça n’a pas marché. Pour être accepté, il faut avoir des parents du premier degré déjà établis là-bas », raconte-t-il, soulignant qu’un « certain nombre de Libanais qui ont des parents dans les pays de la diaspora ont réussi à émigrer, à partir d’Israël, aux États-Unis, au Canada et en Australie ». Il se souvient de son retour au Liban. Dans le bus, ils étaient une vingtaine de Libanais originaires de divers villages de la bande frontalière à rentrer au pays. Il y avait des hommes célibataires, des familles complètes ou encore des femmes accompagnées de leurs enfants, mais dont les époux avaient décidé de rester en Israël. « J’étais content. Mais quand j’ai franchi la douane israélienne à Ras Naqoura, j’ai eu peur. Je me suis dit que j’ai pris peut-être à la hâte ma décision de rentrer », indique Michel. Cette peur et cette hésitation l’ont accompagné jusqu’au barrage de l’armée libanaise à Naqoura. « Ma famille m’attendait. J’ai été arrêté, transporté à Saïda puis à la prison du ministère de la Défense. » Mira, la femme de Michel, prend la parole, raconte qu’elle était heureuse de rentrer au Liban, de retrouver sa famille. « Michel a été arrêté. Je suis rentrée avec les enfants à la maison. J’ai attendu », dit-elle. Michel a séjourné deux mois en prison. Il a été jugé pour être « entré en Israël sans préavis ». Il a été ensuite privé de ses droits civils (il n’a pas le droit de voter, d’obtenir un passeport ou de nouvelles pièces d’identité...). Jusqu’à présent, il ignore pour quelles raisons un avis de recherche lancé contre lui est toujours en vigueur. Il vivote, ouvrant une sandwicherie et une épicerie durant les quelques mois d’été, transportant par intermittence des marchandises entre le Liban-Sud et Beyrouth le reste de l’année. Michel, qui a probablement cru en une cause, a été ballotté d’un endroit à l’autre au fil des événements : en 1977, il a fui son village natal de la bande frontalière à cause de la guerre. Il s’est s’installé à l’est de Saïda jusqu’en 1985 pour rentrer (avec le départ des chrétiens de la zone) ensuite à Aïn Ebel. En mai 2000, il a fui en Israël avec le retrait des troupes de l’État hébreu pour revenir au Liban deux ans et demi plus tard. Aujourd’hui, il est désabusé. Il a perdu espoir et ne croit pas en un meilleur avenir pour le Sud ou pour le Liban. D’ailleurs, il ne veut plus ressasser les détails des événements qui ont touché la bande frontalière depuis la fin des années soixante jusqu’à présent. Il en a ras-le-bol. Michel n’a plus qu’un seul rêve, celui de quitter le pays pour vivre correctement. Il n’est peut-être pas le seul habitant de la bande frontalière dans cette situation. Prochain article : la coopération entre l’armée et la Finul
Michel est père de deux enfants, un garçon et une fille. Trentenaire, cet homme originaire de Aïn Ebel n’a jamais travaillé dans les rangs de l’ALS, jamais occupé un poste dans « l’administration civile », structure qui a remplacé celle de l’État dans l’ex-zone de sécurité. Pourtant, quand l’armée d’occupation a évacué le Liban-Sud en mai 2000, Michel et sa famille ont...